13 décembre : mardi 3° semaine de l’Avent Dieu sait bien accommoder les restes et surtout les petits restes !

Les 1° lectures nous font voyager dans le temps, hier, avec le livre des Nombres, nous étions en 1200 avant J.C. Même s’il a été écrit bien plus tardivement, les histoires qu’il raconte datent de -1200 ans et nous avions donc entendu de manière étonnante et même rocambolesque, la plus ancienne prophétie annonçant la venue du Messie. Aujourd’hui avec Sophonie, nous sommes dans les années 600. Il n’est pas toujours simple de dater les livres bibliques, mais pour Sophonie, c’est assez facile puisqu’il nous dit que la Parole du Seigneur lui fut adressée au temps du Roi Josias. Or, ce Roi Josias, il régna entre 640 et 610 environ. Le Roi Josias, le bon roi Josias, il est très connu pour avoir mis en place une grande réforme, pas d’abord une réforme politique, mais une réforme religieuse qui devait faire cesser les grands désordres dont le pays souffrait et particulièrement la capitale Jérusalem. 

Jérémie, qui prophétisera dans ces années, s’engagera avec enthousiasme dans le soutien de cette réforme. C’est d’ailleurs ce qui lui vaudra bien des problèmes ! En effet, la majorité des gens n’est jamais spontanément accordée aux réformes. Spontanément, tout le monde préfère qu’on fasse comme on a toujours fait ! Le texte de Sophonie, que nous avons entendu en 1° lecture, faisait allusion à tous les désordres auxquels la réforme du roi Josias voulait mettre fin : « Malheur à la rebelle, l’impure, Jérusalem, la ville tyrannique ! Elle n’a pas écouté l’appel, elle n’a pas accepté la leçon, elle n’a pas fait confiance au Seigneur. » Avec ces indices, on voit que la réforme de Josias n’a pas encore commencé ou qu’on en est au tout début, les premiers fruits ne sont donc pas encore là. Ce qui, d’après les spécialistes nous situe entre la 12° et la 18° année du règne de Josias, c’est-à-dire à peu près dans les années 625. Voilà pour le contexte historique qui nous permet de comprendre la virulence des paroles adressées par le prophète contre Jérusalem.

Mais, vous l’avez entendu, la 2° partie de la lecture était plus optimiste, annonçant des jours meilleurs où Jérusalem retrouverait son attirance puisqu’on viendrait à elle d’au-delà des fleuves d’Ethiopie pour apporter son offrande au Temple. Et, ceux qui viendront, ne seront plus les témoins de scandales comme c’était le cas au moment où Sophonie écrivait car, grâce à la Réforme, tous ceux qui salissaient Jérusalem auront été chassés : « j’extirperai de toi ceux qui se vantent avec insolence, tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. » Il va donc y avoir un grand ménage, un grand nettoyage et ceux qui profanaient la réputation de Jérusalem vont en faire les frais. C’est douloureux, mais c’est à ce prix que Jérusalem pourra retrouver sa splendeur et sa vocation. Quand Jésus fera le ménage dans le Temple, peut-être que certains repenseront à ces versets de Sophonie !

Toutefois, il ne faut pas aller trop vite ! Parce que, entre ce moment qu’est en train de vivre Sophonie dans lequel Jérusalem se montre infidèle et le moment annoncé où elle retrouvera sa vocation de phare pour toutes les nations, il va se passer des événements douloureux que le prophète annonce en ces termes : « Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur. Ce reste d’Israël ne commettra plus d’injustice ; ils ne diront plus de mensonge ; dans leur bouche, plus de langage trompeur. Mais ils pourront paître et se reposer, nul ne viendra les effrayer. »

Dans ces versets, il y a une expression, une prophétie que le Seigneur donnera souvent à entendre : c’est un petit reste qui va sauver la totalité du peuple : Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit. Le Seigneur annonce clairement la couleur : son peuple ne sera pas sauvé par un déploiement de puissance. C’est la pauvreté d’un petit reste qui sera le ferment d’un renouveau profond, qui permettra de retrouver, non pas la gloire perdue, mais la vocation confiée à Israël de témoigner de la miséricorde invincible du Seigneur. Oui, parce qu’il ne faut pas se tromper de rêve, aujourd’hui, comme hier, ceux qui rêvent de Gloire seront toujours déçus, qu’ils rêvent de Gloire pour eux, pour leur communauté, pour l’Eglise. Par contre, ceux qui rêvent de devenir les témoins de la miséricorde invincible du Seigneur, eux ils seront comblés à condition d’accepter de passer par un appauvrissement.

Ne nous trompons donc pas de rêve, et ne nous trompons pas, non plus, dans les moyens que nous voulons utiliser pour que nos rêves se réalisent. Sophonie nous prévient : Dieu sauve mais avec des moyens pauvres, comme ce petit reste le laisse entendre. Evidemment, nous, chrétiens, en relisant ces textes, nous y voyons une annonce de la naissance de Jésus qui ne viendra pas au monde chez les puissants mais chez les petits, les pauvres, parce que c’est la manière de faire de Dieu qui veut sauver avec des moyens pauvres. Naissance dans une étable, mort sur une croix, difficile d’imaginer plus pauvres comme moyens choisis pour sauver l’humanité ! C’est comme ça, parce que Dieu est comme ça, et ça sera toujours comme ça parce que Dieu ne change pas ! Oui, vraiment, aujourd’hui, le Seigneur nous interpelle en nous invitant à réajuster nos rêves. Soyons honnêtes et reconnaissons-le, c’est assez rare que nous rêvions que nos communautés deviennent plus pauvres, plus fragiles ! Nous rêvons plutôt de puissance et de réussite. 

Mais peut-être convient-il de nous interroger : pourquoi Dieu agit-il ainsi ? Tout simplement parce qu’il sait que lorsque son peuple est puissant et que tout lui réussit, il oublie très vite son Dieu en ne comptant que sur sa puissance et ses réussites. Toute l’histoire d’Israël le montre, à chaque fois que le peuple s’est retrouvé dans une situation confortable, son déclin était proche. Et dès qu’Israël a plongé dans la pauvreté, il a retrouvé le chemin de la communion avec Dieu. C’est finalement simple à comprendre : quand on a tout, on n’a plus besoin de Dieu, on ne compte que sur soi pour réussir encore un peu mieux. Quand on n’a rien et qu’on a expérimenté sa pauvreté, on ne peut compter que sur Dieu. 

Evidemment, tout ce que je dis est d’une actualité étonnante. Le petit reste, c’est bien ainsi qu’on définissait déjà l’Eglise depuis un certain nombre d’années. Diminution du nombre des prêtres, des vocations religieuses, du nombre de pratiquants … Et puis il y a eu simultanément le COVID et les scandales révélés dans l’Eglise qui ont encore accentué ce mouvement. Depuis le COVID, tous les curés de paroisse le disent, bien des pratiquants n’ont pas retrouvé le chemin de l’église. Et avec la révélation des scandales, d’autres sont partis. Cet appauvrissement, comment le vivons-nous ? Douloureusement, ça c’est normal, parce que nous aimons l’Eglise ! Mais allons-nous oser vivre ce dépouillement comme le chemin sur lequel le Seigneur nous conduit pour nous aider à renaître à quelque chose de nouveau ? Sommes-nous prêts à renoncer à tous ces rêves mal ajustés qui nous font espérer une plus grande puissance pour mettre notre main dans la main du Seigneur sans jamais la lâcher pour qu’il nous conduise là où il veut nous conduire et pas là où nous voulions aller ?

Quant à l’Evangile, quand on écoute l’histoire que Jésus raconte, on se dit que ce père, il n’a quand même pas de chance avec ses deux fils. Quand il leur demande de venir l’aider leurs réponses sont décevantes ! Le premier, sans réfléchir, il dit : non ! D’accord, il va se repentir et finir par aller aider son père. Mais le père, la parole qu’il a entendue, c’est ce « non » qui a dû lui broyer le cœur. Avec tout ce que ce père devait faire pour ses fils, entendre ce « non » prononcé comme ça, sans réfléchir, ça a dû être bien douloureux pour le père. Le deuxième, il parait beaucoup plus généreux, il dit Oui, sans hésiter, mais le père l’attendra désespérément toute la journée puisqu’il ne tiendra pas sa parole. Vraiment, ce père, on le plaint, il n’a pas de chance avec ses deux fils et ces fils, ce sont nous !

Alors, l’histoire racontée laisse espérer un 3° fils. Comme ça serait bien, si ce père avait un 3° fils qui ne dise jamais non à son père et qui, quand il a dit oui, ne reprenne jamais sa parole. Nous n’avons pas de mal à voir derrière ce 3° fils, Jésus et c’est pour cela que nous lisons cet Evangile dans ce temps de l’Avent. Jésus, sa vie ne sera qu’un oui, comme l’a si bien souligné le cardinal Barbarin la semaine dernière aux retraitants. Alors, puisque nous sommes les disciples de Jésus qui est ce fils du oui, puissions-nous, tout au long de ce jour ne pas chagriner notre Père du ciel par des « non » prononcés trop vite et répétés, puissions-nous aussi, quand nous aurons dit un oui généreux, ne pas le reprendre trop vite !

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