Homélie 24 mars 3° dimanche de carême année C

Nous connaissons tous le psaume 115 qui dit : « « Les idoles, elles ont des yeux mais ne voient pas, des oreilles mais n’entendent pas, des narines mais ne sentent pas, des mains mais ne touchent pas. » Aucun sens qui fonctionne chez elles, elles sont donc parfaitement insensibles !

Oui, les idoles sont insensibles et, pourtant les hommes ne cessent de se tourner vers elles ! La bible, d’un certain point de vue peut se résumer dans ce combat contre les idoles, les prophètes vont donner le meilleur d’eux-mêmes pour que le peuple s’engage dans ce combat. Toutes les cultures ont fabriqué leurs idoles. Hier, je visitais avec un ami le musée vivant et nous avons vu les cases traditionnelles, j’ai été frappé de voir qu’au milieu de l’enclos où il y avait la hutte des garçons, la hutte principale avec la cuisine et la chambre des parents et la hutte des filles, eh bien, dans cet enclos, il y avait une petite hutte pour les fétiches, les idoles de l’époque.

Mais ce ne sont pas seulement les peuples de la Bible ou les cultures ancestrales qui avaient des idoles, nous continuons, nous aussi à en fabriquer tous les jours ! Pour certains, c’est l’argent, ils sont prêts à tout sacrifier pour en avoir toujours plus ; pour d’autres, c’est la soif du pouvoir ou encore un désir toujours plus grand de consommer, de goûter à tous les plaisirs. Je ne veux pas faire l’énumération complète de toutes les idoles, nous serions encore là demain ! Mais, vous voyez, c’est terrible parce que nous savons qu’au final, elles seront décevantes ces idoles, qu’elles nous demandent beaucoup en nous laissant croire qu’on sera largement récompensé alors qu’on ne voit jamais rien venir si ce n’est un esclavage de plus en plus terrible. Elles sont parfaitement insensibles comme le dit le psaume et pourtant, nous continuons à les servir et elles, elles continuent à nous asservir !

La 1° lecture d’aujourd’hui, ce texte si connu de la révélation de Dieu dans le buisson ardent, nous présente justement un Dieu qui est à l’opposé des idoles. Dieu se révèle à Moïse en disant : J’ai vu … et le texte insiste en disant : oui, j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris, je connais ses souffrances. » Dieu voit, il entend, il connait, Dieu n’est pas insensible comme le sont les idoles.

Alors, une 1° question nous est posée : allons-nous encore longtemps continuer à servir nos idoles, à nous laisser asservir par elles alors qu’elles sont parfaitement insensibles ? Allons-nous enfin donner à Dieu la place qu’il mérite dans notre cœur, dans notre vie ? Nous le savons, le temps du carême nous est donné pour que nous puissions purifier nos cœurs, faire le ménage, chasser toutes les idoles que nous avons laissé s’installer en nous et resserrer nos liens avec le Seigneur. Alors profitons de ce temps de carême pour faire le ménage et, attention, nous sommes déjà à la moitié du carême, alors n’attendons pas trop !

Maintenant, nous pouvons nous poser une autre question : que fait Dieu quand il voit la misère de son peuple, quand il entend ses cris de souffrance ? Eh bien, la 1° lecture a répondu à cette question. Quand il voit la misère de son peuple, quand il entend ses cris de souffrance, Dieu appelle et envoie des hommes. Pour bien le comprendre, je veux vous raconter cette histoire.

« Un homme traversait une ville, ça pourrait être Bujumbura ! Et, presqu’à tous les carrefours, il voit des enfants pauvres qui demandent l’aumône. Il se tourne vers le Seigneur et lui fait quelques reproches : « Mon Dieu, comment peux-tu permettre une telle misère ? Fais quelque chose. » Le soir au journal télévisé, il voit des scènes de mort, des yeux d’enfants moribonds et des corps torturés.  À nouveau, il prie en faisant les mêmes reproches : « Seigneur, quelle horreur, comment peux-tu accepter cela, fais quelque chose. » Il va se coucher et, dans la nuit, il est réveillé et entend une voix dans son cœur qui lui dit : « Tu m’as fait beaucoup de reproches injustes aujourd’hui en me disant que je ne faisais rien pour supprimer, la misère, la violence … c’est vraiment injuste de dire que je ne fais rien car j’ai déjà fait beaucoup puisque je t’ai fait, toi ! »

Il y a plus de 3000 ans, Dieu a vu la misère de son peuple, Dieu a entendu le cri de ses souffrances, alors il a appelé Moïse et il l’a envoyé pour sortir son peuple de sa misère. Aujourd’hui encore, Dieu voit la misère de son peuple, Dieu entend le cri de ses souffrances et pour soulager son peuple, il nous appelle et il nous envoie. A chaque fois qu’il entend quelqu’un lui faire des reproches devant son apparente inaction, Dieu dit : c’est vraiment injuste de dire que je ne fais rien car j’ai déjà fait beaucoup puisque je t’ai fait, toi !

Alors, évidemment, quand nous entendons cela, nous pouvons prendre peur en disant : « Mais, Seigneur, il y a tellement de misère et de souffrances dans le monde, comment veux-tu que j’arrive à soulager ton peuple ? Je suis trop petit, impuissant pour cette mission ! » C’est déjà ce que répondait Moïse, comment veux-tu que j’aille rencontrer Pharaon et lui parler, je suis bègue ! Comme Moïse, quand nous entendons que Dieu a fait quelque chose pour lutter contre la misère, pour soulager la souffrance puisqu’il nous a faits, nous, nous pouvons avoir peur … et ça se comprend.

Enfin, ça se comprend si nous croyons que nous sommes seuls. Mais nous ne sommes pas seuls parce que ce que Dieu me dit à moi, il le dit à chaque chrétien et même à tous les hommes de bonne volonté. Si tous ceux qui entendent cet appel unissent leurs forces et mettent en commun leurs moyens pour faire la guerre à la misère, nous pouvons constituer une armée très puissante qui ne sera pas dépourvue de moyens ! Depuis que je suis ici, avec mes petits moyens, j’essaie de faire ce que je peux, mais si nous nous y mettons tous, forcément, nous serons plus forts, nous pourrons constituer cette armée puissante qui fera triompher la paix, la justice, l’Amour. Donc, inutile d’avoir peur, nous ne sommes pas seuls !

Et puis, non seulement, nous pouvons unir nos forces, mais Dieu, quand il nous appelle, ne se décharge pas sur nous d’une mission qu’il ne voudrait pas accomplir. Nous connaissons tous des personnes qui sont spécialistes dans l’art de se défiler. Quand elles voient quelque chose d’urgent et d’important à faire, elles appellent quelqu’un d’autre pour le faire à leur place ! Dieu n’est pas comme ça. C’est ce qu’il va révéler à Moïse quand il lui révèle son nom. Ce nom qu’il lui révèle est très difficile à traduire de l’hébreu. La traduction liturgique a traduit : je suis qui je suis, mais on peut faire mieux ! Et pour faire mieux, on pourrait traduire : « tu verras bien qui je suis »

Mais attention, cette formule ne signifie pas que Dieu refuse de dire qui il est ! Non, mais, ce qu’il est vraiment, Moïse le découvrira au fur et à mesure parce que c’est en voyant ce que Dieu va faire que Moïse comprendra qui il est vraiment. En révélant ce nom à Moïse, c’est comme si Dieu lui disait : « Moïse, je ne peux rien faire sans toi et je veux que toi, tu ne fasses rien sans moi, tu ne puisses rien réussir sans moi ! »

De fait, Moïse pourra bien être étonné de ce qu’il devient capable de faire en comptant sur le Seigneur puisqu’il obtiendra la libération de son peuple. Oh, bien sûr, ça ne sera pas facile, mais Dieu n’avait pas promis que tout serait facile ! Ce qu’il a promis, c’est d’être avec Moïse.

Peut-être vous demandez-vous maintenant quel lien tout cela peut avoir avec l’évangile que nous avons entendu. Dans cet évangile, Jésus commence par raconter deux faits divers. L’histoire des galiléens massacrés par Pilate et l’histoire de cette tour de Siloé qui s’écroule en tuant ceux qui sont en train de passer. Il y a donc une scène de violence et une catastrophe naturelle qui font beaucoup de morts. Ce genre d’informations, nous les trouvons tous les jours dans nos journaux. Et, à chaque fois que nous les lisons, nous nous posons la question : pourquoi tant de morts innocents ?

Jésus commence déjà par répondre que, pour ceux qui sont morts, cette mort n’est pas une punition de Dieu pour leurs péchés. Par contre, il va prononcer une parole que nous pouvons avoir du mal à comprendre : si vous ne vous convertissez pas, vous finirez par mourir, vous aussi, de la même manière. Voilà comment je comprends cette parole. Jésus dit : si vous ne voulez pas que la violence et la mort ne l’emportent et finissent par vous emporter avec, si vous voulez que la vie et l’amour triomphent, il va falloir vous convertir.

C’est comme si Jésus nous disait : vous vous révoltez devant ces drames et souvent vous reprochez à Dieu de laisser faire, eh bien, moi, je vous dis qu’il est urgent que vous vous convertissiez. Rappelez-vous que Dieu n’est pas insensible, donc ça signifie qu’il ne reste jamais sans rien faire devant la violence et la souffrance. Alors vous voulez savoir ce qu’il fait ? Eh bien, vous, il vous a fait, vous, et c’est sa réponse d’amour face à la violence, la souffrance. Oui, nous sommes la réponse d’amour de Dieu, mais cela exige que nous nous convertissions. Et c’est le sens de la 3° histoire que Jésus raconte dans laquelle il nous dit que Dieu est quand même un peu fatigué devant notre inaction, devant le fait que notre vie ne porte pas plus de fruits ! Toutefois, il nous accorde encore un délai, il nous offre encore un carême pour que nous nous convertissions, pour que nous acceptions de comprendre que nous sommes sa réponse d’amour au défi de la violence, de la souffrance.

Prenons au sérieux ce délai qui nous est accordé, unissons-nous avec tous ceux qui veulent être des chrétiens dignes de ce nom et avec tous les hommes de bonne volonté. Comptons sur le Seigneur qui nous fait la promesse d’être toujours avec nous et alors, plus jamais, il n’y aura des personnes qui se révolteront contre Dieu en constatant que le monde est traversé par tant de violences et de souffrance. Tout le monde comprendra que Dieu a agi et ne cesse d’agir puisqu’il nous a fait, nous !

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