Samedi 15 mars, il y avait un mariage à Bujumbura et le père Roger était invité ! Peggy, une grande ami du Foyer mariait son fils Jean-Marc. Le matin, Peggy est venue à la messe (alors qu’il y aura encore la messe pour le mariage) pour confier ce mariage au Seigneur, elle prend le petit déjeuner avec nous à la suite et renouvelle son invitation à toute la communauté pour la célébration et la réception.
Chaque année, Peggy offre le repas du 1° janvier à la communauté. Elle sait qu’ils ont beaucoup travaillé la semaine précédente (grosse retraite de fon d’année) et ensuite, il y a l’animation de la nuit du 31, donc pour permettre aux membres de dormir le matin et de pouvoir manger à midi, un traiteur amène le repas qu’elle offre … depuis le Canada.
Depuis de nombreuses années, elle est au Canada avec sa famille. Le Foyer les a beaucoup accompagnés de leur prière à un moment difficile, elle est très reconnaissante.
Je vais donc participer à un mariage, belle expérience !
Avant de vous raconter ce qui s’est passé, je vais vous raconter comment se passe un mariage … depuis le commencement !
Bien, sûr, tout commence par une histoire d’amour entre un garçon et une fille. Quand ils sont sûrs de leur amour et qu’ils ont vérifié que les parents sont d’accord, les démarches vont commencer … et c’est une véritable pièce de théâtre qui va se jouer … en 5 actes !
1° acte : la dote !
Les parents du garçon vont contacter les parents de la fille en leur disant : nous aimerions vous visiter pour voir vos vaches ! Nous, ça nous choque un peu, mais, ici, la vache représente une grande richesse. Aller voir les vaches de quelqu’un, c’est donc aller voir « ses trésors » !
Ils conviennent d’un jour et quand les parents du garçon arrivent chez les parents de la fille qui savent tout à fait pourquoi ils sont venus, les parents du garçon redisent qu’ils sont venus voir les vaches ! Les parents (enfin le papa, ce sont les papas qui vont mener toutes ces négociations !) de la fille vont dire : c’est dommage, mais nos vaches ne sont pas là, elles sont sur un terrain qui est assez loin d’ici. Mais entrez puisque vous êtes venus !
Et alors le papa du marié va dire que puisqu’ils ne peuvent pas voir les vaches, pour qu’ils ne soient pas venus pour rien, ils vont faire une demande concernant leur fils qui aimerait bien se marier avec telle fille de la maison.
Le papa de la fille (qui est cachée dans une pièce de la maison !) va dire n’importe quoi : nous n’avons pas de filles, nous n’avons que des garçons ! Ou bien, cette fille est partie, elle est rentrée chez les religieuses et d’ailleurs nous ne comprenons pas pourquoi vous la demandez pour votre fils, car nous avons appris qu’il est rentré au séminaire ! Ou bien, nous avons quelques filles, mais ce ne sont que des enfants et nous ne pouvons pas les donner, elles sont trop jeunes !
Une grande discussion s’engage où chacun va chercher des arguments pour convaincre l’autre, le papa de la fille pour dissuader, le papa du fils pour insister. Tout cela se fait très très sérieusement, même si chacun sait très bien qu’il joue un rôle ! Et, bien sûr, on boit une bière et même plusieurs !
Au bout d’un moment, le papa de la fille va céder et convenir que c’est vrai, il a bien une fille de ce nom et qu’elle ferait sûrement une bonne épouse pour leur fils ! Ensuite, soit la négociation se continue, soit elle est reportée parce que toute cette première phase dure des heures … on aime parler dans ce pays !
Le papa de la fille peut dire : nous sommes d’accord, mais notre fille n’est pas ici aujourd’hui (ce qui est faux, bien sûr !), maintenant, il fait nuit et notre fille est bien élevée, elle ne sort pas la nuit, donc il faudra revenir quand il fera jour et nous lui dirons d’être là !
Et va commencer la discussion pour la dote. Puisque la fille va partir de la maison, il faut « indemniser » ses parents qui l’ont bien éduquée.
Donc, négociation pour le montant de la dote, là encore, c’est du spectacle ! (mais je n’ai pas participé !) Le papa de la fille va vanter les qualités de sa fille disant qu’elle est la meilleure, qu’elle a fait toutes les plus hautes études possibles (même si ce n’est pas vrai et que les parents du fiancé le savent très bien !) et il va dire que, par contre, ce n’est pas le cas pour le garçon, qu’ils savent qu’il n’est pas si bien élevé que cela, qu’il n’a pas fait de bonnes études … Evidemment le but est de faire monter les enchères !
Dans les familles pauvres, la dote va se monter à 2 chèvres que les parents du garçon doivent offrir aux parents de la famille. Dans les familles plus aisées, ça va être des vaches, jusqu’à 4 ou 5 vaches pour les plus riches.
Les vaches, selon les cas, seront réellement données ou alors, ça sera l’équivalent en argent : 1 million de francs burundais pour une vache, une belle somme !
Quand le marché est conclu, la date du mariage est conclu.
Les mariés sont accompagnés d’un parrain et d’une marraine, chez nous, on les appelle des témoins.
J’ai oublié de le dire, les mariés s’appellent : Natacha et Jean-Marc.
2° acte : la célébration du mariage
Les jeunes vont se préparer au mariage (je ne sais pas comment se passent les fiançailles !) et le mariage aura forcément lieu à l’église.
Il y en a tellement que, en paroisse, les curés peuvent célébrer jusqu’à 5 mariages en même temps !
C’est pour échapper à ces mariages collectifs que les familles qui ont les moyens louent une chapelle privée en cherchant un prêtre (ami souvent) qui acceptera de le célébrer.
La construction de chapelles privées et leur location est un véritable business pour les communautés religieuses qui voient leur investissement leur rapporter pas mal d’argent. Ces chapelles peuvent être louées plusieurs fois dans la semaine car les mariages peuvent se célébrer tous les jours de la semaine et sur un même jour, il peut y avoir plusieurs mariages dans la même chapelle !
C’était le cas, pour ce mariage auquel j’ai participé, ils avaient loué une belle chapelle appartenant aux dominicains.
Quand je suis arrivé, il y avait déjà deux prêtres qui avaient entendu parler de ma venue. L’un d’entre eux me connaissait car il avait participé à mon enseignement pour les prêtres au cours de la semaine St Valentin. L’autre venait de Gittega. Ils ont cru que la famille m’avait choisi pour célébrer, ils voulaient déjà changer le nom du prêtre qui avait reçu délégation pour me donner cette délégation. Evidemment, j’ai refusé car je ne savais pas comment se passait un mariage ici ! Mais j’aurais peut-être dû accepter car, celui qui a accepté n’avait rien préparé et n’a pas un dit mot personnalisé sur les fiancés !
Un 4° prêtre s’est rajouté … arrivé en retard ! Le mariage était prévu à 14h, il a commencé à plus de 14h30 et ce 4° prêtre est arrivé vers 14h45, si le mariage avait commencé à l’heure, il serait arrivé pour la bénédiction finale !!!!
La célébration ressemble vraiment à ce qui se fait chez nous, sauf que la chapelle est encore plus décorée que ne peuvent l’être nos églises pour un mariage. En plus, il y a une chorale qui est payée pour venir chanter, chorale d’une quarantaine de personnes !
Mais vraiment, il n’y a rien de personnalisé ! C’est dommage parce que, là, manifestement, les fiancés et leurs familles n’étaient pas de simples pratiquants, ils étaient vraiment croyants. La preuve, ce sont les mariés et leurs parents qui ont fait la Prière Universelle.
3° acte : la consécration à Marie
Je ne sais pas si ça se fait pour tous les mariages, mais, là, comme la maman du marié est amie du Foyer, ils sont venus au Foyer pour faire cette consécration à Marie, il y avait les mariés, témoins, parents et quelques membres proches de la famille dont une religieuse, soeur du papa de Jean-Marc.
Je préside ce temps de prière, je leur explique qu’ils ont bien fait de décider d’inviter Marie à leur mariage ! A Cana, elle avait été invitée et elle veillait, du coup, elle a tout de suite vu quand quelque chose de difficile arrivait et elle en a parlé à Jésus. Je les ai invités à garder Marie chez eux pour qu’elle veille et intercède pour eux, comme à Cana, s’il y a des difficultés. Ça n’a pas duré longtemps ce que j’ai dit, mais la marraine (témoin), reprendra ces mots dans son discours au cours de la soirée en me citant !
Ils font une prière de consécration, dépose une composition florale devant la statue, nous faisons quelques photos.
4° acte : les photos
Je n’ai pas participé, ce sont les proches qui vont dans un lieu prévu d’avance et aménagé pour la circonstance.
5° acte : la réception
Là aussi, le business des salles de réception est un business rentables, les communautés religieuses ont souvent une salle de réception attenante à leur chapelle qu’ils louent pour les mariages.
De fait les dominicains avaient une salle de réception attenante à leur chapelle, mais nous, nous n’étions pas dans cette salle. Nous sommes allés à la salle St Jean-Paul II … qui appartient à un prêtre qui a de l’argent et qui fait du business … j’espère qu’il distribue les bénéfices dans des oeuvres !
Nous attendons un bon moment que les mariés et leurs familles arrivent.
Une ancienne ministre est invitée et arrive sous bonne garde !
Nous sommes très nombreux alors qu’il n’y avait qu’une centaine de participants à la célébration. Mais, ici, ça ne fait pas de problème de venir uniquement à la réception !
Quand les mariés arrivent, nous pouvons entrer, nous prenons une boisson au passage, je choisis une bock, une bière brune. Je prends toujours une bock parce que c’est la seule de dimension raisonnable, les autres font toutes 75 cl !
Je suis à table avec Diane, la responsable du Foyer, Lidwin et le prêtre qui a célébré, on nous donne une « bonne table » juste au 2° rang, alors que moi, j’aurais plutôt choisi une table du fond !
Le prêtre qui a célébré le mariage fait une prière de bénédiction, nous pouvons commencer à boire !
La réception commence et, en fait, je découvre que c’est une succession ininterrompue (ou presque de discours).
C’est, Jean-Philippe, le papa du marié qui prend la parole. On fait comme si on était chez eux car traditionnellement, la noce se faisait chez les parents du marié. Il souhaite la bienvenue mais, il s’adresse surtout à Adrien pour lui rappeler la rencontre de la dote et le remercier pour son bon accueil. Et recommence un sketch improvisé dans lequel ils vont se répondre plusieurs fois. Jean-Philippe annonce qu’il donne une parcelle de terrain et deux vaches aux mariés en cadeau.
Adrien prend la parole et remercie Jean-Philippe en lui disant qu’il avait vu lors de leur rencontre qu’il était un brave homme et que ça se vérifie à la qualité de son accueil. Il lui dit, je t’avais dit : je ne peux pas te montrer ma fille parce qu’il fait nuit, mais maintenant puisqu’il fait jour (alors qu’il faisait grand nuit !) je vais te la montrer et tu vas comprendre que c’est ce que j’ai de plus précieux … alors qu’on sort de l’église où les deux familles étaient là avec les fiancés !!! C’est un vrai sketch ! Et pour ne pas être en reste, il offre aussi 2 vaches !
Ils reprennent la parole l’un et l’autre pour donner des conseils aux mariés et se redire l’une ou l’autre chose ! Tout cela est en kirundi, mais Diane me traduit !
Ensuite ce sont des oncles qui vont parler, le premier parle longtemps, au bout d’un moment il est applaudi. Comme Diane ne me traduit plus, je lui demande ce qu’il vient de dire de si bien. Elle m’explique qu’il n’a rien dit d’exceptionnel, mais les gens applaudissent parce qu’ils trouvent que c’est trop long, ils veulent le faire taire, mais il continue !
Les oncles et tantes de chaque côté offrent des vaches, il y en aura 8 offertes au total !
Les témoins disent un mot ou plutôt le parrain et la marraine ! La témoin, soeur de la mariée, va donc me citer, elle fait un très beau discours (pas parce qu’elle me cite !) donnant de bons conseils au jeune couple et les invitant à faire du Seigneur le roc de leur vie. Elle offre aussi une vache ! Mais avec beaucoup d’humour car elle apporte un carton, type carton dans lequel on met les gâteaux et elle explique qu’ils ont coupé les cornes, les pattes de la vache pour qu’elle tienne dans le carton ! Je ne sais pas ce qu’il y avait dedans, mais il fallait que ce soit une vache ! Elle offre aussi un voyage en Suède car elle habite là-bas. Beaucoup de burundais sont partis comme réfugiés et un certain nombre ont été envoyés en Suède, ce qui a permis à pas mal de femmes de se marier car les suédois semblent aimer les femmes de couleur !
Les frères du marié vont parler aussi, eux ils n’offrent pas de vache, mais un voyage à Cuba. Jean-Marc et sa famille habitent au Canada et Natacha aux Etats-Unis.
Au milieu de tous ces discours, on annonce que le repas est servi. C’est assez rare qu’il y ait un repas, habituellement, les gens n’ont pas les moyens d’offrir un repas aux invités, surtout quand ils sont aussi nombreux, mais là, ce sont des expatriés qui ont plus de moyens.
Au début du repas, un médecin de la clinique Suisse vient s’asseoir à notre table, je le reconnais ! Je l’avais vu quand, l’année dernière, j’étais allé dans cette clinique pour mes intestins. Ce médecin est un rescapé du massacre de Buta.
Vers 21h30 nous quittons la salle, il y a encore des discours !