C’est encore une bien belle page de la Bible que nous avons entendue en 1° lecture. Je vais m’attarder sur ce texte et laisser de côté l’Evangile, non pas que ce texte ne soit pas intéressant, mais vous le connaissez et vous l’avez souvent commenté !
La 1° lecture que nous avons entendue commence par un événement dramatique, c’est, comme on dirait aujourd’hui, « la mise au placard » de Samuel ! « Tu es devenu vieux, et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, établis, pour nous gouverner, un roi. » Vraiment, les anciens du peuple venus le trouver n’ont pas pris de gants pour lui annoncer qu’ils ne veulent plus de lui ! Samuel va en ressentir une certaine amertume qu’il ira confier à Dieu et la réponse de Dieu est tout à la fois belle parce que réconfortante pour Samuel mais, en même temps, elle est terrible car elle montre que Dieu n’est pas dupe, il a exactement compris que, derrière cette mise au placard de Samuel, c’était sa propre mise au placard qui se tramait. « En demandant un roi, ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent : ils ne veulent pas que je règne sur eux. » De fait, cette demande du peuple qui veut un roi, elle révèle un double problème
1° problème : Dieu a compris qu’en demandant un roi, le peuple, par l’intermédiaire des anciens, lui manifestait sa défiance. C’est terrible parce que c’est quand même, lui, Dieu qui a tout fait pour son peuple depuis sa libération d’Egypte jusqu’à son installation en Terre Promise. Mais voilà Dieu a compris que son peuple était lassé, ils préfèraient un roi, un homme parce qu’avec un homme à la tête, c’est plus facile de savoir ce qu’il pense et puis, un homme, on peut toujours l’acheter, le manipuler pour qu’il finisse par penser comme nous … avec Dieu, ce n’est pas possible.
C’est pour cela que Dieu a voulu consoler Samuel en lui disant : ce n’est pas toi qui es en cause, c’est moi. Mais on peut comprendre que le prophète si intimement lié à Dieu par son ministère ne peut que souffrir de cette double mise au placard, celle de Dieu et la sienne. Parce que Samuel interprète fort justement cette demande comme un échec de son ministère : puisque le peuple s’éloigne de Dieu et qu’il lui préfère un roi, c’est que lui, il n’a pas réussi à les aider à vivre de Dieu, à aimer Dieu, à marcher sur ses chemins. Quant à Dieu, évidemment, lui, il souffre comme un père qui est rejeté alors qu’on n’a jamais pu le prendre en faute sur quoi que ce soit.
2° problème : Quand j’ai cité la demande des anciens, je ne l’ai pas citée en totalité. Les anciens ne se contentent pas de dire à Samuel : « Tu es devenu vieux, et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, établis, pour nous gouverner, un roi. » Ils rajoutent : « Etablis, pour nous gouverner, un roi comme en ont toutes les nations. » Ce qu’ils veulent, c’est être comme tout le monde. Voilà le vrai drame qui se cache derrière cette demande d’un roi, ils veulent être comme tout le monde. Dieu leur avait dit : vous êtes un peuple particulier parce qu’aucun peuple n’a vécu ce que vous avez vécu, aucun peuple n’a eu un dieu aussi proche et bienfaisant que, moi, je l’ai été pour vous. Mais rien n’y fait, eux, ce qu’ils veulent, c’est être comme tout le monde. Alors Dieu va essayer de les en dissuader en leur expliquant ce qu’ils vont subir. Vous voulez être comme tout le monde, eh bien, regardez comment les autres sont traités ! Dieu va leur faire une description apocalyptique de la situation des autres nations. Mais eux n’en démordent pas : nous voulons être comme les autres !
La Bible, ce n’est pas un vieux livre, c’est, comme me l’avait dit ce détenu à qui j’avais donné une Bible, un livre qui parle de nous à toutes les pages ! Et c’est bien vrai car cette page du Premier Testament que je viens de commenter, elle est d’une grande actualité ! Que de personnes qui abandonnent Dieu pour devenir comme les autres ! Et ça peut aussi nous concerner, nous aussi, quand nous commençons à vivre notre vocation avec de petits arrangements qui, accumulés, finissent par nous faire perdre la différence chrétienne, cette différence qui fait que les autres s’interrogent en nous voyant vivre.
Alors que nous sommes uniques et que c’est un point d’honneur pour Dieu de permettre à chacun d’entre nous d’être unique, nous, nous rêvons d’être comme tout le monde ! Mais pourquoi donc vouloir devenir comme tout le monde quand Dieu nous a créés absolument uniques ? Il ne s’agit pas de chercher à devenir original encore moins un vieil original ! Il s’agit de donner à voir la différence chrétienne qui se caractérise par un amour vécu jusqu’au bout !
Pourquoi lâcher celui qui nous permet de vivre cette unicité pour nous laisser entrainer par ce courant irrésistible qui finira par nous précipiter de plus en plus vers la tristesse, la morosité promise à un monde constitué de clones ? J’aime cette maxime qui dit que « vouloir être dans le vent, ça ne peut qu’être un idéal pour les feuilles mortes ! »
Seigneur, viens guérir tous ceux qui se laissent gagner par ces désirs inspirés par le Malin, viens nous guérir, quand nous-mêmes nous finissons par nous laisser gagner par ces désirs qui finiront par nous paralyser. Et si nous n’avons plus le courage de nous présenter devant toi, si nous sommes déjà trop paralysés pour venir implorer notre guérison donne-nous des frères et sœurs suffisamment énergiques et résolus qui seront capables de nous porter devant toi sur notre brancard et qui ne nous lâcherons pas tant que tu n’auras pas prononcé ces 2 paroles de libération qui nous redonneront vie : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés. » et « Je te le dis, lève-toi, prends ton brancard, et rentre dans ta maison. »
Amen