15 octobre : mercredi 32° semaine ordinaire. Les merveilles que la pauvreté du coeur peut accomplir !

Comme je le disais hier, le livre de la Sagesse a été écrit par un sage au 1° siècle avant Jésus-Christ. Ce sage a sans doute repris un certain nombre de paroles prononcées par le roi Salomon quand, au soir de sa vie, il en fait le bilan. Tout dans son règne n’a pas été extraordinaire, étant trop attaché à la gloire humaine, à la richesse. Alors, il donne des conseils pour ceux qui ont reçu une mission de gouvernement en les suppliant de ne pas faire, en tout, comme lui ! Ce sont ces paroles ce que nous avons entendues dans la 1° lecture et les gouvernants d’aujourd’hui, dans la société comme dans l’Eglise auraient grand profit à les méditer ! Je ne veux pas m’attarder plus sur ce texte car il me faut du temps pour commenter l’Evangile, mais nous pourrions peut-être retenir les derniers mots du texte : Ceux qui observent saintement les lois saintes seront reconnus saints, et ceux qui s’en instruisent y trouveront leur défense. Recherchez mes paroles, dit le Seigneur, désirez-les ; elles feront votre éducation. Oui, que tout au long de ce jour, nous cherchions à nous laisser guider par la Parole de Dieu et non par la recherche de nos intérêts.

Dans l’Evangile d’aujourd’hui, il y a trois détails qui ont attiré mon attention. 

1/ Le premier est un renseignement géographique et le deuxième concerne le nombre de ces personnes lépreuses qui viennent faire cette démarche auprès de Jésus. Voilà ce que nous disait le début du texte que nous avons entendu : Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. La précision géographique est intéressante car elle nous permet de comprendre pourquoi dans ce groupe de personnes lépreuses, il y a ce mélange étonnant de 9 juifs et 1 samaritain. On le sait les juifs et les samaritains ne se fréquentaient guère et c’est un euphémisme que de le dire puisqu’un rabbi juif avait osé écrire qu’il vaudrait mieux manger du porc que d’avoir besoin de demander un service à un samaritain ! Et là, ce qui est donc surprenant, c’est que ce groupe est mélangé. Le détail géographique nous aide un peu à comprendre : Jésus se trouvait dans cette région limitrophe entre la Samarie et la Galilée, ce n’est donc pas étonnant qu’il croise à la fois des juifs et des samaritains. Mais comment se fait-il que, dans ce groupe de lépreux, juifs et samaritains soient ensemble alors qu’ils se détestent mutuellement ?

Eh bien, c’est sans doute l’indication numérique qui nous donne l’explication. Le texte nous dit qu’ils étaient 10 à faire cette démarche auprès de Jésus. Ces dix-là, à cause de leur lèpre, ils avaient été exclus de leurs communautés, on peut penser qu’ils avaient sûrement pris l’habitude de vivre ensemble et c’est pour cela qu’ils ont fait la démarche, ensemble, auprès de Jésus. Mais comment étaient-ils arrivés à se mélanger, eux qui appartenaient à deux groupes, habituellement si hostiles ?

C’est là que le fait qu’ils soient 10 peut nous apporter un renseignement précieux. Dans le judaïsme, 10, c’est le nombre minimum qu’il faut être pour lire la Torah en groupe, dans une lecture liturgique. Bien sûr, je peux lire et prier la Torah, tout seul, mais si je veux le faire avec d’autres, il faut être 10. On le voit, encore aujourd’hui, quand on va en pèlerinage en Terre Sainte, au mur des Lamentations. Dès qu’un groupe de 10 est constitué, ils peuvent aller chercher une torah dans un très bel étui et commencer, ensemble, une lecture festive, liturgique. D’autres pourront se rajouter par la suite, mais, pour commencer, il faut être au moins 10.  

Cela signifie donc que les 9 personnes lépreuses, d’origine juive, avaient ouvert leur groupe à un samaritain pour former une assemblée liturgique. Moi, je trouve que c’est très beau parce que cela montre que c’est l’amour de la Parole de Dieu qui leur avait permis de passer par-dessus une inimitié séculaire. Pour ces personnes lépreuses, prier la Parole était tellement essentiel qu’elles avaient pu dépasser les barrières religieuses, les barrières érigées par les coutumes, l’histoire. C’est l’amour de la Parole qui leur avait donné d’oser inviter ce samaritain. Sans lui, elles ne pouvaient pas constituer cette mini-assemblée de lecture et méditation de la Parole. Oui, c’est tellement beau de voir ce que la puissance et l’amour de la Parole de Dieu rend possible. Aujourd’hui, nous pouvons rendre grâce pour ce que l’amour de la Parole nous a déjà permis de vivre entre Eglises chrétiennes de différentes confessions. Après un long temps d’inimitié, la Parole nous rassemble.

Toutefois, l’amour de la Parole, à elle seule, n’aurait pas suffi pour que ces 10 hommes trouvent l’audace de se retrouver ensemble, il a fallu aussi qu’ils soient dans cette situation de pauvreté extrême que représente la lèpre. Si les 9 juifs avaient pu avoir accès à leur synagogue, ils ne seraient pas allés chercher ce samaritain pour faire communauté avec lui, ils auraient cherché un 10° juif. C’est leur situation de lépreux qui, engendrant leur exclusion de la communauté, les a poussés à faire tomber les barrières. Nous le savons, dans les Ecritures, le péché sera souvent comparé à la lèpre ; comme la lèpre, le péché nous défigure. Eh bien, en filant la métaphore, on pourrait dire que c’est dans la mesure où nous nous reconnaitrons tous pécheurs et pauvres que nous deviendrons capables de faire tomber des barrières. Quand je rencontre quelqu’un de très différent de moi, dont les idées sont aux antipodes des miennes, il y a quand même quelque chose qui nous unit, lui et moi, c’est que nous sommes tous les deux pauvres et pécheurs, mais pécheurs pardonnés. Plus nous en aurons conscience et moins nous rejetterons les autres !

Le 2° détail qui m’a frappé, c’est la foi de ces 10 hommes lépreux. Quand ils demandent à Jésus d’avoir pitié d’eux, c’est-à-dire quand ils lui demandent de les guérir, Jésus répond : Allez vous montrer aux prêtres. Et ce qui est très intéressant, c’est la suite : En cours de route, ils furent purifiés. Cela signifie clairement que lorsqu’ils ont obéi à la parole de Jésus, lorsqu’ils se sont mis en route, ils n’étaient pas guéris ! Quelle foi ! Ils auraient pu dire à Jésus : d’abord la guérison et ensuite on se mettra en route ! Non, ils ont fait confiance, ils se sont mis en route, sûrs que leur guérison ne tarderait pas et qu’arrivés auprès des prêtres, elle aurait été donnée et qu’ils pourraient donc, selon ce que demandait la loi juive, faire reconnaître leur guérison par les prêtres. Là, encore, il y a une belle leçon pour nous ! Nous, avant de nous mettre en route pour une mission difficile, nous demandons d’avoir d’abord la preuve que le Seigneur nous accompagnera. C’est comme si nous disions : donne-moi le signe et je me mettrai en route ! Dans ces moments-là, écoutons le Seigneur nous dire : mets-toi en route et alors, je te donnerai le signe ! C’est ça la foi et c’est quand nous la vivons ainsi que, selon l’adage bien connu, elle nous donne des ailes !

Le 3° détail concerne le reproche que Jésus adresse aux 9 juifs qui ne sont pas revenus vers Jésus avec le Samaritain. Ce reproche est étonnant, il dit : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Mais les 9 juifs ont sûrement rendu gloire à Dieu ! Ils sont allés se montrer aux prêtres selon la consigne de Jésus, or les prêtres se trouvaient au Temple. Il est inimaginable qu’au Temple, ils n’aient pas rendu gloire à Dieu. Ils ont même dû offrir un gros sacrifice de louange ! Et ensuite, on peut imaginer qu’ils ont couru pour aller étreindre dans leurs bars leurs femmes et leurs enfants dont ils avaient été éloignés durant toute ces années de maladie. On ne peut donc pas leur reprocher de ne pas être venus tout de suite vers Jésus.

Mais le samaritain, lui, la manière dont il a voulu rendre grâce est particulière et c’est ce qui fait l’admiration de Jésus. Peut-être qu’étant samaritain, il n’avait pas eu envie de rester trop longtemps dans le Temple, d’ailleurs il ne pouvait pas accéder partout au Temple. Alors, il est revenu à toute vitesse vers Jésus mais, par le fait même, il reconnaissait que, bien mieux que dans le Temple, c’était désormais en Jésus que Dieu se rendait présent et que c’était à travers Jésus que Dieu exprimait sa compassion à l’égard des pauvres. C’est donc ce samaritain qui aura été capable de la plus belle démarche de foi : reconnaître en Jésus, Dieu qui s’est rendu présent et qui prend pitié de tous ceux qui n’en peuvent plus. Il a été capable d’une grande foi peut-être parce qu’il n’était pas empêtré dans un tas de préceptes religieux qui finissent souvent par faire écran. 

`

Que par l’intercession de Notre Dame de Laghet nous obtenions cette foi des pauvres et des petits, de ceux qui ne compliquent pas toujours tout et qui, ainsi, parviennent à vivre toujours plus dans la gratitude. 

Laisser un commentaire