12 mai : la paix !

Au cours de mes études de théologie, j’ai eu l’occasion de chercher ce qui avait pu motiver, au 19° siècle, le grand élan missionnaire. A ma grande surprise, j’ai compris qu’un des éléments fondamentaux qui avait poussé ces missionnaires à tout quitter, à tout risquer, c’était ce que l’on disait, ce que l’on croyait, ce que l’on enseignait : Hors de l’Eglise pas de Salut ! Bien sûr, aujourd’hui, on ne le dirait plus, du moins plus comme ça, on préfère une formule du genre : hors de l’Eglise pas de Salut reconnu. Mais je voudrais souligner le bien que cette formule, un peu tordue quand même, a pu engendrer. Les missionnaires, parce qu’on leur avait enseigné que ceux qui n’étaient pas baptisés et par là membres de l’Eglise catholique, ne seraient pas sauvés, ont décidé de partir dans le monde entier. J’espère que vous comprenez qu’il y avait dans leur cœur, au-delà d’une soif d’aventures pour certains, un amour extraordinaire pour toutes ces personnes de l’autre bout du monde. Je dis un amour extraordinaire, parce que, ces personnes qu’ils ne connaissaient pas, ils ne pouvaient pas supporter l’idée qu’elles puissent être damnées. Je trouve cela extraordinaire : aller jusqu’à donner sa vie pour le Salut de personnes totalement inconnues. Ce n’était pas le prestige de l’Eglise, sa puissance, sa croissance que servaient les missionnaires mais, en voulant offrir à tout être humain la possibilité d’être sauvé, c’était finalement le bien de ces personnes qu’elles voulaient servir.

Il me semble que c’est le même amour qui animait les premiers évangélisateurs dont les tribulations nous sont racontées dans le livre des Actes des Apôtres. Parce qu’il fallait être animé par un amour indéfectible pour faire ce qu’ils faisaient. A Lystres, on nous dit que Paul s’est fait lapider, ce n’est quand même pas rien et qu’il a été trainé en dehors de la ville, comme mort. Retrouvant ses esprits, il part se mettre au vert à Derbé, là, évidemment, pas question de repos, dès qu’il a récupéré, il évangélise faisant un bon nombre de disciples et quand il se sent bien, où est-ce qu’il va ? Une petite tournée qui le conduit à Lystres, là-même où il avait été lapidé et à Antioche de Pisidie, là où ils avaient connu tant de problèmes ! Il faut le faire quand même ! Si vous n’êtes pas animés par un amour extraordinaire des personnes, jamais vous ne prendrez de tels risques !

D’autant plus que lorsqu’ils retournent à Antioche de Syrie, bouclant ainsi ce 1° voyage missionnaire, ce qu’ils racontent, ce ne sont pas les galères traversées, mais ce que Dieu avait fait avec eux pour ouvrir aux nations païennes la porte de la foi. A cette époque, on ne pensait pas que hors de l’Eglise, il n’y avait pas de Salut. Ce n’était pas l’angoisse du Salut de ces inconnus qui poussait les missionnaires à prendre tous ces risques, mais, comme je le disais dans une précédente homélie en empruntant les mots du pape François, cette conviction « qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. » Oui, leur grande motivation, c’était le bien des personnes. Jésus a dit : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » ils ont donc voulu offrir à chaque être humain cette possibilité d’accueillir, sans attendre l’au-delà, cette vie en abondance, de pouvoir vivre à fond, à plein, utilisons les mots que nous voulons. Et nous sentons bien que hier, comme aujourd’hui, c’est l’aspiration la plus profonde des hommes que de pouvoir vivre de cette vie en abondance. 

Nul ne veut se contenter du fameux métro-boulot-dodo. Hélas, aujourd’hui, la plupart des gens pensent que cette vie en abondance, elle ne se trouve qu’en s’échappant dans les loisirs, les distractions au sens où Pascal en parlaient. Mais comme tout cela leur laisse un goût d’inachevé quand ce n’est pas un goût amer, ils sont dans une logique de fuite parce qu’ils pensent qu’ils ne sont pas allés assez loin géographiquement ou dans les expériences pour goûter à cette vraie vie. Et c’est ainsi que certains peuvent se lancer dans des expériences complètement déstructurantes. La vie en abondance, on ne la trouve pas en allant à Hawaï le plus souvent possible, ou, pour les jeunes, en sortant en boite tous les soirs. D’ailleurs comment le mot boite qui est le mot pour parler de l’enfermement pourrait-il en même temps désigner le lieu d’un épanouissement total ? Et d’ailleurs la vie en abondance, on ne la trouve pas plus en rêvant d’être ailleurs que là où on l’on a décidé de se donner totalement que ce soit dans son couple, sa communauté, fuir ces lieux quand la vie y devient difficile n’est jamais la solution.

Il me semble que ce que Jésus nous dit dans l’Evangile nous met sur la bonne piste. En nous donnant la paix, sa paix, il nous indique bien que la vie en abondance ne se trouvera pas dans la fuite de notre condition, mais qu’elle s’accueille au plus profond du cœur. La Paix, c’est d’abord dans le fond du cœur qu’elle s’installe et quand elle est installée dans le fond de mon cœur, peu importe ce que j’ai à vivre, je suis sur le bon chemin pour accueillir cette vie en abondance. Mais en précisant que cette paix, Jésus ne la donne pas à la manière du monde, il nous suggère que la paix ne s’obtient pas par des compromis. En effet, la paix du monde est souvent le résultat de compromis, c’est ce qu’on peut lire dans les traités de paix. La paix de Jésus n’est jamais le résultat de compromis, elle ne s’obtient que dans un don total de nous-mêmes qui va provoquer une ouverture profonde permettant à la paix de s’installer en nous.

Pour moi, le modèle qui me parle le plus en ce moment quand j’évoque cela, c’est le cardinal N’Guyen Van Thuan qui fut un collaborateur de Jean-Paul II après avoir passé 13 ans dans les terribles prisons du gouvernement communiste vietnamien. Enfermé, dans des cellules aussi minuscules que sordides, après un temps d’incompréhension et de révolte, il va se rappeler de ce que sa mère lui avait appris, l’ayant elle-même appris de Ste Thérèse : quelles que soient les circonstances, tu peux toujours choisir de remplir chaque instant de ta vie du maximum d’amour. Renouvelant le don de sa vie, il a décidé de mettre ce principe en œuvre et c’est ainsi qu’il a été établi dans une paix qui ne l’a plus jamais quittée et qu’il a eu l’impression de vivre à fond sa vocation même si son horizon était restreint. Et cette paix qu’il avait accueillie, il a décidé de la transmettre par rayonnement et c’est ainsi que tous les surveillants qui l’approchaient finissaient par être contaminés par cette paix.

Que nos cœurs s’ouvrent pour que nous puissions accueillir cette paix dont nous avons tant besoin et pour que nous la donnions généreusement à tous ceux qui ont soif de cette vie en abondance.

Cet article a 3 commentaires

  1. Adéline

    Amen !
    Merci !

  2. ANGE Barbara et Emmanuel

    C’est tellement cela…
    « La Paix de Jésus n’est jamais le résultat de compromis, ELLE NE S’OBTIENT QUE DANS UN DON TOTAL DE NOUS-MEMES QUI VAPROVOQUE UNE OUVERTURE PROFONDE permettant à la paix de s’installer en nous »

  3. wilhelm richard

    La vie en abondance même en cette année 20/20 est loin d’être parfaite.

    La gloire sur cette terre
    paraît bien éphémère.
    De cette gloriole
    j’en rigole.
    Recherche plutôt le Ciel
    et cette joie éternelle
    dans ton quotidien habituel.

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