10 juin:vendredi 10° semaine temps ordinaire Comment sortir de la déprime spirituelle ?

C’est aujourd’hui mon 38° anniversaire d’ordination … merci Seigneur pour ta fidélité !

Au moment où commence la première lecture, le prophète Elie est en pleine dépression spirituelle. C’est dommage, le lectionnaire ne nous fait pas entendre ces versets qui pourraient nous faire du bien puisqu’ils nous montrent que même les plus grands peuvent connaître des coups de mou ! Certes, hier, nous avons changé les lectures, mais, même si nous avions gardé le texte du jour nous n’aurions pas entendu les versets qui parlent de cette crise profonde que traversait Elie. Avant de vous les lire, il faut que je donne quelques précisions pour ceux qui auraient une connaissance moyenne de la Bible ou qui auraient raté l’un ou l’autre des épisodes de la saga d’Elie.

Le roi Achab, un bien triste paroissien, a fait alliance avec le roi de Tyr (Liban actuel) pour qu’il l’aide dans les conquêtes programmées car Achab était ambitieux. La meilleure manière de sceller une alliance qui dure, c’est de se marier avec une fille du roi dont on veut qu’il devienne son allié. C’est ce que fait Achab en épousant Jézabel qui va venir s’installer au palais de Samarie car Achab est roi de Samarie, le Royaume du Nord. En venant Jézabel est venue avec sa religion et un impressionnant contingent de prêtres chargés d’installer cette nouvelle religion dans tout le pays. On peut penser que ça ne fait pas tellement plaisir au Seigneur de se voir supplanter par cet usurpateur qu’est Baal dont le nom signifie d’ailleurs « propriétaire. » Eh bien, c’est comme si le le Seigneur disait à Baal : puisque tu te prétends le nouveau propriétaire de ce peuple, je te propose deux défis qui montreront qui est le vrai boss ! Pour cela Dieu va avoir besoin du prophète Elie qu’il va associer à son double défi.

– 1° défi, puisque Baal est censé être le dieu de la fécondité et de la fertilité. Dieu demande à Elie de décréter une sécheresse. On verra si Baal est plus fort que Dieu, s’il est capable de faire revenir la pluie dont le Seigneur, à la manière du grand fontainier de Manon des Sources, avait tari la source céleste. Evidemment Baal se montrera incapable d’un tel coup d’éclat.

– 2° défi, on en a eu le compte-rendu dans la lecture de mercredi. Une sorte de concours de sacrifice est organisé. Les 450 prêtres de Baal d’un côté, Elie tout seul de l’autre. Chaque camp prépare un autel pour le sacrifice, fait tout ce qu’il faut et implore son dieu de faire tomber le feu du ciel sur son sacrifice. Le camp qui parviendra à faire tomber le feu du ciel aura gagné. Vous connaissez la scène, elle est merveilleuse puisque Elie se permet même de chambrer les prêtres de Baal ! Evidemment, c’est Elie et le Seigneur qui l’emportent.

Tout est bien qui finit bien, Dieu a manifesté qu’il était le Boss et que Baal était un usurpateur. Tout est fini pour Dieu, mais, hélas, pas pour Elie ! Le prophète va se sentir investi d’une mission divine que, pourtant, le Seigneur ne lui a pas confié : il veut nettoyer le Royaume, éradiquer cette religion mensongère et pour cela, il décide d’égorger les 450 prêtres de Baal. On peut imaginer la colère de la reine Jézabel qui envoie dire à Elie : « Que les dieux amènent le malheur sur moi, et pire encore, si demain, à cette heure même, je ne t’inflige pas le même sort que tu as infligé à ces prophètes. » Elie est donc obligé de fuir et c’est là que commence sa déprime, non pas tant parce que Jézabel lui en veut à mort, ça, il s’y attendait, mais parce que Dieu ne bouge pas le petit doigt pour lui venir en aide, ça il ne s’y attendait pas ! Comment comprendre l’attitude de Dieu ? Oh, c’est très simple, d’abord elle atteste que Dieu ne prendra jamais le parti des violents, que tous ceux qui, comme Elie, utilisent la violence au nom de Dieu se trompent. Et puis, si Dieu peut pardonner, et il pardonnera au prophète, Dieu ne peut pas faire en sorte que nos péchés n’aient pas de conséquence. Si je tue quelqu’un, Dieu peut me pardonner, mais la personne reste morte et le chagrin de ceux qui l’aimaient reste entier. C’est ce qui se passe, la colère de Jézabel, Dieu ne peut pas l’empêcher et, quelque part, elle peut devenir salutaire pour obliger Elie à réfléchir et à comprendre que Dieu ne sera jamais glorifié par ceux qui utilisent la violence.

Mais Dieu ne va pas, pour autant, abandonner son prophète à sa déprime. Car Elie est vraiment mal en point, voilà ce que nous dit le texte : Elie marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit. Il est grand temps que le Seigneur s’occupe de lui sinon ça va mal tourner. 

Et le Seigneur va s’occuper de lui, un ange vient, par deux fois, lui apporter une galette et de l’eau. Elie accepte de ne pas se laisser mourir, fortifié, il peut se mettre en route, une longue route, 40 jours et 40 nuits qu’il fait pour se rendre à la montagne du Seigneur. C’est sûrement une motion du Saint-Esprit qui lui a indiqué qu’il fallait qu’il aille sur cette montagne. Mais arrivé là-bas, Elie n’est pas encore en grande forme spirituelle puisque le texte nous dit qu’il cherche une caverne pour y passer la nuit. Vous savez les hommes sont comme ça, quand ça ne va pas, ils cherchent toujours à entrer dans une caverne et y restent tant que le problème n’est pas réglé. Les femmes n’agissent pas ainsi, mais Elie est un homme, Dieu comprend qu’il faut faire quelque chose parce qu’Elie risque de rester assez longtemps dans sa caverne. Et c’est le texte que nous avons entendu. Dieu est merveilleux, il va lui proposer une double expérience pour le faire sortir de sa déprime.

D’abord, il lui propose une nouvelle effusion du Saint-Esprit. Car c’est bien le Saint-Esprit qui va venir emplir son cœur à travers cette expérience du murmure de la brise légère. Au passage, Elie prend une bonne leçon en comprenant que Dieu n’est pas dans la violence. En lisant cela j’aime souligner que le Seigneur fait du sur-mesure avec chacun. Avec Elie, c’est dans le murmure d’une brise légère que l’Esprit-Saint vient envahir son cœur, avec les apôtres c’est dans un orage qu’il viendra sur eux. Les apôtres avaient besoin d’être secoués, Elie avait besoin d’être pacifié. Le Seigneur fait du sur-mesure avec chacun. Et je trouve magnifique que ce soit une nouvelle effusion du Saint-Esprit que Dieu propose à Elie pour le faire sortir de sa déprime. Ça me rappelle une belle parole de Saint Bonaventure, le grand théologien franciscain qui disait : La consolation de l’Esprit est vraie et proportionnée. Elle est vraie car il exerce la consolation là il faut l’appliquer, c’est à dire à l’âme et non à la chair, ce que fait le monde, au contraire, qui console la chair et afflige l’âme, semblable à un mauvais aubergiste qui soignerait le cheval et délaisserait le cavalier. C’est vrai que nous, souvent, quand nous n’allons pas bien, nous cherchons à consoler la chair, nous nous offrons tel ou tel petit ou grand plaisir plus ou moins légitime en pensant que ça va nous faire du bien. Ça marche rarement car, quand nous n’allons pas bien, ce n’est pas la chair qui a besoin de consolation, mais l’âme. Le Seigneur l’avait bien compris pour Elie et c’est pour cela qu’il ne l’invite pas à festoyer pour oublier, il lui propose une nouvelle effusion du Saint-Esprit car, selon les mots de St Bonaventure : La consolation de l’Esprit est vraie et proportionnée car il exerce la consolation là il faut l’appliquer, c’est à dire à l’âme et non à la chair. Il n’est sans doute pas inutile de retenir la leçon pour nous !

L’autre expérience que le Seigneur va proposer à Elie pour le faire sortir définitivement de sa déprime, c’est de reprendre le chemin de la mission : Repars vers Damas, par le chemin du désert et Dieu lui énonce une série de missions qu’il devra accomplir, y compris celle de consacrer son successeur, signe que Dieu a compris qu’Elie avait besoin de souffler, signe donc que, après avoir donné consolation à son âme, il allait donner consolation à sa chair en lui accordant le repos. Ce qui était important, c’était de faire les choses dans le bon ordre ! Mais, je veux surtout souligner que c’est en retrouvant le chemin de la mission qu’Elie sortira définitivement de sa déprime. C’est très beau et c’est exactement ce que fera Jésus avec Pierre dans le fameux dialogue au bord du lac que nous lisions en fin de semaine dernière. Pierre était encore accablé par le poids de son triple reniement quand il rencontre Jésus. Jésus lui pose une seule question : m’aimes-tu ? Il ne lui demande pas : promets-tu de ne pas recommencer ? Une seule question : m’aimes-tu ? Et trois fois, il le renvoie à sa mission : sois le pasteur de mes brebis. Ce qui fera donc sortir Pierre de la déprime, c’est la rencontre avec Jésus qui le relance dans la mission confiée. C’est comme si Jésus lui disait : avec ta culpabilité, tu vas forcément chercher à te racheter, méfie-toi, quand on cherche à se racheter, ce que l’on décide de faire n’est pas toujours brillant, moi, il n’y a qu’une chose qui me contentera vraiment, c’est que tu tiennes ta place, alors sois le berger de mon troupeau. Je pense que c’est ainsi que nous pouvons entendre ce que Dieu dit à Elie.

N’oublions donc pas le traitement en cas de déprime spirituelle. 1/ consolation de l’âme et non d’abord de la chair, consolation par une nouvelle effusion du Saint-Esprit 2/ retrouver le chemin de la mission en s’appuyant sur l’amour qui a été renouvelé en nous par cette nouvelle effusion de l’Esprit.

Cet article a 6 commentaires

  1. Jean Marc

    Bon 38ème anniversaire père Roger. En 38 ans que de retraites préchées, que d’homelies exprimées avec foi et conviction…que de personnes enseignées, touchées par la grâce de Dieu suite à vos paroles ! C’est par les oreilles que l’on se converti.
    Bonne continuation dans ce beau ministère de prêtre..
    Si jésus est là, la maison tiendra !

    1. Père Roger Hébert

      Merci beaucoup !

  2. NGENDAKURIYO

    Heureux 38ème annivesaire.Que Dieu vous benisse.

    1. Père Roger Hébert

      Merci beaucoup !

  3. Ngendakuriyo

    Heureux 38ème aniversaire,père Rogert. J’ai bcp grandi en foi grâce à tes homélies. Soit abondamment béni.

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