13 mars : coronavirus et contagion de l’amour

CORONAVIRUS : Les règles strictes édictées par l’évêque de Valence ne nous permettront plus d’accueillir au Foyer les nombreuses personnes qui venaient partager l’Eucharistie avec nous. C’est aussi pour elles que je prends le temps d’écrire mes homélies et de les mettre sur mon blog pour leur apporter quand même une nourriture spirituelle. Tout en étant responsable et en respectant les consignes, faisons confiance au Seigneur, puisqu’il sait écrire droit avec des lignes courbes.

Que les jeunes du week-end me pardonnent, je suis obligé de prendre quelques instants pour faire à partager un élément de notre réflexion de ce matin à tous ceux qui, dans cette assemblée, sont jeunes depuis plus longtemps que vous !

Le thème de notre week-end, c’est la phrase de Jésus dans l’évangile de Matthieu : là où est ton trésor, là aussi est ton cœur ! Et ce matin, dans la 1° partie de mon enseignement, j’ai proposé que nous entendions cette phrase comme si elle nous permettait de comprendre le fonctionnement de Dieu à notre égard. Parce que, vous l’avouerez, Dieu est souvent déraisonnable à notre égard. Oui, mais c’est comme ça, chacun de nous, nous sommes les trésors de Dieu ! On sait d’ailleurs que ce mot est souvent utilisé dans le registre du langage amoureux. Et puisque nous sommes les trésors de Dieu, eh bien, le cœur de Dieu est tout près de nous, il est ouvert pour nous. Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur ! Et on sait, depuis Pascal, que le cœur a ses raisons que la raison ignore. Voilà pourquoi Dieu perd si souvent la raison quand il agit pour toi, pour moi !

La page d’Evangile que nous venons d’entendre, et que nous connaissons si bien, le montre d’une manière étonnante : Dieu n’est pas raisonnable, il n’agit pas de manière raisonnable. Et ça finit par fatiguer le fils ainé qui représente tous les scribes et les pharisiens qui récriminent contre Jésus en lui reprochant son attitude vis-à-vis des pécheurs. Mais qu’est-ce que vous voulez on ne se refait pas : tel Père, tel Fils. Dieu le Père n’est pas raisonnable, il ne faut pas reprocher à son Fils de ne pas l’être, il sait de qui tenir !

La scène que le fils ainé de la parabole fait à son père quand il revient des champs, il a dû la lui faire des centaines de fois. A chaque fois qu’il voyait son père s’abimer les yeux en guettant, au bout du chemin, l’improbable retour de son fils, il devait lui dire : laisse tomber, tu as bien vu qu’il n’en valait pas la peine ! Et quand, au cours des repas, plombés par un silence de mort, il voyait une larme au coin des yeux du père, il devait à nouveau se mettre en colère et chercher à raisonner son père : mais tu vois bien qu’en te demandant sa part d’héritage, il t’a montré qu’il te préférerait mort, et toi tu pleures encore sur lui ? Et j’imagine que le matin, au petit déjeuner c’était le même refrain quand le fils ainé voyait les yeux de son père si lourds d’avoir encore passé une nuit d’insomnie et de cauchemars.

Mais comment voulez-vous qu’il se raisonne ? Son trésor est parti et, son instinct maternel de père car ce père aime comme une mère ne le trompe pas, il sait, il ressent que son fils est en difficulté. Comment voulez-vous qu’il se raisonne ?

Et voilà que l’impensable se produit, le fils parti est en train de revenir. Alors là, quand il l’aperçoit depuis son poste de garde, dans lequel il passait ses journées à le guetter, il perd franchement la tête. Il court pour aller à sa rencontre. 

Il court ! Il oublie que dans cette région du monde, il n’y a que les gamins qui courent, les adultes et à plus forte raison les vieux, ils se dominent, ils gèrent leurs émotions, c’est le signe de leur sagesse, donc ils ne courent pas. Mais lui, le père de la parabole, il court, il oublie son âge, ses rhumatismes, ses nuits sans sommeil, ceux qui l’observent. Il court, c’est bien vrai, il est déraisonnable, mais que vous voulez-vous son trésor de fils est revenu, alors, le cœur a ses raisons que la raison ignore. Il court parce qu’il a bien trop peur que, ravagé par la culpabilité, la honte et la peur d’être mal accueilli, il fasse demi-tour, alors il court. Il n’en peut plus d’attendre ce moment où il pourra le serrer dans ses bras, comme quand il était un enfant et qu’il aimait ces câlins. Depuis le temps qu’il en rêvait de ce moment, alors il court pour le vivre le plus vite possible. Et tant pis pour la crasse, la vermine, le coronavirus, il le serre dans ses bras et le couvre de baisers sans masque de protection !

Là où est ton trésor, là est ton cœur ! Voilà bien la clé d’interprétation qui nous permet de trouver une vraie logique dans le comportement pourtant déraisonnable de Dieu. Tel Père, tel Fils, je l’ai dit à propos de Jésus qui était aussi déraisonnable que son Père. Avant de mourir réunir ses dernières forces pour pardonner à ceux qui l’ont tant fait souffrir et qui viennent briser l’élan de sa vie, de sa mission qui, à 33 ans, était bien loin d’être finie, c’est déraisonnable !

Laissons-nous aimer de cet amour déraisonnable qui peut devenir contagieux comme les plus méchant des virus. Laissons-nous aimer et propageons cet amour déraisonnable, le monde en a tant besoin !

Dans son livre « Dieu est miséricorde », le pape François raconte cette anecdote savoureuse. Je vous la livre pour terminer : « Il me vient à l’esprit un grand confesseur, un prêtre capucin, qui exerçait son ministère à Buenos Aires. Un jour, il est venu me voir. Il voulait parler. Il m’a dit : Je suis venu te demander de l’aide, j’ai toujours beaucoup de gens devant mon confessionnal, des personnes en tout genre, certains d’une grande humilité d’autres pas, mais aussi tant de prêtres… J’ai des scrupules, parce que je sais que je pardonne trop ! Nous avons parlé de la miséricorde et je lui ai demandé ce qu’il faisait quand il avait ce genre de scrupules. Il m’a répondu : Tu sais, quand je sens que ce scrupule est trop fort, je vais à la chapelle, devant le tabernacle, et je dis à Jésus : Excuse-moi, Seigneur, mais c’est de ta faute, parce que tu m’as donné le mauvais exemple ! Je ne l’oublierai jamais !

Nous sommes invités maintenant, en continuant cette messe, à nous nourrir de Celui qui nous a donné ce mauvais exemple pour que, tout en respectant les règles de prudence édictées pour éviter la propagation du coronavirus, nous répandions le bon virus de l’amour déraisonnable.

Cet article a 2 commentaires

  1. wilhelm richard

    merci d’avoir repris certains points de votre homélie du 11 avril 2019 (oui 2019) !
    vous avez eu bien raison de le faire étant donné que votre homélie avait pété tous les records d’audimat, un taux sans précédent grâce à la qualité de votre intervention.

    1. Père Roger Hébert

      Comme je ne me rappelle plus ce que je dis, c’est toujours nouveau … au moins pour moi !

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