S’il y a un vœu que Paul n’a jamais fait, c’est bien le vœu de stabilité ! Dans les passages des Actes que nous lisons, les noms de localité s’enchainent permettant de suivre Paul à la trace. Des cartes très précises ont d’ailleurs pu être établies montrant l’itinéraire qu’il a suivi dans ses 3 grands voyages missionnaires. Pour aujourd’hui, voilà tous les lieux qui étaient cités : Lystres, Derbé, retour à Lystres, Iconium, Antioche de Pisidie, région de la Pamphylie. Pergé, Attalia, Antioche de Syrie. Oui, vraiment, Paul n’a pas fait vœu de stabilité et on comprend qu’il ait pu épuiser certains de ses collaborateurs parce qu’il fallait tenir le rythme et sûrement aussi accepter son caractère. En tout cas, dès que la communauté était fondée, il fallait partir ailleurs et s’il visitait une communauté déjà fondée, sauf rares exceptions, il ne s’éternisait pas. Est-ce à dire que Paul avait la bougeotte ? Non, bien sûr, c’est son zèle évangélisateur qui le poussait à ne jamais s’arrêter. Et son ardeur missionnaire est la parfaite illustration de cette affirmation de Jean-Paul II qui disait dans Novo Millenio ineunte : « Celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l’annoncer » (NMI 40). Et ce dont on peut s’étonner ou plutôt s’émerveiller, c’est que cette ardeur missionnaire n’est jamais vraiment retombée, Paul aura eu des dizaines de milliers de successeurs tout aussi ardents que lui.
Au cours de mes études de théologie, j’avais eu l’occasion de chercher ce qui avait pu motiver, au 19° siècle, le grand élan missionnaire. A ma grande surprise, j’ai compris qu’un des éléments fondamentaux qui avait poussé ces missionnaires à tout quitter, à tout risquer, c’était ce que l’on disait, ce que l’on croyait, ce que l’on enseignait : « Hors de l’Eglise pas de Salut ! » Bien sûr, aujourd’hui, on ne le dirait plus, du moins plus comme ça, on préfère une formule du genre : « Hors de l’Eglise pas de Salut reconnu. » C’est parce qu’on leur avait enseigné que ceux qui n’étaient pas baptisés et donc qui n’étaient pas membres de l’Eglise catholique, ne seraient pas sauvés, que tant de missionnaires ont décidé de partir au loin.
Au-delà d’une réelle soif d’aventures pour certains, il y avait chez tous un amour extraordinaire pour tous leurs frères en humanité, pour ces personnes de l’autre bout du monde à qui ils voulaient offrir la possibilité du Salut. Même sans les connaître, ils ne pouvaient pas supporter l’idée que ces personnes puissent être damnées. Je trouve cela extraordinaire : aller jusqu’à donner sa vie pour le Salut de personnes totalement inconnues. Ce n’était pas le prestige de l’Eglise, sa puissance, sa croissance que servaient les missionnaires, c’était le bien de leurs frères en humanité qu’elles voulaient servir. Alors oui, c’est vrai, il y a eu des dérapages, des conversions forcées, mais il y a eu surtout beaucoup d’amour car l’Evangile a été une source de libération pour les personnes là où il s’est implanté. En bien des endroits les croyances ancestrales tenaient les populations dans la peur : peur des esprits des morts qui surveillaient, superstitions de toutes sortes dont gens ont été libérés par la foi en Christ qui avait justement donné sa vie pour les libérer et pour qu’ils vivent vraiment libres. Oui, c’est bien l’amour qui a poussé les missionnaires à prendre tant de risques. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à St Pierre Chanel, mon compatriote, que nous avons fêté la semaine dernière, il lui a fallu 11 mois ½ de navigation pour arriver à Futuna et débarquant sur l’île, il n’était pas tout à fait sûr que ses habitants n’étaient pas anthropophages, ce qui était le cas dans bien des îles comme en Nouvelle Calédonie où j’ai lu que les populations locales, quand elles voyaient un bateau arriver se réjouissaient en disant : hum, des fruits de mer ! Je vous assure que c’est vrai ! Heureusement pour Pierre Chanel, ce n’était pas le cas à Futuna, mais il est quand même mort martyr 3 ans ½ après son arrivée. Quel courage, quel amour !
C’était déjà le même courage, le même amour qui animait les premiers évangélisateurs dont les tribulations nous sont racontées dans le livre des Actes des Apôtres. Parce qu’il fallait être animé par un amour indéfectible à l’égard de ses frères pour endurer ce qu’ils ont enduré. A Lystres, on nous dit que Paul s’est fait lapider, ce n’est quand même pas rien et qu’il a été trainé en dehors de la ville,et qu’on l’a laissé comme mort.
Retrouvant ses esprits, il part se mettre au vert à Derbé, et, là, évidemment, pas question de repos, dès qu’il a récupéré, il évangélise faisant un bon nombre de disciples et dès qu’il se sent bien, où est-ce qu’il va ? Je vous le donne en 1000, il retourne à Lystres, là-même où il avait été lapidé ! Il faut vraiment être intrépide ! Ensuite, on nous dit qu’il part pour Antioche de Pisidie, c’est à dire là où, après un début prometteur, ils avaient connu tant de problèmes ! Il faut le faire quand même ! Si vous n’êtes pas animés par un amour inconditionnel pour vos frères en humanité, jamais vous ne prendrez de tels risques !
Et ce qui est extraordinaire, c’est que lorsqu’ils retournent à Antioche de Syrie, bouclant ainsi ce 1° voyage missionnaire, ce qu’ils racontent, ce ne sont pas les galères traversées, les épreuves endurées, mais ce que Dieu avait fait avec eux pour ouvrir aux nations païennes la porte de la foi. Paul partageait la grande conviction de foi de Pierre : il n’y a pas d’autre nom que le nom de Jésus par lequel on puisse être sauvé. Il avait expérimenté qu’une vie sans Jésus menait à une impasse, qu’elle ne pouvait pas avoir de véritable saveur. Cette même conviction, le pape François l’exprimera de manière très forte dans Evangelii Gaudium en disant : « Avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire, ce n’est pas la même chose. » Oui, la grande motivation de tous les évangélisateurs, c’est le bien des personnes. Jésus a dit : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » Evangéliser, c’est donc vouloir offrir à chaque être humain cette possibilité d’accueillir, sans attendre l’au-delà, cette vie en abondance, de pouvoir vivre à fond, à plein, utilisons les mots que nous voulons pour le dire !
La vie en abondance, nous sentons bien que, hier comme aujourd’hui, c’est l’aspiration la plus profonde des hommes qui ne veulent pas se contenter du fameux métro-boulot-dodo. Hélas, aujourd’hui, la plupart des gens pensent que cette vie en abondance, elle ne se trouvera qu’en s’échappant du quotidien, qu’elle se trouvera dans les loisirs, les distractions au sens où Blaise Pascal parlaient de toutes ces choses que la Covid a rendu précisément impossible. Et nous sentons que bien des gens trépignent d’impatience pour retrouver tout ce qui leur manque et ainsi pouvoir retrouver la vie d’avant. Je ne sais pas si vous sentez les choses comme moi, mais j’ai l’impression qu’après le 1° confinement de l’année dernière, on rêvait tous du monde d’après, un monde différent alors que ce nouveau confinement a rendu bien des gens nostalgiques de la vie d’avant. Or la vie en abondance, on ne la trouvera pas en réactivant la vie d’avant et tous ses mirages.
Il me semble que c’est bien ce que nous dit Jésus dans l’Evangile. En nous donnant la paix, sa paix, il nous indique que la vie en abondance ne se trouvera pas dans l’évasion, dans le rêve, mais qu’elle s’accueille au plus profond du cœur. La Paix, c’est d’abord dans le fond du cœur qu’elle s’installe et quand elle est installée dans le fond d’un cœur, ce cœur est armé pour vivre toutes les situations. Comme pour la mer, il peut y avoir de l’agitation en surface, mais en profondeur, la paix demeure parce qu’elle vient de Jésus et que Jésus ne retire jamais ses dons. Mais, attention, en précisant que cette paix, Jésus ne la donne pas à la manière du monde, il nous suggère que la paix ne s’obtiendra pas par des compromis. La paix dans le monde est souvent le résultat de compromis, c’est ce qu’on peut lire dans les traités de paix. La paix de Jésus, elle ne peut jamais être le résultat de compromis, elle ne s’accueille que dans un don total de nous-mêmes, parce que, seul ce don pourra provoquer une ouverture du cœur suffisante pour permettre à sa paix de s’installer en nous et nous offrir cette vie en abondance. La vie en abondance fruit de la paix, on ne la trouvera donc jamais en rêvant d’être ailleurs que là où on l’on a décidé de se donner totalement.
Je termine en racontant cette histoire merveilleuse d’un moine qui va trouver son père abbé pour lui dire : « Je n’en peux plus, je voulais être heureux en entrant au monastère, mais je tourne en rond, je vais partir. As-tu, père, une personne à m’indiquer qui pourrait m’aider dans la quête du bonheur ? » Le père Abbé, lui donne l’adresse d’un homme de bon conseil qui le reçoit et lui dit : « je comprends parfaitement ton problème, mais ce n’est pas moi qui peux t’aider, va trouver telle personne et il lui indique l’itinéraire à suivre pour la rencontrer. Arrivant chez cette personne, même scénario et se scénario se répète des dizaines de fois, toutes mes personnes rencontrées comprennent son problème mais ne peuvent lui donner la solution et l’envoient chez quelqu’un d’autre. Fatigué le moine entre chez cette personne qui vient de lui être indiquée et le supplie de ne pas l’envoyer chez quelqu’un d’autre, il n’en peut plus, il abandonnera si cette personne ne peut rien pour lui. La personne lui dir, : de fait, je ne peux rien, par contre, je connais la personne qui va t’aider et je te promets que celle-là ne t’enverra pas chez quelqu’un d’autre. Le moine suit les indications, arrive devant une porte, il frappe, on lui dit d’entrer et il se retrouve en face de son père abbé qui lui dit : je t’attendais ! La vie en abondance n’est jamais dans la fuite, fleuris là où Dieu t’a planté, c’est ce qu’il y a de plus sûr !
St François de Sales: « Fleuris où Dieu t’a planté ».
Inscription à la Flatière dont je me rappelle… Et qui m’a parlé.
Merci beaucoup Père pour cette belle homélie. J’en profite toujours. Et Marthe Robin dit autrement : » Être là où Dieu me veut et y faire ce qu’il veut’ ‘. C’est bien sûr notre sainteté et notre grand bonheur.
Merci Elvire pour ce commentaire … que le Seigneur vous bénisse !