11 mars : indignez-vous ? … Pas de saint sans passé, pas de pécheur sans avenir

Il y a une dizaine d’années, nous avons assisté à ce qu’on appelle un phénomène d’édition. Le petit opuscule Stéphane Hessel, « Indignez-vous » s’était vendu à 4 millions d’exemplaires ! Peu importe les circonstances pas forcément toutes claires et dénuées d’intérêt politiques ou financiers, le titre avait suscité un véritable engouement et il fallait s’indigner si on voulait être dans le vent. Comme toujours, après l’effet de mode, on avait fini par réfléchir et découvrir les limites de cet appel à l’indignation. Une société ne se construit pas avec des indignés mais avec des personnes qui relèvent courageusement les défis sans se contenter de les dénoncer avec indignation ! Ce n’est pas à l’indignation que doit revenir le dernier mot d’autant plus qu’il peut y avoir des indignations ambigües … et c’est bien le cas dans l’évangile d’aujourd’hui.

En effet, dans l’évangile que nous venons d’entendre, les apôtres nous sont présentés comme s’indignant face à la demande de la mère Zébédée qui souhaiterait tellement, comme toute bonne maman, que ces deux petits aient les meilleures places dans le Royaume, tout près de Jésus, l’un à droite et l’autre à gauche. Mais on peut quand même se demander un instant pourquoi les autres apôtres s’indignent.

Est-ce parce que cette demande est formulée à un bien mauvais moment ? Jésus vient d’annoncer sa mort prochaine. Oh, ce n’était pas la 1° fois qu’il en parlait, il leur avait déjà annoncé son départ et, pour les consoler, il leur avait dit qu’il partait leur préparer une place dans son Royaume. Alors, Jacques et Jean en concluent que c’est le moment de s’occuper de réserver les meilleures places. C’est vrai que leurs préoccupations semblent bien déplacées parce qu’en leur annonçant son départ imminent, il annonce aussi que ça va se faire dans de grandes souffrances et de grandes humiliations. Mais est-ce vraiment ce décalage qui pousse les autres apôtres à s’indigner ?

Moi, je n’ai pas l’impression que c’est ce qui motive leur indignation. Il me semble qu’ils sont indignés pour deux raisons :

  • La 1°, c’est qu’ils trouvent que Jacques et Jean sont gonflés parce qu’ils ont envoyé leur mère exprimer ce qui semble bien être leur demande à eux. Ils n’ont pas eu le courage d’aller exprimer eux-mêmes leur demande, ils ont demandé à la maman de la formuler pour eux en se disant que Jésus n’oserait pas la remballer. Et ça, les 10 autres ne peuvent pas le supporter !
  • La 2° raison, c’est qu’ils trouvent cette demande profondément injuste : pourquoi Jacques et Jean et pourquoi pas eux ? Et on peut imaginer que Pierre qui était habituellement le 1° à monter au créneau, avait de bonnes raisons de s’indigner : il avait été choisi comme le responsable.

On le voit bien l’indignation peut avoir des motivations qui ne sont pas toujours très glorieuses. C’est peut-être pour nous, une invitation à vérifier si ce sont toujours des motivations évangéliques qui suscitent notre indignation. Si c’est vraiment l’évangile qui nous pousse à l’indignation, notre manière de nous indigner restera évangélique dans une expression purifiée de toute haine et de tout égoïsme. Et puis, si c’est vraiment l’Evangile qui est à l’origine de notre indignation, nous n’en resterons jamais à l’indignation, elle sera un moteur qui nous poussera à agir, mais pas agir pour défendre notre beefsteak mais agir pour le bien commun.

Je voudrais terminer en évoquant quand même ce fait étonnant, c’est que dans les deux qui sont à l’origine de tout cela, il y a St Jean. On le présente souvent comme l’apôtre parfait, en ne retenant que son attitude au soir de la cène, la tête contre la poitrine de Jésus et en le présentant comme étant le seul, parmi les apôtres, encore présent à la Croix. Oui, bien sûr, cela est vrai, mais il a fait du chemin pour devenir l’apôtre modèle. Parce qu’il était, toujours avec son frère Jacques, celui qui demandait à Jésus la permission de faire tomber le feu du ciel pour détruire ce village qui avait refusé de les accueillir ! Il sera donc encore, avec son frère Jacques, celui qui cherche à se placer. Il ne faut pas avoir peur de regarder la vérité de l’Evangile. St Jean n’est pas uniquement un personnage d’icône, il a été pécheur comme les autres !

Oui, mais, à la différence des autres, il a fait plus vite le chemin que Jésus lui demandait de faire. La catéchèse que Jésus va donner à ses apôtres suite à cette demande déplacée va avoir un effet immédiat sur Jean. C’est la dernière fois qu’on le voit déraper, ce qui ne sera pas le cas des autres. Le pape François aime dire : « il n’y a pas de saint sans passé (on pourrait dire sans passif), et il n’y a pas de pécheur sans avenir. De même, l’Église n’est pas une communauté de parfaits, mais de disciples en chemin qui suivent le Seigneur parce qu’ils se reconnaissent pécheurs et ont besoin de son pardon ». Cette phrase résume parfaitement l’itinéraire de Jean. Elle nous rappelle que Dieu ne nous enfermera jamais dans notre passé mais qu’il nous espèrera toujours dans un avenir possible où nous nous laisserons rejoindra par la puissance de sa grâce transformante. « Il n’y a pas de saint sans passé, et il n’y a pas de pécheur sans avenir, merci Seigneur ! » 

Cet article a 3 commentaires

  1. Wilhelm Richard

    Que l’imparfait et le plus-que-parfait puissent cohabiter ensemble un jour dans la Gloire de Dieu et le salut du monde.
    Même avec un passe simple, le futur de chaque être se conjuguera au présent avec joie et dans une grande espérance.

  2. NGENDAKURIYO

    Merci beaucoup père Roger pour ces homelies.

  3. wilhelm Richard

    c’est passéSAINTple, c’est même compliqué tout cela.
    quand je pense que notre année 20/20 devait être parfaite, voilà que nous vivons à l’imparfait avec ce virus.

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