1° août : mardi 17° semaine ordinaire. Tendons l’oreille de notre coeur, Dieu parle de lui pour nous dire qui il est.

Comme je le disais, heir, dans mon homélie à Tressaint, c’est compliqué en ce moment de commenter les Evangiles dans les messes de semaine ! En effet, les passages que nous lisons, ces jours, dans la lecture continue que nous faisons de l’Evangile de Matthieu correspondent à ceux que nous lisons le dimanche puisque, en cette année A, nous lisons aussi l’Evangile de Matthieu. C’est sans doute un appel à consacrer plus de temps au commentaire de la 1° lecture, c’est ce que je vais faire et je le fais volontiers car ce texte est tellement beau.

D’abord, un 1° point pour souligner que Dieu n’est pas rancunier ! Ce texte fait presque immédiatement suite à celui d’hier qui nous racontait le drame terrible du veau d’or dans lequel le peuple semble avoir totalement oublié tout ce que Dieu a fait pour lui. Eh bien voilà que, dans la lecture d’aujourd’hui, nous apprenons que Dieu n’a pas abandonné ce peuple qui l’aurait pourtant bien mérité ! Non seulement, il ne l’a pas abandonné, mais il reste bien présent dans cette tente de la Rencontre qui permettait à quiconque de consulter le Seigneur s’il en avait besoin. Et c’est là que Moïse vivait ces instants d’intimité où le texte nous dit que Le Seigneur parlait avec Moïse face à face, comme on parle d’homme à homme. Quelle intimité ! 

Cette lecture, elle comportait aussi le verset qui est le plus cité dans l’ensemble des Ecritures. C’est le verset où nous apprenons le nom de Dieu. Ce nom, Dieu l’avait révélé du milieu du buisson ardent, mais là, il va l’expliciter, je relis : Le Seigneur passa devant Moïse et proclama : « LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » Vos Bibles peuvent entretenir une ambigüité et ne pas trancher pour savoir si c’est Dieu ou Moïse qui parle, mais la traduction de la liturgie a tranché, c’est Dieu et c’est bien comme ça !

D’ailleurs, si ce verset est le plus cité dans toutes les Ecritures, c’est bien le signe que les auteurs des différents livres qui le citent ont compris que c’était Dieu, lui-même, qui parlait et qui disait qui il était. Il y a des personnes qui aiment bien parler d’elles, ce n’est pas le cas de Dieu … raison de plus pour être particulièrement attentif à ce qu’il dit de lui-même ! Vous aurez remarqué qu’il y a d’abord la proclamation de son nom et ensuite 5 qualificatifs qui vont expliciter ce nom.

Commençons par le Nom : Le Seigneur, le Seigneur ! C’est le nom même que Dieu avait déjà révélé à Moïse du milieu du buisson. Je vous le dis en hébreu francisé, non pas pour faire croire que je connais l’hébreu mais pour vous faire entendre tout de suite un problème. Voilà ce que Dieu a dit à Moïse : ‘èhyèh ‘asher ‘èhyèh ! On comprend déjà, même sans connaître l’hébreu que ça va être difficile à traduire avec cette répétition du mot ‘èhyèh qui traduit le verbe être et en même temps le verbe devenir, ce qui laisse entendre qu’il y a du présent (être) et du futur (devenir) … vous voyez que ça fait bien des combinaisons possibles pour traduire : je suis qui je suis ; je suis qui je serai … ! Moi, j’aime bien cette traduction qui comporte une pointe d’humour : Tu verras bien qui je suis ! Oui, Dieu révèlera qui il est à partir de ce qu’il fera pour son peuple. Et tout le 1° Testament nous permet de voir Dieu à l’œuvre, de comprendre qui il est à partir de ce qu’il fait. 

Mais Dieu est bon, il sait que tout le monde n’aura pas la persévérance de lire tout le Premier Testament ! Alors, dans ce fameux verset 6, il donne un résumé en précisant 5 qualificatifs qui le définissent : Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. Regardons rapidement chacun de ces 5 qualificatifs.

1. Dieu dit qu’il est tendre. Le terme hébreu qui est ici utilisé désigne les entrailles d’une femme. C’est-à-dire que Dieu nous aime comme une mère peut aimer ses enfants. L’amour de Dieu pour nous n’est pas un amour raisonné. Dieu ne dit pas : d’accord, ce peuple n’est pas toujours génial, mais c’est moi qui leur ai proposé l’Alliance, il faut donc que j’assume et je les trainerai comme un boulet ! Non ! Quand Dieu aime, il aime comme une mère, avec ses entrailles, rien n’est raisonné, tout est excessif. C’est ce que dira St Jean dans l’Evangile : « Dieu a tellement aimé le monde. » Dans ce mot « tellement », on entend bien qu’il y a de l’excès. Oui, en amour, on peut le dire, Dieu est particulièrement excessif, comme une mère, mais on ne va pas le lui reprocher, nous qui bénéficions si souvent de cet excès !

2. Dieu dit qu’il est miséricordieux. En hébreu, c’est « Hanoun », quand on traduira en grec, ça donnera eleeô, kyrie eleison : Seigneur, fais miséricorde ! La plus juste traduction serait de dire que Dieu fait grâce. Et vous savez que ce mot grâce, on peut l’entendre selon 3 acceptions : 

  • 1° acception, c’est gracié, nous sommes graciés comme des condamnés méritant la mort qui se retrouvent libres. Voilà une première expression de la miséricorde, Dieu ne nous enferme jamais dans notre péché, en nous offrant le Salut, il nous ouvre, sans cesse, un avenir.
  • 2° acception, c’est gratuit, il nous aime et nous pardonne gratuitement, sans marchandage. Il n’attend même pas que nous promettions de ne plus recommencer !
  • 3° acception, c’est gracieux : nous savoir aimés de manière tellement excessive que l’expérience de cet amour nous rend gracieux. Si nous ne sommes pas trop ingrats, nous ne pouvons que nous réjouir d’un tel amour. 

3. Dieu dit qu’il est lent à la colère. Il faut vraiment dépasser les bornes pour que Dieu se mette en colère et, en plus, quand il se met en colère, ce n’est jamais contre le pécheur, mais contre le péché, jamais contre le malheureux mais contre le mal qui fait notre malheur.

Les points 4 et 5, je les cite en même temps, Dieu dit qu’il est plein d’amour et de vérité. Le mot hébreu qui a été traduit par plein, il est très beau, il parle bien aux jeunes, c’est le mot « rab », de l’amour et de la vérité, Dieu, il en a en rab, alors, venez vous servir et vous re-servir ! Regardons rapidement chacun de ces deux mots.

– Dieu est plein d’amour, en hébreu, rab-hessed. Ce mot de hessed, il donnera le mot « hassidim », vous savez, c’est ainsi qu’on désigne ces juifs si pieux que, même dans un avion, quand ils entrent en prière, ils font tout un cinéma dans l’allée qui nous énerve un peu pour s’attacher les téfilines, ces lanières de cuir contenant la Parole. Ils en font trop, mais parce que Dieu est comme ça, il en fait trop, lui aussi, c’est donc leur manière à eux de répondre à cet amour excessif de Dieu. Je me souviens d’un portugais de mon diocèse qui portait dans les processions un grand crucifix avec des pompons qu’il embrassait et faisait embrasser. Un jour, il m’a dit : vous trouvez sûrement que j’en fais trop, c’est vrai, mais c’est pour compenser ceux qui n’en font pas assez !

– Dieu est plein de vérité, en hébreu, rab-Emeth. Emeth, c’est le mot qui donnera le mot « Amen ». Dieu est solide, on peut s’appuyer sur lui. La vérité, c’est du solide, la vérité de l’amour pour nous, c’est du solide, on ne prendra jamais Dieu en défaut.

Le psaume que nous avons prié après la lecture était une belle reprise de toutes ces qualités de Dieu, il pourra nourrir notre médiation en ce jour, n’hésitons donc pas à le reprendre.

Cette publication a un commentaire

  1. Jean Marc

    Peut être faites vous cette prière avant la préparation de vos homelies si raffinées ?
    La Prière du R. P. Henri Lacordaire « Seigneur Jésus, secondez-moi plus que jamais pour parler de Vous » :

    « Seigneur Jésus, depuis dix ans que je parle de votre Eglise à cet auditoire, c’est au fond toujours de Vous que j’ai parlé. Mais enfin, aujourd’hui, plus directement j’arrive à Vous-même, à cette divine Figure qui est chaque jour l’objet de ma contemplation, à vos Pieds sacrés que j’ai baisés tant de fois, à vos Mains aimables qui m’ont si souvent béni, à votre Chef couronné de gloire et d’épines, à cette Vie dont j’ai respiré le parfum dès ma naissance. Ô Père, ô Maître, ô Ami, ô Jésus ! Secondez-moi plus que jamais, puisqu’étant plus proche de Vous, il convient qu’on s’en aperçoive et que je tire de ma bouche des paroles qui se sentent de cet admirable Voisinage. Amen. »

    R. P. Henri-Dominique Lacordaire (1802-1861)

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