La 1° lecture commençait par cette plainte du Seigneur : À qui pourriez-vous me comparer,
qui pourrait être mon égal ? On entend bien que, derrière cette plainte, il y a une souffrance et une souffrance récurrente que doit endurer le Seigneur : son peuple est infidèle et va régulièrement voir s’il n’y aurait pas plus d’avantages à servir et suivre les idoles plutôt que le Seigneur. Alors, plutôt que de faire la morale à son peuple, le Seigneur va leur faire une leçon de choses, c’est comme ça qu’on appelait les cours de sciences naturelles quand j’étais en primaire ! Il leur demande d’ouvrir les yeux et quand on ouvre les yeux, la nuit, particulièrement dans ce pays, on voit un ciel très étoilé. S’il vous vient à l’idée de les compter, vous en aurez vite le vertige, tellement il y en a ! Eh bien, dit Dieu : C’est moi qui déploie toute l’armée des étoiles, et les appelle chacune par son nom. Ma force est si grande ainsi que ma puissance que pas une seule ne manque. Et après ça vous voudriez me comparer aux idoles ?
Mais Dieu comprend que cette recherche des idoles est souvent la conséquence d’une période difficile qu’il faut traverser. C’est quand les gens n’y voient plus clairs, quand les épreuves affluent qu’ils sont tentés de se détourner de Dieu en pensant qu’il ne s’intéresse plus à eux. Alors Dieu réaffirme que nous pouvons traverser des moments compliqués dans lesquels nous ne sentons plus sa présence, ça ne l’empêche pas de rester aux commandes. Et alors permettez-moi de relire ce que Dieu disait pour attester de sa présence active aux côtés de ceux qui en bavent, je le relis parce que c’était tellement beau : Le Seigneur ne se fatigue pas, il ne se lasse pas. Son intelligence est insondable. Il rend des forces à l’homme fatigué, il augmente la vigueur de celui qui est faible. Les garçons se fatiguent, se lassent, et les jeunes gens ne cessent de trébucher, mais ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur trouvent des forces nouvelles ; ils déploient comme des ailes d’aigles, ils courent sans se lasser, ils marchent sans se fatiguer.
Quand nous sommes en butte aux épreuves, quand nous nous mettons à douter de l’action du Seigneur, quand nous sommes tentés de servir des idoles en pensant que ça nous apportera un peu d’air, ce sont des versets que nous pouvons relire, re-méditer.
Et alors l’Evangile va donner un formidable écho à ces paroles d’Isaïe. Jésus est vraiment celui qui vient accomplir tout ce que le Premier Testament annonçait, promettait. Nous l’avons entendu dire : Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. On sent bien que cette invitation s’adresse justement à ceux qui n’en peuvent plus, ceux qui sont découragés, ce sont bien les mêmes que ceux qui étaient destinataires des paroles d’Isaïe. Mais il y a quand même quelque chose de surprenant dans la parole de Jésus, c’est ce qu’il dit à la suite de cette invitation pleine de compassion. A ceux qui n’en peuvent plus, il dit : Prenez sur vous mon joug. C’est étonnant car le joug évoque plus le travail que le repos. Vous le savez, le joug, c’était cette pièce de bois qui servaient à atteler une paire de bœufs pour qu’ils puissent tirer une charrette ensemble ou labourer. Pourquoi Jésus propose-t-il cette image du joug à ceux qui n’en peuvent plus et à qui il promet le repos ?
C’est une question que je me suis posée, quand, moi-même, à un moment de ma vie, de mon ministère, je me suis retrouvé épuisé. Le repos promis par Jésus, je le voulais, mais je ne voyais pas comment le joug pouvait me l’apporter ! Et puis la lumière est venue qui m’a permis de comprendre que le joug, c’était ce qui permettait d’atteler deux bœufs pour qu’ils puissent tirer ensemble. Un seul bœuf s’épuiserait à tirer la charrue, mais à deux ils y arrivent. J’ai alors compris que c’était Jésus qui me suppliait : viens à moi, prends mon joug, c’est-à-dire accepte-moi à tes côtés, laisse-moi tirer avec toi, porter avec toi, ce qui serait trop lourd pour toi si tu restais seul. Je comprenais ainsi que j’étais parti, tête baissée dans le ministère, en oubliant de prendre et de garder Jésus à mes côtés, chaque instant. Je m’étais donné très généreusement sans compter ma peine, sans chercher à me ménager, sans prendre beaucoup de repos. Il m’aura fallu cet épuisement physique, moral spirituel pour que je m’interroge en profondeur sur ce qui n’allait pas, sur ce qui n’allait plus dans mon ministère.
Et, grâce à cette parole de l’Evangile, j’ai compris que j’avais perdu de vue que c’était la mission du Seigneur que je servais et qu’il fallait donc qu’à tout instant, il soit avec moi pour m’aider, me guider, m’inspirer. Je travaillais tellement que j’avais réduit au strict minimum la prière et c’est ce qui était en train de me perdre. Je n’ai plus jamais oublié la leçon que m’avait donné le Seigneur et, aujourd’hui, quand il m’arrive encore d’être trop fatigué, je comprends qu’il me faudra encore plus prendre le joug de Jésus si je ne veux pas m’épuiser.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce, quand nous sommes découragés, fatigués, de ne jamais courir après les idoles en pensant qu’elles nous apporteront de réconfort, qu’elle nous rappelle que c’est le joug de Jésus qu’il faut prendre.