11 mars : lundi 4° semaine de carême : les conditions pour que nous puissions croire que Dieu peut faire du nouveau.

La 1° lecture était tirée du livre d’Isaïe. Remettre un texte dans son contexte historique, c’est donner beaucoup plus de relief à un texte. Les exégètes nous apprennent que le texte d’aujourd’hui qui fait partie de la 3° partie du livre d’Isaïe a été écrit au retour de l’Exil. Ce retour avait été attendu, désiré, rêvé oui, mais voilà, comme j’aime le dire, si les hébreux ont quitté Babylone en chantant, ils sont arrivés à Jérusalem en déchantant ! Certes, assez vite, le Temple va être rebâti grâce aux moyens fournis de manière étonnante par l’empereur perse Cyrus, mais pour le reste, ce n’est pas aussi rose que ce qu’ils avaient imaginé. 

Pour expliquer cela, il faut savoir que tout le peuple n’avait pas été déporté, on déportait plutôt les élites. Du coup, la plupart de ceux qui ont été déportés, et qui appartenaient à ces élites, vont se serrer les coudes et essayer de vivre, en Exil, une fidélité sans faille à la Loi, à la Parole de Dieu en espérant ainsi hâter le jour où Dieu prendrait pitié d’eux et les ramèneraient sur leur terre bénie. Par contre, ceux qui étaient restés, eux, ils avaient pris leurs aises, la présence de l’occupant avait conduit à des aménagements de la discipline, aménagement des rites, il y avait même eu des mariages mixtes juifs-païens.  Bien des maisons appartenant aux exilés avaient été occupées, réaménagées par l’occupant. La vie avait continué sans les élites et, maintenant, avec leur retour, il fallait leur refaire une place et ce n’était pas simple. 

On peut imaginer sans peine que les exilés sont très déçus par l’accueil mitigé qui leur est réservé et par tout ce qu’ils voient à leur arrivée. Tant au plan religieux que social et même économique, ils ne reconnaissent plus la terre qu’ils avaient quittée.  Alors, ils en viennent à se demander si Dieu ne les a pas menés en bateau avec toutes les belles promesses qui leur avaient été faites en Exil. Vous comprenez pourquoi il était important de remettre ce texte dans son contexte parce que, dans la lecture que nous avons entendue, on assiste donc à un ré-engagement de Dieu à l’égard de son peuple. Dieu lui annonce même que tout ce qu’il va faire sera encore plus beau que tout ce que les hommes avaient pu, jusqu’ici, entendre de sa bouche et imaginer même dans leurs rêves les plus beaux. « Je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit … »

Dieu est ainsi, quand il refait, ce qu’il refait est encore plus beau que ce qu’il avait fait et pour tant ce qu’il avait fait, comme le dit le livre de la Genèse était beau et même très beau quand il s’agissait de la création de l’homme et de la femme. Vous l’aurez compris, c’est le mystère de la Rédemption que nous s lisons comme en filigrane derrière ce texte. En Jésus qui se donne, Dieu va refaire ce que le péché avait défait et l’homme « refait », l’homme sauvé sera encore plus beau car il connaitra le prix de l’amour qui l’a refait.

Venons-en à l’Evangile, tiré de St Jean. Nous avons entendu Jésus dire : « Si vous ne voyez pas de signes et de prodiges, vous ne croirez donc pas ! » Derrière cette parole, on entend comme une fatigue de Jésus face à cette nouvelle demande de miracles que ce fonctionnaire royal est venu lui faire. Mais est-ce aussi sûr que Jésus soit fatigué ? J’aime bien dire que l’un des problèmes des évangiles, c’est que nous n’avons pas l’intonation avec laquelle Jésus a prononcé ces paroles ! Là, en plus, le traducteur a interprété, mais après tout c’est inévitable d’interpréter quand on traduit, il a écrit : vous ne croirez donc pas … ce qui renforce l’idée d’un reproche. Dans le texte grec, Jésus dit : vous ne croirez absolument pas si vous ne voyez pas de signes et de prodiges. Eh bien, moi, j’entends ces paroles comme un constat de Jésus. Pour moi, c’est comme si Jésus disait : vous ne pourrez jamais croire si vous ne voyez pas des signes et des prodiges. La preuve que ma manière de lire n’est pas farfelue, c’est que, juste après, Jésus guérit l’enfant à distance, sans se faire prier !

Si je lis de cette manière, c’est aussi parce que je sais qu’il y a 3 verbes essentiels qui structurent la démarche de Foi dans l’évangile de St Jean : Venir-Voir-Croire. J’aime bien cette expression qui dit que la foi commence avec les pieds : pour croire, il faut se bouger, il faudra toujours une démarche. Me bougeant physiquement ou spirituellement, je pourrai voir la puissance de Dieu à l’œuvre et alors, je pourrai croire. 

VENIR-VOIR-CROIRE, habituellement, ce sont les étapes normatives du chemin de foi que nous retrouvons bien dans les témoignages de catéchumènes. Ces étapes, nous les voyons très bien décrites dans ce texte d’Evangile à condition de ne pas entendre Jésus soupirer là où il ne soupire pas ! Et, alors, vous voyez, ça devient intéressant parce que ces étapes normatives du chemin de foi nous permettent de poser un diagnostic sûr pour identifier la cause de nos crises de foi, évidemment, je veux parler de ces moments où la foi devient difficile. Puisque, sur le chemin de la foi, tout commence par une démarche, quand je suis en crise, c’est le signe que je ne me bouge plus, que je fais du « sur-place spirituel. » Je suis ancré dans des habitudes qui m’ont peut-être aidé à ancrer la foi au début de ma vie spirituelle mais qui, maintenant, la sclérosent parce que je ne veux plus en sortir, je ne veux plus me laisser renouveler, déranger. Et ce verbe « déranger », je l’aime beaucoup parce que, éthymologiquement, il signifie « sortir du rang », c’est-à-dire sortir de la routine étouffante. A chacun de nous de voir ce que ça peut évoquer concrètement pour lui ou pour elle et de voir les réajustements qui deviennent nécessaires et urgents.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons que notre foi en la puissance de Dieu puisse être renouvelée et qu’elle nous obtienne la force d’accomplir les démarches qui seront nécessaires pour que Dieu, selon les promesse de la 1° lecture, puisse faire du nouveau en nous.

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