Si un jour, en allant vous confesser, un prêtre vous donne comme pénitence d’apprendre un psaume par cœur et qu’il vous donne le choix entre le 116 et le 118, je vous conseille vivement de choisir le 116 car il n’a que deux versets alors que le 118 en comporte 176 ! Si vous allez vérifier dans vos bibles, la numérotation va changer, ça sera le 117 et le 119 ! Mais peu importe ! On ne peut donc jamais le chanter en entier dans un office, mais on en chante un morceau chaque jour à l’office du Milieu du jour. Pourquoi donc ce psaume 118 est-il si long ? Eh bien parce qu’il est un commentaire sur la Loi, sur la beauté, la grandeur, l’utilité de la Loi. Et pour chanter les bienfaits de la Loi, il ne faut pas moins de 176 versets, c’est dire si c’est un socle de la foi judéo-chrétienne. La loi, pour faire bref, c’est ce que nous avons entendu dans la 1° lecture, ce que nous, nous appelons de manière mal ajustée les 10 commandements et que nos frères juifs appellent les 10 Paroles de Vie.
Et surtout n’allons pas croire que Jésus, l’Evangile ont rendu cette loi caduque. Non, Jésus dira : je ne suis pas venu abolir la loi, et il rajoutera : pas la moindre lettre, pas le moindre trait de lettre ne disparaitra de la Loi.C’est dire à quel point cette Loi est un trésor pour que Jésus nous invite à la sauvegarder avec tant de respect.
Essayons de comprendre en quoi ces Paroles sont des Paroles de Vie. D’abord, une toute petite remarque : mis à part les 2 ou 3 premières de ces Paroles, toutes les autres définissent le socle de ce qu’on appelle la morale naturelle, c’est-à-dire les lois fondamentales qui s’imposent à tous, les interdits et les obligations qui structurent la vie en société. Globalement, on peut dire que toutes les sociétés, toutes les civilisations sont construites sur ce fondement. Vous imaginez ce que serait la vie s’il n’y avait pas l’interdit du meurtre ? Personne n’oserait sortir de chez lui ! Hélas, certains ne respectent pas cet interdit, mais plus grave encore, la loi, elle-même, donne de plus en plus souvent des dérogations en autorisant la suppression de la vie et, comble de tout, on cherche à nous faire croire que ce sont des avancées civilisationnelles !
Si la Loi énoncée dans la Bible reprend les grands fondements universels, pour les croyants et, particulièrement pour les chrétiens, elle revêt une importance encore plus décisive. En effet, nous connaissons tous la Parole de Jésus qui dit : Tout ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait. Dans cette perspective, la plupart de ces Paroles vont s’imposer avec une force encore plus grande. Tu ne tueras pas parce que si tu enlèves la vie de quelqu’un, c’est le Christ que tu fais mourir une nouvelle fois. Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tromperas pas ta femme ou ton mari car si tu le faisais, c’est le Christ que tu salirais. Tu ne porteras pas de faux témoignage, tu ne feras pas accuser quelqu’un à tort car si tu le faisais, c’est Jésus que tu bafouerais. Je ne veux pas reprendre toutes les Paroles, mais vous avez compris le principe qui sous-tend une relecture chrétienne de ces Paroles de Vie, relecture qui leur donne une portée encore plus grande et qui rend leur transgression encore plus grave.
Ces 10 Paroles de Vie, on a l’habitude de dire qu’elles sont des balises qui nous indiquent la route pour que, précisément, nous ne fassions pas des sorties de route qui pourraient être mortelles pour nous ou pour les autres. Vous savez en montagne, avant que la saison neigeuse n’arrive, on plante des piquets qui, en cas de neige abondante, vont permettre de repérer où se trouve la route et de ne pas dégringoler dans le précipice. Cette explication nous permet de comprendre encore mieux pourquoi on appelle ces 10 interdits ou obligations des Paroles de Vie. Si nous les observons, nous resterons sur la route de la Vie, si nous les enfreignons, nous allons chuter dans le précipice en y entrainant d’autres avec nous.
Ces 10 Paroles de Vie, elles nous font aussi rêver à un monde idéal. Vous imaginez comme le monde serait beau, comme la vie serait belle si tout le monde les observait en les reconnaissant comme le socle d’une morale commune qui s’impose à tous et garantisse les droits et les devoirs de toute personne. Et le monde serait encore plus beau, la vie serait encore plus belle si, tout le monde en faisait une lecture chrétienne, devenant capable de voir en chaque être humain le reflet du visage du Christ, ce qui donnerait à chacun une valeur inestimable. Oui, cette Loi est un grand trésor et on comprend qu’il faille 176 versets au psaume 118 pour en chanter toutes les vertus !
Mais alors, si la Loi est si belle, si elle est un trésor si précieux, pourquoi Jésus s’affronte-t-il si régulièrement aux scribes et aux pharisiens précisément sur ce sujet de la Loi ? D’abord, il faut faire tout de suite une mise au point : jamais Jésus ne remettra en cause le cœur de la Loi, les 10 Paroles de Vie. Par contre, il remettra souvent en cause ce qui a été rajouté, ensuite, par les hommes qui n’ont cessé d’édicter des compléments pointilleux qui ont fini par rendre impossible l’accomplissement de la Loi. Mais comment Jésus aurait-il pu remettre en cause les 10 Paroles de Vie puisqu’elles ont été données par Dieu lui-même ? Non, jamais Jésus ne les remettra en cause.
Et puis, pour Jésus c’est clair, et St Paul le développera longuement dans l’épitre aux Romains, par exemple, il y a un problème avec la Loi. Parce que la Loi, elle te dit parfaitement tout ce que tu dois faire ou ne pas faire, mais elle ne te donne pas la force de l’accomplir. Or, savoir ce qu’il faut faire pour avoir la Vie, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant, encore faut-il avoir la force de l’accomplir !
On peut dire que la Loi, en prônant le respect inconditionnel de tout homme, parce qu’il est un reflet du visage du Christ, met la barre très haute. Je ne sais pas combien vous sautiez en hauteur quand vous étiez à l’école, entre 1m et 1m20 ou 1,40 pour les plus doués. Mais la Loi, elle nous met une barre au moins à 3mètres et sans doute plus. C’est-à-dire qu’elle nous semble tellement infranchissable que pas mal de personnes disent : je vais faire ce que je peux, c’est déjà pas mal, mais il y a des jours où je peux peu !
Mais vous savez qu’il y a un moyen de passer une barre qui nous parait trop haute pour nos seules forces, c’est le saut à la perche ! Les perchistes, les barres à 3 mètres, pour eux, c’est de la rigolade ! Ils montent jusqu’à 6 mètres ! Eh bien, voilà le secret d’une vie chrétienne réussie qui ne contente pas de dire : je fais ce que je peux ! Le secret, c’est le saut à la perche ! Et la perche, c’est le Saint-Esprit, cette force que Dieu nous donne qui décuple nos forces, permettant d’aller plus loin, plus haut que ce que nous réussissons en utilisant nos seules forces. Ce week-end, les diacres permanents du diocèse de Nice sont venus en récollection et je leur parle depuis hier du Saint-Esprit, c’est dire s’ils sont devenus, avec leurs épouses, des spécialistes du saut à la perche !
L’année prochaine, c’est promis, je commenterai l’Evangile ! Mais en attendant demandons, par l’intercession de Notre Dame de Laghet, la grâce de devenir, nous aussi, experts en maniement de cette perche extraordinaire qu’est le Saint-Esprit qui nous permettra de nous élever toujours plus haut afin de tutoyer les sommets de l’amour.