Hier, à cause de la fête du Baptême de Jésus, nous n’avons pas pu lire le début de la lettre aux Hébreux. Cette lettre va être lue dans les 1° lectures jusqu’au 4 février. Ce n’est pas très fréquent dans la liturgie qu’une épitre soit lue de manière quasi-continue en autant de temps. Si l’Eglise nous propose de rester 4 semaines sur cette lettre, c’est que le message qu’elle contient est de toute première importance. Je ne veux pas faire un cours d’exégèse, je n’en ai d’ailleurs pas la compétence, mais je vous propose quelques points de repère sur cette lettre qui nous aideront à mieux en accueillir le message tout au long de ces semaines.
Un exégète qui ne manquait pas d’humour introduisait son cours en disant nous avons, au moins 3 certitudes à propos de cet écrit : 1/ Ce n’est pas une lettre 2/ Il n’est pas de St Paul 3/ Il ne s’adresse pas aux Hébreux ! Reprenons rapidement chacune de ces 3 affirmations, mais dans un autre ordre !
Commençons par l’auteur de cette lettre : nous ne le connaissons pas. Certains pensent que ça pourrait être Barnabé dont on parlera bientôt, d’autres que ça pourrait être Apollos, mais, rien dans cet écrit ne nous permet de le connaître précisément. Par contre, ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas St Paul, parce que lui, il commence toujours ses lettres en se désignant comme l’auteur de ce qui va suivre.
Ce n’est pas une lettre non plus, c’est plutôt un exposé, le père jésuite Albert Vanoye, devenu cardinal, qui est le grand spécialiste de cet écrit aime parler du sermon sacerdotal, de prédication sur le sacerdoce du Christ. En effet, l’objectif fondamental de cet écrit est justement de montrer en quoi Jésus est bien le grand prêtre qu’il nous fallait. Il n’y aura que les 4 derniers versets de cet écrit qui peuvent être considérés comme une lettre. Tout le reste, c’est une méditation très profonde, une prédication extrêmement bien réfléchie et parfaitement écrite, mais pas une lettre.
Enfin si on parle d’un écrit qui s’adresse aux Hébreux, c’est précisément parce que, attribuant ce titre de grand prêtre à Jésus, il fait beaucoup référence aux pratiques sacerdotales, à la liturgie du Temple que les hébreux connaissaient bien. Toutefois, le cardinal Vanhoye regrette ce titre en disant qu’il pourrait décourager ceux qui ne sont pas hébreux de prendre au sérieux le contenu de cette prédication en imaginant qu’elle n’est pas pour eux. Or, nous allons le voir, nous qui ne sommes pas hébreux, nous sommes vraiment destinataires de cette prédication sur le sacerdoce du Christ.
Ce sermon sacerdotal qu’est l’épître aux Hébreux va donc essayer de montrer en quoi le Christ mérite le titre de grand prêtre et, finalement, lui seul le mérite. Jusque là les grands prêtres successifs vivaient comme des hommes séparés du peuple, rendus purs par une série de purifications rituelles qui devaient les tenir éloignés de ceux qui pouvaient les contaminer en leur refilant leurs impuretés. Jésus va inverser ce principe. Avec lui, désormais, ce n’est plus l’impur qui contamine le pur en le touchant, mais c’est le pur qui contamine l’impur en le touchant. C’est ce que Jésus mettra en œuvre dans toutes les guérisons, particulièrement celles des personnes lépreuses. Pour nous qui avons été configurés au Christ prêtre, la méditation de ce sermon sacerdotal sera donc extrêmement profitable. Elle nous aidera à devenir toujours plus et mieux prêtres, à l’image du seul prêtre, Jésus le Christ.
De la lecture d’aujourd’hui, après cette présentation rapide, je ne retiendrai que ce verset pour alimenter notre action de grâce : Jésus n’a pas honte de nous appeler ses frères. Hier, avec la fête du Baptême, nous avons vu jusqu’où allait l’Incarnation, ce verset en est comme le prolongement. Comme je l’ai dit, le Christ en venant dans le monde, n’a pas voulu vivre en homme séparé, en s’incarnant, il est devenu l’un de nous. Et non seulement il est devenu l’un de nous, mais il a voulu que nous soyons ses frères et il l’assumera jusqu’au bout.
Il m’arrivait souvent de citer ce verset quand je célébrais la messe en prison : Jésus n’a pas honte de nous appeler ses frères. Alors, chers frères, n’ayons jamais honte de nous présenter devant lui, tels que nous sommes. Apprenons à ceux qui nous sont confiés à ne jamais avoir honte de se présenter à Jésus tels qu’ils sont. Dommage que Mac Do ait eu l’idée avant nous, mais ça aurait été bien que sur chaque fronton d’église, il y ait un grand kakemono avec cette parole : Venez comme vous êtes !
Quant à l’Évangile, vous avez entendu par deux fois le mot autorité pour qualifier l’enseignement de Jésus. Je cite : « On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité. » et « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà, un enseignement nouveau, donné avec autorité ! » Mais qu’est-ce qui donne cette autorité à l’enseignement de Jésus ? Et qu’est-ce que l’autorité ?
L’autorité, c’est la capacité de faire grandir les autres. Vous le savez, c’est ce que suggère l’étymologie de ce mot qui vient du latin « augere » qui a donné augmenter, faire grandir. Tous ceux qui reçoivent une autorité, dans une famille, dans une école, dans la société, dans l’Eglise, reçoivent, en fait, cette mission pour faire grandir ceux qui leur sont confiés. On entend encore bien cette définition dans l’utilisation de l’expression « élever ses enfants. » Il faut visualiser ce qu’il y a derrière ce verbe « élever » il s’agit bien de faire grandir.
Les révélations concernant les abus sexuels nous ont appris que, la plupart du temps, tout commençait par une emprise spirituelle, c’est-à-dire une manière dévoyée d’exercer l’autorité. Ces scandales nous alertent sur les ravages causés par une autorité qui n’est pas au service de la croissance des personnes. Du coup, dépassant la question des abus, nous pourrions tous nous interroger sur notre manière d’exercer l’autorité. En effet, chacun de nous possède un peu ou beaucoup d’autorité dans le domaine des responsabilités qui lui ont été confiées. Alors, mettons sous le regard du Seigneur cette part d’autorité qui nous est confiée et demandons au Saint-Esprit de nous faire voir ce qui n’est pas ajusté dans notre manière de l’exercer.
Il est clair que Jésus, lui, il a su exercer cette autorité que le Père lui avait confiée sans jamais écraser, il a toujours cherché à faire grandir ses apôtres et tous ceux qu’il rencontrait. Et c’est intéressant de voir que, à propos de cette autorité, l’évangile que nous avons entendu, explique que Jésus n’enseignait pas comme les scribbes. Et l’Evangile de conclure que c’était précisément ce qui lui donnait une véritable autorité. On le sait, dans le judaïsme de l’époque, ce qui donnait autorité à un enseignement, c’est le fait qu’il était appuyé sur la Tradition. C’est-à-dire qu’il fallait prouver que le grand maître rabbi Untel le disait déjà et qu’il le tenait lui-même de rabbi Untel. Il fallait donc pouvoir mettre sous le patronage des rabbis les plus prestigieux ce que l’on disait et c’est ainsi que sa propre parole pouvait avoir de l’autorité. C’est ce que faisaient les scribbes.
Jésus, lui, il n’a jamais cité tel ou tel rabbi et pourtant, ses auditeurs sont admiratifs devant l’autorité de sa Parole sans doute en raison du côté performatif de sa Parole, c’est-à-dire qu’elle fait ce qu’elle dit. Jésus est venu pour apporter la libération annoncée par Dieu, il ne se contente pas de le dire, il agit en conséquence comme nous le montre cet évangile. L’autorité, elle vient donc aussi de la cohérence entre nos paroles et les actes que nous posons. Au procès de canonisation du curé d’Ars un de ses paroissiens dira : « notre curé, il faisait ce qu’il disait ! » Voilà ce qui donne autorité à une parole et c’est ainsi que nous pourrons faire grandir tous ceux que sont confiés. Demandons cette grâce les uns pour les autres.
Si simple et si clair. Merci
Merci