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Noël 2018 au Burundi

Les traditions de Noël changent d’un pays à l’autre. Je suis très heureux de vivre avec vous cette fête de Noël. Permettez-moi d’évoquer quelques instants comment se passe Noël chez nous ou plutôt comment il se passait quand j’étais enfant et, dans quelques instants, vous comprendrez pourquoi je vous raconte ces souvenirs.

Je suis originaire d’un petit village qui avait 360 habitants quand j’étais enfant. Le curé desservait deux paroisses la nôtre et une autre, un peu plus importante. La nuit de Noël, il n’y avait pas de messe chez nous, nous nous rendions au village voisin. Mes parents étaient assez pauvres, nous n’avions pas de voiture. Alors, nous allions à pieds au village voisin, nous marchions environ 3 kilomètres, dans la nuit et, à cette époque, souvent dans la neige. Nous étions une vingtaine de personnes à nous retrouver pour aller, à pieds, à cette messe. J’aimais beaucoup cette marche, la messe et le retour où un bon chocolat chaud nous attendait avec quelques papillotes (ce sont les chocolats que je vous ai apportés) et quelques mandarines et, notre cadeau, c’était souvent un pull, un bonnet que notre maman nous avait tricoté … d’ailleurs, en décembre, nous l’aidions plus volontiers dans les tâches ménagères pour qu’elle ait le temps de finir ses tricots avant Noël !

La messe était à 23h, vous allez comprendre dans un instant pourquoi notre curé avait choisi cet horaire. Une petite veillée précédait la messe, notre curé était musicien, il avait lancé une chorale qui nous offrait les chants traditionnels de Noël. Bien sûr, ils ne chantaient pas aussi bien que vous, mais ils y mettaient tout leur cœur ! Et je me rappelle qu’une année, notre curé avait lancé un chant nouveau, je ne sais pas si vous l’avez déjà entendu, le refrain dit que c’est Noël chaque jour, car Noël, ô mon frère, c’est l’amour ! Les couplets développent cela en expliquant, par exemple, que c’est Noël quand on visite un malade sur son lit d’hôpital, quand la violence fait place au pardon. Moi j’aimais beaucoup ce chant parce qu’il disait que ça peut être Noël chaque jour. J’aimais tellement Noël que, vivre Noël, chaque jour, oui ça me plaisait beaucoup comme idée !

Mais, voyez-vous, depuis, j’ai compris qu’il manquait un couplet à ce chant et un couplet qu’il faudrait mettre en premier parce qu’il est le plus déterminant pour expliquer comment et pourquoi Noël peut se vivre chaque jour. Le texte d’évangile que nous venons d’entendre peut nous aider à le découvrir. Quand St Jean dont nous venons de lire le prologue de l’Évangile veut rendre compte du Mystère de l’Incarnation, il a cette phrase extrêmement forte : « le Verbe s’est fait chair. » Et le mot qu’il utilise pour parler de la chair est le mot le plus réaliste qui existe comme pour dire que lorsque Dieu se fait homme, il se fait vraiment homme. Dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus va prononcer le célèbre discours sur le Pain de Vie (Jn 6) dans lequel il annonce déjà le don de sa vie, don qu’il anticipera en se donnant dans l’Eucharistie : ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne. Eh bien, dans ce discours, Jésus reprendra ce même mot de « chair » en disant : le pain que je vous donnerai c’est ma chair livrée ou encore : qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi, je demeure en lui. Le rapprochement entre ces deux textes qui parlent de manière très réaliste de la chair nous invite donc à faire un rapprochement entre le Mystère de Noël et le Mystère de l’Eucharistie.

Alors nous comprenons que c’est Noël chaque jour car, c’est chaque jour, qu’est célébrée l’Eucharistie. C’est pourquoi, il me semble si important que, nous les prêtres, nous puissions célébrer chaque jour l’Eucharistie, même s’il faut le faire à 3h du matin, comme je l’ai fait avant de partir au Burundi. A la messe, Jésus se rend aussi réellement présent sur l’autel qu’il était présent dans la crèche de Bethléem. Notre cher curé d’Ars, à la fin de sa vie, se contentait de répéter sur tous les tons en désignant le tabernacle : il est là, il est là ! Oui, dans un instant, il sera là comme il était là, dans la crèche de Bethléem. Quel mystère ! J’ai d’ailleurs entendu un prêtre expliquer un jour que si Dieu avait créé la terre ronde, c’est précisément parce qu’il voulait qu’à chaque instant, une messe soit célébrée quelque part. En effet avec le décalage horaire, on peut dire qu’il ne se passe pas un seul instant sans qu’une messe soit célébrée quelque part dans le monde. Et c’est très important, parce que, si la messe n’est pas le seul moyen pour Jésus de se rendre présent, c’est quand même le moyen le plus sûr et le plus fort. C’est particulièrement dans la messe que Jésus accomplit sa promesse : et moi, je serai avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps. Il est venu à Bethléem, il y a 2000 ans et, grâce à la messe, il est toujours parmi nous, aussi réellement présent qu’il l’était à l’époque. Oui, Noël, c’est chaque jour, car c’est la messe qui nous fait revivre, chaque jour, le mystère de Noël. Voilà le couplet qu’il manquait à ce chant !

D’ailleurs, on peut faire bien des rapprochements entre le 1° Noël de Bethléem et la messe. A Bethléem, il est venu dans une mangeoire et Bethléem signifie la maison du pain … vous croyez que c’est un hasard ? A la crèche, ceux qui sont venus, ce sont les bergers, les pauvres ; ceux qui viennent à la messe sont encore des pauvres puisque nous y sommes, vous et moi et, seuls ceux qui ont conscience de leur pauvreté savent qu’ils ne peuvent vivre en chrétiens sans la force de l’Eucharistie. A chaque messe dominicale, nous chantons le chant du Gloire à Dieu qui est le chant qui a retenti dans la nuit de Bethléem comme pour bien montrer que la messe et Noël sont un même et unique Mystère. Enfin, à la messe, Jésus se rend présent sous une forme aussi pauvre qu’il s’était rendu présent à Bethléem. Comment reconnaitre le Fils du Dieu Tout Puissant dans la fragilité de cet enfant de la crèche ? Comment reconnaitre la présence du Fils du Dieu Tout Puissant dans la pauvreté du signe du pain ? A chacun d’entre nous de prolonger cette méditation pour trouver d’autres points de comparaison entre Noël et la messe.

Quand j’ai découvert cela, il y a déjà quelques années, j’ai compris pourquoi mon curé tenait vraiment à garder la messe à 23h. Certains prêtres commençaient à célébrer des messes un peu moins tard, lui n’a pas voulu changer. Il voulait que la consécration se passe à minuit, il voulait que Jésus se rende présent sur l’autel, à l’heure même, où il était arrivé au monde à Bethléem … du moins, c’est ce que les gens pensaient, il est né à minuit ! Et je voyais bien que mon curé surveillait sa montre pour être absolument synchro et être à minuit pile dans le moment de la consécration, d’ailleurs, la consécration achevée il faisait sonner les cloches pour que la Bonne Nouvelle soit annoncée au monde : le Sauveur est né et, dans cette messe, nous revivons ce grand mystère. Vous le voyez, nous avons bien raison de dire à la fin de la consécration : il est grand le mystère de la Foi, oui, il est vraiment grand ce mystère de l’Eucharistie !

Je termine en étant plus concret ! Ce rapprochement entre Noël et la messe devrait nous encourager à participer à la messe plus fidèlement et, si nous y venons déjà fidèlement à vivre la messe avec plus de foi. Si un jour, nous ne sommes pas enthousiastes à l’idée d’aller à la messe, redisons-nous : c’est Noël que je vais vivre ! Qui aurait l’idée de sauter la fête de Noël ? Rappelons-nous, qu’à Noël, nous recevons des cadeaux et qu’à a messe, le Seigneur nous fait le plus précieux des cadeaux : le cadeau inestimable de sa présence. A Noël le Très Haut se fait le Très Bas, à la messe, le Très Haut se fait le très près ! Et puis, Noël, c’est la fête de la joie, alors que chaque messe renouvelle notre joie de savoir et d’expérimenter qu’Il est avec nous pour toujours jusqu’à la fin des temps.

Que cette fête de Noël vienne renouveler notre foi en l’Eucharistie et que chaque Eucharistie nous permette de revivre la joie de Noël !

Cet article a 4 commentaires

  1. Mikaël

    Merci pour cette homélie de fête !

    1. Franchellin

      Merci père Roger pour cette belle homélie qu’il reste à mettre en pratique.
      Dieu c’est fait homme par un enfant…un enfant ça pleur certes, mais ça dort beaucoup ! On peut dire que Dieu c’est fait homme en dormant.. dans le silence de nos nuits, il s’en passent des choses !
      Hérode cherchait le petit enfant…le jour de Pâques les femmes cherchaient le corps de Jésus… prison pour que notre témoignage de FOI permette à des hommes et des femmes et des enfants de chercher ET de trouver Jésus là où il est, c’est à dire au plus profond du silence, de la nuit de chaque être, là où aucune intimité humaine ne peut pénétrer.
      EN communion de prière
      JM

  2. Dechelette

    Merci pour cette homélie qui nous fait bien revivre le mystère de l’Incarnation. C’est vrai que Jésus est venu dans le dénuement le plus complet Pouvait -il en être autrement ? Pour la mission qui lui était confiée par son Père, pouvait-il venir accompagné par une multitude d’anges avec trompettes et tambours ?. Il s’est fait connaître à des bergers, misérables couchant avec leur bêtes. Comme c’est beau cette naissance !.

  3. Adéline

    Merci Père Hébert !

    Comme c’est important cet enracinement dans le concret des vies! Merci pour toutes ces anecdotes bien vivantes qui nous permettent plus aisément de comprendre tout ce dont vous nous parlez. Et pour l’humilité du partage…

    MERCI !

    Adéline

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