12 janvier : jeudi 1° semaine temps ordinaire. Une guérison pleine d’enseignements si on lit le Lévitique !
Pour commenter avec profit les 1° lectures, il aurait été mieux que la retraite ait lieu la semaine prochaine car, à partir de la semaine prochaine, nous entendrons cette longue réflexion sur le sacerdoce du Christ qui ne pourra que stimuler la manière dont nous vivons notre propre sacerdoce. En disant cela, je ne veux pas dire que les lectures de cette semaine n’ont pas d’intérêt, ce qui serait blasphématoire à l’égard de la Parole de Dieu. Mais, de fait, dans le cadre d’une retraite sacerdotale, elles ont un impact moins grand.
Je passe donc rapidement à l’Evangile qui nous présente l’une des nombreuses guérisons de personnes lépreuses que comporte les Evangiles. Comme le disait le père de Germay hier, le risque le plus grand qui nous guette, c’est que nous finissions nous habituer en disant que nous connaissons bien, que nous avons prêché tant de fois sur ces textes et entendu tant de commentaires. Mais, quand nous lisons la Parole, quand nous écoutons quelqu’un qui la commente, le but n’est pas d’entendre quelque chose d’original que nous n’avions jamais entendu. Tant mieux, si, de temps en temps, nous découvrons de nouvelles choses, en lisant, en préparant une prédication ou en écoutant une prédication. Le but, comme je le disais le 1° soir, c’est que nous nous laissions rejoindre par la Parole et que nous puissions accueillir ce que le Seigneur veut nous dire et nous l’avons entendu dans un témoignage hier soir, une parole 1000 fois entendue peut, la 1001° fois faire tilt et transpercer notre cœur.
Ce que je voudrais souligner dans ce texte, c’est combien la puissance de Jésus va éclater. En ce qui concerne les personnes lépreuses, la Loi de Moïse avait pris un certain nombre de mesures qui pesaient lourdement sur la vie de ces personnes. Mais nous ne pouvons pas la critiquer. En effet, puisque la loi ne pouvait pas guérir la maladie, il fallait qu’elle empêche sa propagation. C’était d’ailleurs la même chose avec le péché. Comme la loi ne pouvait pas donner le pardon, guérir le cœur du pécheur, elle cherchait à empêcher la propagation du mal et c’est le sens des commandements : tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas … La loi ne pouvait pas guérir, mais Jésus, lui, il peut ! Il est venu ce que la loi ne peut pas faire et c’est sans doute ce qu’il veut dire quand il dit qu’il est venu accomplir la Loi. Alors on peut imaginer que cette personne lépreuse avait entendu parler de Jésus et de sa puissance, la veille au soir, il avait guéri tant de personnes que ça lui était peut-être venu aux oreilles.
Alors n’écoutant que son cœur, il a l’audace de s’approcher de Jésus alors que c’était formellement interdit. Et Jésus lui montre que son attitude ne le choque pas puisque, d’une certaine manière, il fait le reste du chemin en osant le toucher. Hier, Jésus s’approchait de la belle-mère de Pierre, malade, aujourd’hui, il s’approche de cet homme, manifestant bien qu’il est venu pour se faire proche de chaque personne, particulièrement de celles qui en ont le plus besoin et que pour lui, personne ne sera trop esquinté, trop repoussant, trop contagieux pour qu’il reste à distance. C’est vrai aussi qu’il a entendu cette merveilleuse parole qui sortait de la bouche de cet homme : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » C’est une belle profession de foi parce que cet homme reconnait que Jésus, il peut ce qu’il veut … ce qui n’est pas notre cas ! Nous on chante : j’voudrais bien, mais j’peux point ! Jésus, lui, il peut ce qu’il veut et cet homme le proclame. Comment désormais, lui refuser ce qu’il demande avec une si belle foi ?
D’autant plus qu’il ne demande pas qu’une guérison, mais aussi une purification. Alors, bien sûr, il y a tout le climat de l’époque et l’association lèpre-péché qui explique cette formulation. Mais peut-être que notre homme avait aussi conscience de son péché, non pas comme explication de sa maladie, mais comme entrave aussi grande que sa maladie. Un peu comme cet homme paralytique dont nous entendrons le récit demain. Ces hommes savaient d’expérience que leur péché est aussi invalidant que leur handicap, leur maladie. De cela, je tire une invitation, pour nous, à mesurer la gravité de notre péché, à ne pas trop le prendre à la légère. Certes la miséricorde est infinie, mais la miséricorde ne peut venir que là où la misère est révélée en toute vérité, miséricorde et misère ne peuvent s’emboiter que si la misère est courageusement dévoilée et justement évaluée et confessée avec un regret sincère qui se traduit par le désir de réparer autant que faire se peut.
Devant cet aveu, le texte nous dit que Jésus est saisi de compassion, nous connaissons la portée de cette expression signifiant que Jésus est remué au plus profond de lui-même, il est ému d’une compassion viscérale. Croyons-le, il agira pour nous et pour ceux qui sont confiés à notre ministère avec la même compassion pour peu que nous acceptions de reconnaitre combien le péché dont nous nous sommes fait les complices a pu le blesser, blesser nos relations et nous blesser.
Et c’est alors que Jésus fait ce geste inouï, insensé, il étend la main et le touche. Si nous avions été présents dans la foule, peut-être aurions-nous entendu que tout le monde traitait Jésus de fou. Mais, comme je le disais mardi, Jésus a inversé le principe de la contamination. Jusque-là, c’était l’impur qui contaminait les purs, et j’avais presque envie de dire que c’était normal. Quand vous versez un seau d’eau propre dans un seau d’eau sale, ça ne fait pas de l’eau propre ! L’eau propre a été tout naturellement salie par l’eau sale. Mais, désormais avec Jésus, c’est l’inverse qui se produit : le pur contamine l’impur, purifie l’impur, dissout l’impur. Et c’est pour cela que Jésus tient à le toucher. Du coup, par rapport à tout ce que nous réfléchissons sur l’évangélisation, nous comprenons l’importance et l’urgence, par notre ministère, par notre zèle à évangéliser, de permettre à Jésus de rejoindre tous les hommes parce qu’il a cette capacité de purifier tous ceux qu’il touche. Certains n’oseront jamais s’approcher de Jésus, se croyant, trop impurs, tombés trop bas, c’est donc à nous d’approcher Jésus d’eux. Voilà pourquoi nous évangélisons : pour permettre à Jésus de continuer à opérer des merveilles car, nous le croyons, selon la si belle parole de la lettre aux Hébreux, Jésus n’a rien perdu de sa puissance : il est le même hier, aujourd’hui et à jamais. Hb 13,8
Je veux encore m’arrêter sur le fait que Jésus demande à cet homme, guéri de sa lèpre, d’aller se montrer aux prêtres. Nous savons qu’ils sont les seuls capables de reconnaître la guérison et d’ouvrir la voie à la réintégration à une personne lépreuse. Mais il y a plus intéressant, Jésus lui demande aussi d’offrir ce que prescrit la loi en ces cas-là. Ce faisant, Jésus ne lui demande pas d’offrir ce sacrifice uniquement par pure soumission à la Loi, il lui demande d’offrir ce sacrifice parce que l’ayant offert, plus tard, il pourra comprendre comment il a véritablement été guéri. Je ne sais pas si vous avez déjà eu la curiosité d’aller lire ce passage du Lévitique au chapitre 14 qui nous explique en détail le sacrifice qui doit être offert et comment il doit être offert. Je résume, la loi invite à prendre deux colombes, l’une est sacrifiée et l’autre est trempée dans le sang de la première avant de pouvoir s’envoler. En plus, si vous lisez le Lévitique, vous verrez qu’il est nécessaire, pour faire ce sacrifice, d’avoir du bois et de l’hysope. Pas besoin de dessin, le rapprochement est trop clair pour nous les chrétiens. Ce sacrifice, dans sa puissance symbolique, anticipe ce qui se passera à la Croix où Jésus acceptera, après avoir reçu le vinaigre sur un bouquet d’hysope, de verser son sang pour que tous les hommes soient purifiés dans ce sang, pour qu’ils puissent retrouver leur liberté, prendre leur envol, déployer la meilleure version d’eux-mêmes.
Même s’il enfreint la consigne du secret messianique, notre homme n’avait sûrement pas tout compris dans le moment, mais quand il entendra parler de ce qui s’est passé au Golgotha, il comprendra vraiment et on peut imaginer que son ardeur à évangéliser sera encore plus forte. Mes amis, c’est ce qui se passe dans chaque Eucharistie. Rappelons-nous, dans son encyclique sur l’Eucharistie, St Jean-Paul II avait beaucoup insisté pour dire que la participation à la messe nous rend contemporain du sacrifice du Golgotha. Ainsi donc, à chaque messe, nous sommes comme plongés dans son sang pour mieux retrouver notre liberté, reprendre notre envol, déployer la meilleure version de nous-mêmes. Quelle merveille !
Je termine en soulignant qu’à la fin du texte, il est dit que Jésus ne pouvait plus ouvertement entrer dans une ville et qu’il devait se tenir dans des lieux déserts. Avant c’était la personne lépreuse qui ne pouvait pas entrer ouvertement dans une ville et qui devait se tenir dans les lieux déserts. Cela signifie donc que Jésus a échangé sa place avec cet homme lépreux. Quand on dit qu’il a pris sur lui la lèpre de notre péché et ses conséquences, ce n’est pas du baratin ! Et cela, il l’a fait pour tous les hommes et pour moi en particulier. J’aime cette parole de Paul : Le Christ m’a aimé et s’est livré pour moi Ga, 2,20. Vraiment, nous n’aurons pas trop de toute notre vie pour lui rendre grâce !homme lépreux. Quand on dit qu’il a pris sur lui la lèpre de notre péché et ses conséquences, ce n’est pas du baratin ! Et cela, il l’a fait pour tous les hommes et pour moi en particulier. J’aime cette parole de Paul : Le Christ m’a aimé et s’est livré pour moi Ga, 2,20. Vraiment, nous n’aurons pas trop de toute notre vie pour lui rendre grâce !