Je ne sais pas si vous savez que, parmi tous les préparatifs de la Pâque chez les juifs, il en est qui est très beau et extrêmement symbolique, c’est la purification du vieux levain. Dieu avait donné cet ordre à Moïse : Quand tu célèbreras la Pâque, tu ne mangeras pas de pain levé ; mais, pendant sept jours, tu mangeras des pains sans levain – un pain de misère – car c’est en toute hâte que tu es sorti du pays d’Égypte : ceci, pour faire mémoire, tous les jours de ta vie, de ce jour où tu sortis du pays d’Égypte. Dt 16,3 C’est donc le lendemain de la fête de Pâque que, chez les juifs, on commence à manger ces pains sans levain. Et alors peu à peu s’est installée une coutume qui voulait qu’on purifie les maisons de toute trace de vieux levain. C’est ainsi que, chez les juifs, les jours qui précèdent la fête de la Pâque, les femmes, plus ou moins aidés par leurs maris, commencent un grand, mais un très grand ménage. On sort toute la vaisselle et on lave tout, non seulement la vaisselle mais aussi les placards. Le but est d’éliminer toute trace de levain qui aurait pu s’introduire ou s’incruster quelque part.
Peut-être qu’en instaurant le temps du carême, l’Eglise s’est inspirée de cette coutume des juifs. En tout cas, on peut tout à fait interpréter le carême comme une invitation à un grand ménage, à un très grand ménage pour nous purifier de toute trace du levain du péché. Oui, parce que, pour nous, chrétiens, il ne s’agit pas d’éliminer les traces du levain mais du péché. Et si le péché est comparé au levain, c’est parce que, le levain, il est fabriqué en laissant pourrir un mélange de farine et d’eau. Le péché, c’est ce qui vient pourrir notre vie, il pourrit notre relation à Dieu, notre relation à nous-mêmes et notre relation aux autres. Nous pouvons entendre l’appel que lance Paul dans la 1° épitre aux Corinthiens (5,7) : Purifiez-vous du vieux levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle ! C’est donc d’abord à un ménage intérieur que l’Eglise nous invite pour nous préparer à la fête de Pâque et c’est le sens du carême. Alors, le ménage, vous ça vous connait, c’est une activité qui revient tous les jours pour vous. Vous pourriez donc ne pas être très enthousiastes à l’idée de faire deux fois plus de ménage pendant le carême que dans le reste du temps ! Puisqu’il vous faudra continuer le ménage extérieur du Foyer et intensifier le ménage intérieur de nos cœurs.
Mais je vous annonce une bonne Nouvelle, pour ce ménage intérieur, Jésus nous propose une méthode, impossible à appliquer pour le ménage extérieur, qui va nous faciliter la tâche et surtout la rendre bien plus agréable à accomplir. C’est vrai qu’au bout d’un moment, le ménage extérieur devient fastidieux, tout enlever, tout nettoyer et recommencer sans arrêt, ça peut finir par nous fatiguer et le risque, c’est qu’on aille un peu moins dans les coins au bout de quelques temps ! Dans l’Evangile, Jésus nous propose une autre méthode que j’ai évoquée plusieurs fois dans les enseignements que j’ai donné pour cette semaine St Valentin.
J’ai expliqué que pour vivre un amour qui soit de grande qualité, il y avait deux méthodes.
- Première méthode faire des efforts, beaucoup d’efforts et des efforts sans jamais s’arrêter pour améliorer notre manière d’aimer. Mais les efforts, ils ont un double inconvénient. 1° inconvénient : ils nous fatiguent et nous risquons donc de nous décourager. Et, 2° inconvénient : ils nous font transpirer et la religion de la transpiration, de la rigueur morale ne pourra jamais attirer ! Voilà le grand danger que nous courons quand nous envisageons le temps du carême comme un temps d’efforts et d’efforts nombreux, d’efforts soutenus. Nous risquons vite de nous décourager et nous n’attirerons jamais ceux qui sont loin de l’Eglise avec un tel programme.
- Deuxième méthode : plutôt que de faire des efforts, accueillons l’amour de Dieu. Cet amour, je l’ai assez dit, il a les 16 qualités énoncées par St Paul dans l’hymne à la charité qu’on trouve au chapitre 13 de la 1° épitre aux Corinthiens. Cet amour de Dieu, quand nous l’accueillons, il arrive à profusion. Dieu ne nous aime jamais en utilisant un compte-gouttes comme on le fait pour doser des médicaments quand le docteur prescrit 10 goutes d’un produit ! Non, Dieu ne mesure pas l’amour qu’il veut déverser en nous avec un compte-gouttes. Ce sont des flots d’amour qu’il répand en nous, son amour est tellement généreux ! Pour devenir meilleurs, cette méthode sera d’une part plus efficace et d’autre part moins pénible. Elle est plus efficace et vous l’utilisez d’ailleurs pour laver une bouteille. Si vous voulez chasser les impuretés qui ont pu entrer dans une bouteille, qu’est-ce que vous faites ? Vous faites couler de l’eau dans cette bouteille, beaucoup d’eau et si possible bien chaude et c’est l’eau qui entre dans cette bouteille qui va chasser les impuretés, sans beaucoup d’efforts ! Voilà ce que produit l’amour brûlant et abondant du Seigneur quand il entre dans nos cœurs, c’est lui qui chasse les impuretés. Cette méthode est donc plus efficace et elle est aussi moins fatigante. Dans les enseignements, j’ai bien précisé que je ne pouvais pas tout à fait dire que c’était sans effort puisqu’il y avait quand même un effort à faire, mais un seul ! Il faut choisir de se tenir sous le robinet de l’amour de Dieu pour que son amour coule en permanence en nous et que les impuretés n’aient ni le temps, ni la place d’entrer en nous.
Voilà, me semble-t-il quelle pourrait être, pour nous, la grande orientation de ce carême qui arrive juste après cette semaine St Valentin : prendre les moyens de nous tenir en permanence sous le robinet de l’amour de Dieu. Considérer que c’est notre effort de carême, le grand, sans doute le seul que nous ayons à faire. Et si jamais vous aviez peur que ce carême, en appliquant cette méthode, ne soit pas assez exigeant, détrompez-vous parce que, se tenir, en permanence sous le robinet de l’amour de Dieu, ce n’est pas si simple, ça exige des choix et donc des renoncements. Rappelez-vous : on ne peut pas dire « ego » à Jésus sans dire « oya » au démon ! Pour nous tenir sous ce robinet, il y aura des choix parfois crucifiants à faire qui conduiront à des renoncements douloureux. Pour que nous puissions vérifier si nous nous tenons bien sous le robinet de l’amour de Dieu, dans cet Evangile, Jésus nous a proposé comme 3 tests de vérification et il en rajoute un quatrième encore plus fondamental.
- 1° test, c’est tout ce qui touche à notre relation aux autres. C’est ce qu’il veut dire quand il parle de l’aumône parce que l’aumône nous tourne vers les autres. Tu veux savoir si c’est bien vrai que tu restes sous le robinet de l’amour de Dieu ? Eh bien, regarde ta manière d’être en relation avec les autres. Si c’est vraiment l’amour de Dieu qui coûle en toi, il te tournera vers les autres car l’amour de Dieu est, par nature, généreux.
- 2° test, c’est la prière. Tu veux savoir si c’est bien vrai que tu restes sous le robinet de l’amour de Dieu ? Eh bien, examine ta vie de prière. C’est dans le cœur à cœur avec lui que ton cœur se remplira de l’amour qui habite son cœur. Cela exigera des choix et des renoncements, il me faudra choisir d’être présent à l’heure parce que je dois montrer concrètement que, pour moi, il n’y a rien de plus important que de retrouver le Seigneur pour me brancher sur Lui afin que mon cœur se remplisse de son amour. Il me faudra aussi choisir d’être vraiment présent quand je suis à la chapelle, pour ne pas de faire de ce temps un temps de sommeil ou de rêverie qui débrancherait mon cœur du cœur du Seigneur. Il peut nous arriver de dormir à la chapelle quand nous sommes fatigués et, là le Seigneur comble son bien-aimé qui dort. Mais si je choisis d’aller à la chapelle pour dormir, ce n’est plus pareil, là, mon cœur se débranchera du cœur du Seigneur et rien ne se passera !
- 3° test, c’est la place de la convoitise. Le jeune nous invite à entrer dans une meilleure maitrise de nous-mêmes, à maitriser cette convoitise dont j’ai tant parlé. Je ne peux pas vouloir que l’amour du Seigneur envahisse tout mon cœur si, en même temps, je ne renonce pas à me laisser encombrer. Ce temps du carême, grâce au jeûne, sera donc un temps qui nous aidera à reconquérir notre liberté intérieure pour apprendre à dire non à tout ce qui nous empêcherait d’accueillir l’amour du Seigneur et de laisser cet amour faire tout son travail en nous.
- Quant au 4° test si fondamental qu’il rajoute, c’est de vérifier si tout ce que nous faisons pour être plus ajustés à son amour, nous le faisons pour sa gloire à Lui ou pour la nôtre. Vous avez entendu le refrain qui rythmait l’Evangile : On Père qui voit dans le secret te le rendra ! Il s’agit donc de ne pas nous comporter en « séducteurs. » En latin, « se-ducere », ça signifie conduire à soi. Nous nous voulons conduire au Seigneur, c’est pour cela que nous ne cherchons pas à briller. Celui brille et qui doit attirer, c’est le Seigneur, pas moi ! Vivons donc toutes ces démarches dans l’humilité sans jamais nous croire arrivés, nous resterons des pauvres, mais des pauvres que le Seigneur veut combler, enrichir de son amour.
Voilà le grand ménage auquel nous sommes appelés, mais, vous l’avez compris, c’est un ménage que le Seigneur se propose de faire lui-même ! C’est en déversant son amour en nous qu’il nous purifiera, c’est en déversant son amour qu’il nous emplira d’un amour merveilleux. Le grand effort que nous aurons à faire, c’est de nous tenir sous le robinet de son amour, d’accepter les choix nécessaires pour cela en nous rappelant qu’il n’y a pas de vrai « ego » sans vrais « oya ». Bon carême sous le robinet de l’amour de Dieu qui n’a qu’un seul désir : nous emplir pour que notre cœur trop petit se mette à déborder afin que son amour puisse se déverser sur le monde.