26 février : le beau signe des Cendres
Je voudrais dire d’abord un mot sur le signe des Cendres, ce rite tellement important qu’il a donné son nom à la première journée du Carême.
Je me rappelle très bien quand j’étais aumônier de jeunes, je passais l’essentiel de mes vacances à organiser des camps itinérants en montagne. Le soir, surtout quand nous étions en bivouac, nous avions l’habitude de faire des feux de camp. En montagne, c’est permis car la rosée est suffisante pour ne pas courir le risque d’un incendie d’autant plus que nous étions en altitude et que, souvent, il n’y avait plus beaucoup d’arbres … ce qui d’ailleurs obligeait à redescendre un peu pour ramer le bois nécessaire.
Le matin, j’avais l’habitude de me lever avant tout le monde pour avoir le temps de prier tranquillement le bréviaire, du coup, quand j’avais fini, je préparais le petit déjeuner. Ce que j’aimais par-dessus tout, c’était d’aller devant le feu et souffler sur les cendres, il restait toujours des braises et, sur ces braises qui rougissaient à nouveau, je faisais griller du pain pour le petit déjeuner. Et c’est l’odeur merveilleuse de ce pain grillé qui commençait à réveiller les jeunes.
Si je vous raconte cela, ce n’est pas pour vous faire souffrir en éveillant vos papilles alors que nous sommes dans une journée de jeûne. Non, je vous raconte cela parce que c’est dans cette situation que j’ai compris la symbolique profonde des Cendres que nous recevons au début du carême. Et cette signification est particulièrement belle dans un contexte communautaire.
En voyant les cendres sur le front de nos frères et sœurs, nous sommes invités à renouveler nos regards sur eux. Parce que, trop souvent, quand nous nous regardons, nos regards sont perturbés par tout ce que nous connaissons de la personne, ce que nous avons vécu, peut-être souffert à cause d’elle. Le signe des Cendres, nous invite à purifier notre mémoire pour devenir capables de poser un regard d’espérance. En effet, nous sommes invités à nous dire : puisqu’il y a des cendres sur son front, c’est la preuve qu’il y a un feu qui couve en lui, en elle, un feu qui ne demande qu’à repartir ! Je vais prier le Saint-Esprit pour qu’il vienne souffler sur ces cendres afin que le feu reparte en lui, en elle …et peut-être qu’il ou elle compte aussi un peu sur moi pour l’aider.
En acceptant de recevoir les cendres, c’est donc un acte de foi et d’espérance que nous posons qui nous concerne, nous, d’abord de manière personnelle. Seigneur, je crois qu’il y a un feu qui couve en moi, je ne veux pas croire que c’est la médiocrité qui l’emportera. Je veux croire que c’est encore possible même après tant de carêmes que j’ai vécus avec plus ou moins d’ardeur, plus ou moins de résultats, je veux croire que celui-là me fera encore avancer ! Je ne veux pas remettre ta puissance et ta persévérance en échec par un quelconque défaitisme. C’est aussi un acte de foi et d’espérance que nous posons sur les autres. Je crois qu’un feu couve en lui, en elle, je ne veux donc plus l’enfermer dans son passé mais regarder ceux qui m’entourent, comme toi, avec un regard d’espérance.
Maintenant, venons-en à la parole que vous entendrez : « convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » Vous savez que ces paroles sont fondamentales puisqu’elles sont les premières paroles de la prédication de Jésus. Le problème, c’est que nous, en entendant cette parole, nous comprenons qu’il y a deux actions complémentaires à opérer : il faut se convertir et croire ou se convertir pour croire. C’est-à-dire qu’il nous semble qu’il y a 1/ la conversion et 2/ La foi.
En plus, spontanément, pour nous, la conversion renvoie tout de suite à des efforts. Se convertir, c’est faire telle et telle bonne action et ne plus faire telle et telle mauvaise action. Autrement dit, la conversion se gagne à coups d’efforts et c’est sans doute pour cela que la perspective du carême décourage tant de gens. Depuis le temps qu’ils font des carêmes, ils voient bien : beaucoup d’efforts et, finalement, peu de résultats !
Si Dieu a envoyé Jésus, c’est pour que nous puissions entendre un message nouveau. Et le début de la prédication de Jésus contient cette nouveauté. Mais si nous entendons : efforts et vous croirez mieux, il n’y a rien de nouveau ! Le judaïsme le disait déjà en insistant sur le respect de la Loi qui devait conduire à une vie vertueuse signe d’une foi authentique. Alors, qu’est-ce qui est nouveau dans ces premiers mots de la prédication de Jésus ?
Eh bien, la nouveauté apportée par Jésus, c’est qu’il faut lier les deux verbes : convertissez-vous, c’est-à-dire croyez en l’Evangile. Vous vous convertirez quand vous vous mettrez à croire. C’est-à-dire que ce qui est 1° dans le carême, mais aussi plus largement dans notre vie de foi, ce n’est pas ce que nous allons faire mais ce que Dieu a fait pour nous et nous serons sauvés si nous y croyons.
Regardez le nombre de fois où, dans l’Evangile, Jésus va demander à celui qui est venu recevoir un miracle : crois-tu que je puisse faire cela pour toi ? Pour que sa puissance d’amour vienne visiter quelqu’un, Jésus ne demande pas à cette personne : as-tu une vie vertueuse ou es-tu prêt à faire des efforts pour mener une vie vertueuse ? Non ! Si ça avait été le cas, il n’aurait rien fait pour Zachée parce que, au moment où Zachée montait dans son arbre, il ne menait pas une vie vertueuse et il n’était sans doute pas encore décidé à changer de vie ! Mais Jésus est venu le rencontrer et Zachée a cru que cette rencontre allait changer sa vie du coup, il s’est converti. Ce qui est premier, c’est la rencontre avec Jésus, c’est de croire en la puissance transformante de la rencontre avec Jésus.
Alors, est-ce à dire qu’il n’y a plus d’efforts à faire ? Non, bien sûr ! Mais nos efforts doivent être orientés de manière plus juste. Les efforts que nous avons à faire, c’est de prendre les moyens qui nous permettront d’accueillir Jésus, de le laisser déployer sa puissance en nous. Nos efforts, c’est de tenir en permanence la porte de notre cœur ouverte et ensuite, le plus gros du travail de conversion, c’est lui qui va l’accomplir … mais il ne peut rien faire, si je le laisse à la porte de mon cœur ! Convertissez-vous et croyez à l’Evangile, quel bonheur d’entendre cet appel de cette manière !
Je ne comprends plus rien : vous nous dites qu’il faut laisser la porte alors que la sécurité nous demande de laisser les portes coupe-feu fermées.
C’est comme aussi dans une communauté : les uns c’est la phobie des portes ouverteś, les autres elles doivent rester fermées.
Bon, alors je la boucle ….