Vous savez que les manifestants qui défilent ont des banderoles avec des slogans qui commencent souvent par le mot « tous », je n’en reprendrai qu’un que j’ai souvent vu dans les dernières manifs, évidemment, en le citant, je ne prends pas parti, c’était : tous concernés par la retraite, tous solidaires !Eh bien, aujourd’hui, dans toutes les églises du monde, on pourrait organiser, à l’image des manifestations, des processions et nous aurions, nous aussi, nos banderoles avec nos propres slogans qui commenceraient par le mot « tous » : Tous saints ! Tous appelés à la sainteté ! La grande différence entre nos processions et ces manifs, ça serait que les manifs sont organisées pour faire plier ceux qui ne veulent pas donner ce qui est réclamé alors que dans nos processions, nous ne chercherions pas à faire plier Dieu pour qu’il nous donne enfin la sainteté, car nous donner la sainteté, nous rendre chaque jour plus saint, faire que nous devenions tous saints, c’est son désir le plus profond, c’est même l’appel qu’il ne cesse de nous lancer depuis qu’il a envoyé des prophètes parler en son nom et que les prophètes et les prédicateurs d’aujourd’hui ne cessent de relayer !
« Tous saints », Dieu le veut, mais nous, est-ce que nous le voulons vraiment ? Dans le très beau texte qu’il a écrit pour aider l’Eglise à entrer dans le 3° millénaire et à vivre tout le 3° millénaire, St Jean-Paul II avait eu ces paroles si fortes : Demander à un catéchumène : « Veux-tu recevoir le Baptême ? » signifie lui demander en même temps : « Veux-tu devenir saint ? » C’est très fort car St Jean-Paul II fait comme une équivalence entre chrétien et saint : vouloir devenir chrétien, c’est vouloir devenir saint. Nous qui sommes chrétiens, voulons-nous vraiment devenir des saints ? J’imagine bien ce que certains auraient envie de dire : moi, devenir saint ? Mais ce n’est pas envisageable, je suis si faible, si imparfait, comment voulez-vous que je devienne saint ? Mais la sainteté n’a rien à voir avec la perfection !
Je répète cela depuis samedi à ceux qui suivent la retraite qui s’achève aujourd’hui. La preuve que la sainteté n’a rien à voir avec la perfection, c’est que St Paul disait : le bien que je voudrais faire, je ne le fais pas assez souvent et le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais trop souvent ! Rm 7,19 Je pense que, tout comme moi, vous pourriez signer cette déclaration. Eh bien, la reconnaissance de sa pauvreté n’a pas empêché Paul de devenir saint et même l’un des plus grands saints ! La sainteté n’est pas réservée à une élite de personnes exceptionnelles, elle est pour tous : tous saints ! C’est le sens de cette fête que nous célébrons aujourd’hui et qui porte ce titre si évocateur. C’est d’ailleurs pour cela que St Jean-Paul II dans son très long pontificat a canonisé autant de personnes si différentes, des jeunes, des moins jeunes, des personnes de tous les continents, des hommes des femmes, des prêtres, religieux-religieuses, des laïcs, des personnes mariées et des célibataires, des pauvres et des riches, des super-intelligents et des super-simples ! En agissant ainsi, il a voulu montrer que la sainteté était pour tous : tous saints !
C’est bien ce qu’évoquait la 1° lecture en nous faisant voir cette foule immense que nul ne pouvait dénombrer, les saints sont si nombreux que personne ne pourra jamais les compter car il y a ceux qui ont reçu le label officiel de l’Eglise et ceux que le pape François appelle les saints de la porte d’à côté !Toutes ces personnes que nous avons côtoyées, que nous côtoyons, qui ne feront jamais parler d’eux et qui sont d’authentiques saints. Combien de fois, comme curé, je me suis dit : aujourd’hui, c’est un vrai saint, une vraie sainte dont je célèbre les funérailles ! Et si la lecture avance malgré tout le nombre de 144000, ne nous y trompons, contrairement à ce que disent les témoins de Jéhovah, ce nombre dit qu’on ne peut pas compter : 144000, c’est 12 fois 12000, or 12 dans la Bible, c’est la plénitude, 12 fois 12000, c’est donc la plénitude absolue : c’est donc bien vrai tous saints, nous sommes tous appelés à la sainteté, appelés à rejoindre cette foule innombrable ! Très bien ! Mais si nous sommes appelés à devenir saints, comment définir simplement la sainteté ?
Oh ce n’est pas très compliqué. Dans la Bible, le seul saint, c’est Dieu. La sainteté, c’est l’attribut essentiel de Dieu, sa qualité fondamentale et il n’a d’autre désir que de nous la faire partager, que de nous offrir cette qualité pour que, nous-mêmes, tous, nous devenions des saints. La poétesse Marie-Noël avait très bien résumé cela en faisant parler Dieu qui disait : « La sainteté, c’est Moi, Dieu, en toi, l’homme. »On ne devient pas saint en cherchant à monter sur les premières marches du podium du championnat de la mortification ! On devient saint en accueillant chaque jour un peu plus le Seigneur dans nos vies, en le laissant agir. C’est donc à force de l’accueillir, de lui laisser faire son œuvre en nous que nous finirons par lui ressembler, que sa qualité essentielle deviendra notre qualité, que nous grandirons en sainteté. Dieu est saint, c’est le Credo des Ecritures, mais nous le savons il y a un autre Credo qui se superpose à celui-là : Dieu est amour. Ainsi, nous comprenons que sainteté et amour c’est équivalent. Devenir saint, c’est devenir plus remplis d’amour, c’est distribuer toujours plus généreusement l’amour que nous cessons de recevoir. En un mot, devenir saint, c’est devenir aimant !
Alors permettez-moi de souligner ce jeu de mots : le saint est un aimant, ça signifie qu’il est rempli d’amour, mais ça signifie aussi qu’il est un aimant, vous savez bien ce qu’est un aimant qui aimante tout ce qu’il touche. Toute image a ses limites, l’aimant attire à lui, le Saint, le vrai Saint, à l’inverse des vedettes, n’attire pas à lui ou s’il attire à lui, c’est pour mieux conduire au Seigneur ! Pourtant cette image de l’aimant me plait. Vous savez qu’une boussole est un instrument qui permet de s’orienter quand on est perdu ou pour ne pas se perdre. Elle le permet car elle a une aiguille aimantée qui indique le Nord. Les saints, parce qu’ils sont des aimants, vont donc être comme des boussoles qui indiquent la bonne direction. Ne croyez-vous pas que, dans notre monde, il y a trop de gens déboussolés qui ont perdu le Nord ? Il est donc particulièrement urgent que tous les chrétiens deviennent des saints, des aimants qui donnent la bonne direction à tous ceux qui les entourent parce que, déboussolés, ils tournent en rond et, bien pire, se perdent dans des impasses mortifères. Face à ce désarroi, ne rien faire serait « non-assistance à personne en danger » ! Tous saints, tous aimants, c’est la seule solution qui nous permettra d’éviter la catastrophe collective.
Pour devenir des saints, des aimants, Jésus a balisé la route avec le texte des Béatitudes. Il précise le portrait du saint en donnant son propre portrait. Je l’ai dit la sainteté est d’abord la caractéristique de Dieu, mais tel père, tel fils, c’est donc aussi la caractéristique du Fils, de Jésus. En l’accueillant, comme nous le faisons au cours de cette messe, nous finirons par lui ressembler et le portrait des Béatitudes deviendra notre portrait. Parce qu’aimant, nous aurons un cœur de pauvre, c’est-à-dire un cœur dans lequel il y a de la place, un cœur désencombré. Parce qu’aimant, nous réagirons avec une humble douceur. Parce qu’aimant, nous saurons pleurer avec les autres, devenant compatissants. Parce qu’aimant, nous rechercherons passionnément la justice. Parce qu’aimant, nous regarderons et agirons avec miséricorde. Parce qu’aimant, nous garderons le cœur pur de tout ce qui souille l’amour. Parce qu’aimant, nous sèmerons la paix. Parce qu’aimant, nous saurons être fidèles jusqu’au bout.
Alors peut-être que vous pensez que c’est très beau mais ça exige que nous ne fassions que nous donner et nous, tous, nous avons aussi besoin de recevoir ! C’est bien vrai, mais n’ayez pas peur, ceux qui deviennent des saints, des aimants, ceux qui se donnent ne seront pas oubliés ! Relisez le texte des Béatitudes et vous verrez tout ce qui leur est promis : le royaume des Cieux est à eux, la consolation de Dieu, la terre en héritage, le rassasiement, la miséricorde, la capacité de voir Dieu en toute chose et en toute personne, être appelés fils de Dieu, avoir la récompense des cieux. Vraiment Dieu n’est pas ingrat avec ceux qui acceptent de se lancer dans l’aventure de la sainteté, avec ceux qui acceptent de devenir des aimants. Mais dans toutes les récompenses que je viens d’énumérer, il en manque une et il ne faudrait pas l’oublier parce qu’elle est revenue 9 fois dans le texte : heureux. Le pape François aime citer cette parole de Léon Bloy qui disait : « Finalement, dans la vie, il n’y a qu’une seule tristesse, celle de ne pas être saint ».
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de vouloir devenir ces saints, ces aimants capables de redonner le Nord à tous ceux qui sont déboussolés.
Pourquoi la 1ère et la dernière béatitude sont au présent alors que les 7 autres sont au futur ?
J’ai réalisé cette intrigue ce jour de Toussaint.
Amen!