Dans la vie de foi, mais c’est aussi un peu comme ça dans la vie, il y a ceux qui ont tendance à rajouter toujours plus d’exigences de règles pour être sûrs d’en faire assez et ceux qui ont tendance à alléger toujours plus de peur d’en faire trop ! On le voit très bien dans ces deux attitudes psychologiques aux antipodes : les scrupuleux et les laxistes, sachant que nous avons tous un pied qui pencherait plutôt d’un côté ou plutôt d’un autre, l’équilibre parfait n’étant pas si aisé que ça ! Les scrupuleux en rajoutent toujours plus et les laxistes en enlèvent toujours plus. Les uns comme les autres ont donc besoin d’entendre ce que Moïse disait au peuple de la part du Seigneur dans la 1° lecture : Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu, tels que je vous les prescris. Très bien ! Mais une question se pose immédiatement : quel est le cœur de la foi, ce cœur auquel il convient de ne rien enlever et de ne rien ajouter car il contient tout ce qu’il faut pour vivre en croyant ?
Nous pouvons nous rappeler qu’un jour, un docteur de la loi était venu trouver Jésus pour lui poser cette question qui le hantait. Cet homme devait se trouver comme écartelé entre ceux qui voulaient rajouter toujours plus de prescriptions à la loi et ceux, plus libéraux, qui voulaient alléger le fardeau. Cet homme vient donc trouver Jésus pour lui dire : Quel est le grand commandement ? Sous-entendu, quel est le commandement qui les résumerait tous, celui auquel, il ne faudrait rien rajouter ni rien retrancher ? Nous connaissons la réponse de Jésus : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Mt 22,37-39 Pour Jésus, c’est clair, tout se résume dans le double commandement de l’amour.
– Amour qui se manifeste à l’égard du Seigneur qui nous a tout donné. Je suis en train de lire un merveilleux livre qui m’a été prêté pour enrichir mon temps de vacances, la formule de Dieu. Dans ce roman-fiction qui développe une passionnante intrigue policière, nous suivons le travail de scientifiques qui ont aidé Einstein à établir la preuve de l’existence de Dieu. Tout est expliqué très clairement pour des non-scientifiques et ce qu’ils nous permettent de découvrir ne peut que tenir notre cœur dans une immense gratitude : Dieu a tout calculé pour que la vie puisse apparaître, rien n’a été laissé au hasard comme certains le prétendent. Alors, bien sûr, ce n’est une preuve que pour ceux qui croient déjà, mais les autres, ça ne peut que les interroger sérieusement ! Donc Jésus ne se trompe pas en disant que le côté pile du grand commandement, c’est l’amour de Dieu parce que nous lui devons tout, absolument tout.
– Quant au côté face de ce grand commandement, c’est l’amour des autres : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. J’avais lu, pendant le confinement, le commentaire d’un exégète disant que la meilleure traduction serait : tu aimerais ton prochain qui est un autre toi-même. Et il argumentait sérieusement sa proposition qui me plait bien car, c’est vrai, l’autre est un autre moi-même, c’est-à-dire que, comme moi, il ne peut pas vivre sans recevoir des marques d’attention et même mieux des marques d’amour.
Seulement voilà, même si tout cela parait bien séduisant, ce n’est encore pas suffisant car il faudrait être sûr que l’amour dont nous parlons ne reste pas un vague sentiment, ne se contente pas uniquement de belles paroles comme dans la chanson qui portait ce titre évocateur : paroles, paroles ! C’est sans doute pour cela que le Seigneur n’avait pas seulement demandé à Moïse de dire : Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu, tels que je vous les prescris. Il avait rajouté : Vous les garderez, vous les mettrez en pratique, justement pour que ça ne reste pas des paroles. Et c’est ainsi qu’on a commencé à codifier un certain nombre d’obligations tant au niveau de la prière pour que l’amour de Dieu ne soit pas qu’un beau sentiment, qu’au niveau de l’amour des autres pour que cet amour puisse s’incarner dans des attitudes extrêmement concrètes.
Finalement, c’était exactement le sens de la 2° lecture tirée de la lettre de St Jacques qui nous expliquait que nous devons aimer le Seigneur parce que nous recevons tout reçu de lui et qui précisait que cet amour devait se manifester dans un comportement à l’égard des plus fragiles.
Alors, quand selon notre tempérament, nous serions tentés de rajouter encore des préceptes pour préciser le grand commandement dans ses deux faces ou d’enlever ce qui nous paraitrait inutile, plus au goût du jour, la seule question à nous poser est celle-là : est-ce que ce que je vais enlever ou ce que je vais rajouter me permettra d’aimer mieux ? Si c’est le cas, pas de problème, c’est une inspiration de l’Esprit-Saint, si ce n’est pas le cas, c’est une suggestion du mauvais esprit comme l’appelait St Ignace de Loyola. Dans l’Evangile, c’est d’ailleurs à cet examen de conscience que Jésus invite les pharisiens, eux qui avaient rajouté sans cesse de nouveaux préceptes aux préceptes encadrant le grand commandement.
Et ce n’est pas un hasard si la polémique a été lancée par le fait que les apôtres ne se lavaient pas les mains avant de manger. En fait, comme toute personne bien élevée, ils devaient se laver les mains avant de manger, mais sans doute pas assez pour montrer qu’ils le faisaient selon le rituel très codifié. En effet, très vite s’était posée la question : il faut se laver les mains en récitant des prières, mais où s’arrêtent les mains ? Les rabbis en avaient conclu que pour être sûr de ne pas en faire trop peu, il fallait aller jusqu’aux coudes, mais alors des polémiques sont nées entre ceux qui disaient que le coude était compris et ceux qui pensaient qu’on pouvait s’arrêter avant le coude ! Et voilà à quoi passaient leur temps ces rabbis dans les différentes écoles ! On comprend que Jésus ait voulu mettre un terme à tout cela en invitant à un grand examen de conscience : est-ce que vous vous préoccupez de savoir si ce que vous préconisez va vous aider à aimer mieux ?
Puissions-nous, nous aussi, retenir la leçon, ce qui nous éviterait bien des discussions polémiques et stériles ! Et, puisque, selon les paroles de Jésus, c’est du dedans que vient tout ce qui dénature l’amour, demandons-lui qu’en le recevant, il purifie tout ce qui est à purifier en nous et qu’il emplisse notre être le plus profond de son amour afin que nous puissions le rayonner tout au long de cette semaine.