Dans la 1° lecture, tirée de la 1° lettre aux Corinthiens, Paul rappelle la caractéristique fondamentale de tout service exercé dans l’Eglise, qu’il s’agisse d’un humble service caché ou d’un ministère beaucoup plus en vue. D’ailleurs, en latin, le mot ministère se traduit par le mot service. Et quelle est donc cette caractéristique fondamentale ? Eh bien, justement que tous doivent être au service, et c’est bien pour cela que Paul évoque la figure de l’intendant et qu’il précise que ce que l’on attend d’un intendant, c’est qu’il soit digne de confiance. Mine de rien, dans ces quelques mots, il y a comme la feuille de route qui est adressée à tous ceux qui exerceront une mission dans l’Eglise, encore une fois, du plus humble service au ministère le plus en vue.
Dans une institution, l’intendant, l’économe, ce n’est pas le patron, mais celui qui permet au patron de mettre en œuvre son programme, celui qui se dévoue corps et âme pour faire réussir son patron. Il ne cherche jamais sa propre gloire, mais la réussite de l’institution, de l’entreprise. Dans l’Eglise, la plupart des problèmes naissent du fait que certains ont oublié ce principe fondamental. Un curé qui commence à se comporter en petit chef, ou un recteur d’ailleurs, mais aussi un évêque, voire le pape lui-même, et c’est le début de grosses difficultés. Mais c’est également vrai pour une personne responsable du fleurissement, de l’animation des messes ou de la catéchèse. Nul n’est patron et nul n’est propriétaire de sa mission. Tous, nous ne sommes que des intendants qui devons tout faire pour travailler à la réussite du grand projet d’amour, du grand projet de Salut de notre patron qui est le Seigneur.
J’aime bien raconter cette belle histoire concernant Ste Joséphine Bakhita, une religieuse originaire du Soudan qui a connu l’horreur d’un long temps d’esclavage. Devenue vieille dans son couvent en Italie, elle accueille, un jour, l’évêque venue faire une visite. L’évêque ne la connait pas encore et lui demande, après avoir vu toutes les religieuses : et vous, ma sœur, que faites-vous dans ce couvent ? Sœur Bakhita était devenue vieille et ne faisait plus grand-chose, mais elle va répondre de manière extraordinaire à l’évêque en lui disant : la même chose que vous, Monseigneur ! L’évêque lui répond : comment pouvez-vous faire la même chose que moi, alors que moi, je passe mes journées en réunion ou dans des rencontres à prendre des décisions très importantes ? Sœur Bakhita répond : Monseigneur, je passe mes journées à essayer de faire la volonté du Seigneur, j’espère qu’il en est de même pour vous ! Vous voyez donc que, fondamentalement, nous faisons la même chose ! Merveilleuse réponse qui est une belle illustration de ce que Paul a voulu dire en utilisant le mot d’intendant pour définir l’esprit de tout service accompli en Eglise.
Quant à l’Evangile, il va nous faire entendre deux paroles très importantes de Jésus.
La 1° parole vise à répondre aux scribes et pharisiens qui reproche à Jésus le fait que ses disciples, contrairement à ceux du Baptiste, ne jeûnent pas. Jésus explique, avec beaucoup de bon sens, qu’au cours d’un mariage, quand l’époux est là, même si on est très religieux, on ne jeûne pas. Or, il est l’époux, bien présent donc les apôtres n’ont pas à jeûner. Je ne veux pas trop développer ce que signifie, pour Jésus, l’utilisation de ce terme d’époux pour définir sa mission. Ce qui m’intéresse plus, c’est que, si Jésus est l’époux, alors les apôtres sont les amis de l’époux. Jean-Baptiste se définira aussi en ces termes d’ami de l’époux. Quel beau titre ! Dans une noce, les amis de l’époux, c’est-à-dire, ses témoins ont une place très enviée, tout près de l’époux. C’est donc la place qui est réservée à tous les disciples, ami de l’époux, disciples d’hier et disciples d’aujourd’hui. Cette appellation d’amis de l’époux pour désigner les disciples, ceux qui exercent une mission dans l’Eglise, vient donc compléter l’appellation de Paul qui parlait d’intendant. Oui, nous ne sommes que des intendants, jamais des patrons, mais, cette mission, nous la vivons dans une proximité tellement grande avec le patron que nous sommes comme les amis de l’époux dans un mariage. Quelle belle consolation Jésus nous apporte pour vivre les jours où la mission nous semblera un peu lourde et même parfois ingrate.
La 2° parole de Jésus dans l’Evangile cherchait à définir l’état d’esprit fondamental de tous ceux qui veulent se mettre au service du grand projet d’amour du Seigneur en acceptant sa nouveauté radicale. A partir de deux images très simples, celle du tissu et celle du vin, Jésus nous fait comprendre que nous ne pourrons jamais travailler avec lui, pour lui si nous n’acceptons pas de nous laisser renouveler en permanence. C’est sans doute pour cela que les scribes et les pharisiens n’arrivent pas à comprendre Jésus et encore moins à le suivre. Ils sont sans arrêt en train d’analyser ce que Jésus fait ou ce qu’il dit avec leurs vieux principes que la nouveauté de l’Evangile vient faire éclater. Jésus montre ainsi que le choix à faire est très clair : soit tu accueilles la nouveauté de l’Evangile et, pour cela, tu n’absolutises plus tes vieux points de repères, soit tu restes accroché à tes principes et tu passes à côté de l’Evangile.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de vivre notre mission dans l’effacement de l’intendant mais aussi dans la joie de l’ami de l’époux en nous laissant renouveler en permanence pour goûter et faire goûter la nouveauté de l’Evangile.