9 avril : fête de Pâques, résurrection du Seigneur. Quand l’absence réelle devient aussi parlante que la présence réelle !

Tous ceux qui vont en Terre Sainte rêvent de pouvoir entrer dans le tombeau du Christ. Certains font la queue pendant des heures pour y parvenir et au bout de quelques secondes, ils doivent en sortir, plus qu’encouragés par un pope orthodoxe à qui vous avez intérêt à obéi ! Personnellement, j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir y rester pas mal de temps. Pendant mon année sabbatique, j’ai eu la grâce de passer un mois en Terre Sainte et, au cours de mon séjour à Jérusalem, j’ai profité de la possibilité qui est offerte, chaque nuit, de se faire enfermer dans la basilique du St Sépulcre. Les places sont extrêmement limitées : 15 catholiques et 15 orthodoxes. La nuit que j’avais choisie, il n’y avait pas 15 orthodoxes, nous étions donc seulement une vingtaine au total et nous avions toute la basilique St Sépulcre rien que pour nous, toute la nuit ! J’ai attendu mon tour pour entrer dans le tombeau et, par deux fois, j’ai pu y rester plus d’une ½ heure pour prier sans être dérangé !

Pourtant, quand on y réfléchit bien, cette démarche est complètement folle. Comment est-ce possible que les gens fassent la queue pendant des heures pour entrer dans un lieu où il n’y a rien ? C’est fou ! Ceux qui n’ont pas la patience d’attendre passent devant le tombeau et font une génuflexion en se signant … comme on le fait en passant devant un tabernacle. Mais devant un tabernacle, on comprend ce geste de vénération parce qu’il contient la présence réelle de Jésus, mais le tombeau, lui, il est vide ! La rédactrice de Terre Sainte Magasine que j’avais pu rencontrer aime utiliser cette expression « d’absence réelle » pour parler du Tombeau vide. Je trouve cette expression magnifique et tellement juste. Le tombeau vide est le signe de l’absence réelle de Jésus qui devient tout aussi parlant que le signe de la présence réelle dans le Tabernacle. Et c’est pour cela qu’on fait la queue devant ce tombeau vide, c’est pour se laisser saisir par l’absence réelle.

C’est bien parce qu’il a vu cette « absence réelle » que l’Evangile d’aujourd’hui note, à propos de St Jean : « Il vit et il crut. » S’il y a un lieu devant lequel on ne peut pas dire :  circulez, il n’y a rien à voir, c’est bien devant le tombeau vide ! Parce que, justement, c’est ce rien qu’il faut voir, c’est ce rien qui vient nous percuter ! Les esprits chagrins pourraient rétorquer que le tombeau vide ne prouve rien, sinon que Jésus n’est plus dans le tombeau, mais il ne prouve en rien sa résurrection. Oui, c’est vrai ! D’ailleurs, les responsables religieux juifs ne se sont pas privés de se servir de cet argument pour, comme le raconte l’évangile de Matthieu, expliquer que les disciples sont venus, de nuit, enlever le corps de Jésus pour faire croire qu’il était ressuscité. Il faut bien l’admettre, en soi, le tombeau vide ne prouve rien.

Mais voilà, nous les chrétiens, nous croyons au témoignage de ces tout premiers témoins oculaires que furent Pierre et Jean, et surtout Jean qui a justement tenu à mettre par écrit ce qu’il avait vu dans ce moment si particulier. Car, figurez-vous, que le tombeau n’était pas tout à fait vide ! Dans les évangiles synoptiques, les femmes sont les premières à avoir vu et elles, elles sont extrêmement marquées par la présence d’ange(s) … on peut les comprendre, ce n’est pas tous les matins qu’on en croise, en chair et en os, si j’ose m’exprimer ainsi en parlant des anges ! Du coup, elles ne parlent que de cette présence angélique. Mais Pierre et Jean, eux, ils n’ont pas eu droit aux anges, pourtant ce qu’ils ont vu a suffi à susciter ou même carrément re-susciter leur foi. 

Pour comprendre l’importance de ce que je vais dire, il faut se rappeler, et j’aime régulièrement le redire, que, dans l’évangile, il n’y a pas de détails inutiles. A cette époque, pour écrire, on n’avait pas de papier, pas de stylo, écrire était donc un travail extrêmement laborieux et aussi très onéreux, on n’écrivait donc pas pour ne rien dire ! Ça signifie que, dans les Evangiles, il faut être particulièrement attentif aux détails qui vont souvent donner tout son sens au texte. Et c’est vraiment le cas aujourd’hui ! Le tombeau n’était pas tout à fait vide puisque l’évangile nous dit qu’il y avait : « les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. » Pourquoi tous ces détails ? On trouve, sur internet de très bons articles sur le sujet qui expliquent bien le sens de ces détails. J’en indique un sur mon blog ! https://www.laresurrectionduchrist.com/les-linges-dans-le-tombeau

Dans cet article, il y a même une bande dessinée pour bien visualiser cela. Je ne veux pas m’étendre sur la question des différents types de linges qui étaient utilisés, mais ce qui est très intéressant ce sont les deux détails précisant la position de ces linges. Ils étaient « posés à plat », quant au linge qui a entouré la tête, il était « roulé à part, à sa place. » Les spécialistes du grec comprennent que ces deux mentions ont un but bien précis, c’est de nous dire explicitement que tout était encore en place comme au moment où le corps de Jésus avait été déposé, oui, mais maintenant, il n’y avait plus le corps et pourtant les linges étaient là, comme si le corps s’était dégonflé à l’intérieur ! 

Ce que suggèrent ces détails de l’Evangile, c’est assez difficile à expliquer, mais ceux qui ont vu le film « La Passion » de Mel Gibson, comprennent parce que c’est bien rendu dans le film ! Ainsi donc, tout est exactement en place, mais il n’y a plus de corps. Et si on avait volé le corps, on n’aurait pas pu obtenir un tel résultat ! Il fallait vraiment que le corps disparaisse de l’intérieur des linges pour obtenir ce résultat. Du coup, on comprend mieux pourquoi il est dit à propos de St Jean : « Il vit et il crut. » Ce « rien » ce « vide » qu’il a vu était tellement explicite, j’ai envie de dire, tellement éloquent qu’il a cru immédiatement. Pour Pierre, ça a été un peu plus laborieux, mais, reconnaissons-le, il a des circonstances atténuantes ! Le pauvre Pierre était encore plongé dans la culpabilité de son reniement, son péché l’aveuglait, il avait donc du mal à voir et donc à croire. Pour le faire sortir de cet enfermement paralysant de sa culpabilité, il faudra la rencontre du pardon avec ce dialogue de la miséricorde sur la plage du lac. C’est seulement à partir de là que sa foi pourra s’épanouir et donner tant de beaux fruits pour la vie et la croissance de l’Eglise.

Revenons à notre texte, à l’événement de la Résurrection, à ce que Jean a vu. Oui, bien sûr, pour nous qui avons déjà la foi, ce que je viens d’expliquer peut se révéler très parlant, mais c’est sûr que ça ne parlera pas à ceux qui n’arrivent pas à croire. Que peut-on leur dire à eux ? D’abord, il faut accepter qu’il n’y ait pas de preuves de la résurrection, c’est dans la logique de l’amour de Dieu que de ne pas s’imposer. De même que Jésus a refusé d’utiliser sa puissance pour descendre de la croix et convaincre tout le monde de sa divinité, le Père, pour ressusciter son Fils a aussi refusé de le faire en plein jour après avoir convoqué une foule, il a préféré la discrétion de la nuit . C’est vrai, ça ne nous facilite pas le travail d’évangélisation, mais c’est tellement plus respectueux de la liberté des hommes et conforme à la manière si délicate de notre Dieu de toujours se proposer sans jamais s’imposer.

Pour autant, nous ne sommes pas totalement démunis. Rappelons-nous ce que Paul disait : « si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n’est pas ressuscité. » 1 Co 15,16. Pour lui, inversant le raisonnement habituel, il affirme que la preuve que le Christ est ressuscité, c’est que les morts ressuscitent. Alors, j’espère que vous avez déjà vu des morts ressusciter ! Moi, je ne peux plus les compter ! Oui, j’ai vu l’intervention de Dieu pour ramener à la vie ceux qui avaient déjà un pied dans la mort. Evidemment, je ne parle pas de résurrections corporelles, mais de résurrections spirituelles. Dans les Foyers, à chaque retraite, nous sommes les témoins de ces résurrections. Le partage de nos actions de grâce, tout à l’heure, nous a établis témoins de certaines de vos résurrections et c’est bien le fait d’être les témoins émerveillés de toutes ces résurrections qui nous permet de tenir dans la fidélité à la mission. Dans les Foyers, nous ne devons pas nous étonner d’être témoins de telles résurrections puisque ça correspond exactement à la promesse que Jésus avait faite à Marthe et qui se trouve dans ce qu’on appelle « le texte fondateur. » Mais heureusement, il n’y a pas que dans les Foyers qu’on peut voir de telles résurrections spirituelles.

C’est sans doute l’une des missions les plus urgentes et les plus décisives que le Christ confie à son Eglise aujourd’hui : proposer des lieux où tous les morts-vivants pourront reprendre vie, sortir de leurs tombeaux et être déliés de tout ce qui les empêche de vivre. C’est sans doute ce que le pape veut dire quand il invite l’Eglise à devenir comme un hôpital de campagne capable d’accueillir ceux qui sont proches de la mort spirituelle, ceux qui n’ont plus goût à la vie. Jésus a dit : je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance. Jn 10,10 Tout au long de cette semaine sainte, cette vie en abondance, nous l’avons accueillie puisque Jésus a accepté de perdre sa vie pour nous la donner. L’ayant accueillie, à nous de la rayonner et à nous de conduire à Jésus tous ceux qui voudraient qu’on les aide à sortir de leurs tombeaux.

Cet article a 2 commentaires

  1. wilhelm richard

    Après le Vendredi Saint où la tête de Jésus fut couronnée d’épines qui piquent,
    le Samedi Saint était ténèbres et devenu complètement opaque.
    Sacrée époque !
    Heureusement Résurrection en ce Dimanche de Pâques !!
    Aujourd’hui c’est jour de JOIE, c’est impec’ !!!!!!!!!

  2. Adéline

    Amen !

    « Absence réelle »… Wawww…

    Dans un livre tout ce qu’il y a de plus profane, je viens de lire: « le vide aurifère ». Le vide qui contient de l’or…

    Merci!

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