13 avril : Barnabé peut tout raccommoder … et pas seulement en matière de météo !

Hier, je n’étais pas avec vous pour entendre l’homélie qui a été donnée par le père Olivier et ce qu’il vous a dit sur cette rencontre entre Jésus et Nicodème. Moi, ce qui me frappe dans cette rencontre, c’est le décalage qui est mis en lumière : Jésus et Nicodème ne sont pas sur le même plan. Nicodème se situe dans le domaine du savoir. Hier, il abordait la rencontre en disant : « Rabbi, nous le savons, c’est de la part de Dieu que tu es venu. » Nous le savons, Nicodème, comme tous les juifs, sait beaucoup de choses sur Dieu. Mais voilà que ce que lui dit Jésus vient perturber son savoir parce que Jésus l’emmène sur le terrain de l’expérience, il lui propose de vivre une expérience qui semble un peu folle à ceux qui font tout passer par le crible de la rationalité, du savoir, Jésus lui propose l’expérience d’une renaissance. Alors, Nicodème n’y comprend plus rien, c’est pourquoi, aujourd’hui, il demande des explications supplémentaires, vous avez entendu, des explications supplémentaires parce qu’il est toujours dans le domaine du savoir, donc il veut comprendre. Et Jésus le déplace encore en lui faisant remarquer qu’il sait sûrement beaucoup de choses mais qu’il ne connait pas grand-chose : » Tu es un maître qui enseigne Israël et tu ne connais pas ces choses-là ? » Jésus ne parle pas de savoir mais de connaître et ce verbe est lié à l’expérience. Je peux savoir des choses sur une personne, mais la connaître, c’est tout différent de savoir, connaître, c’est vivre avec.

Ce déplacement auquel Jésus invite Nicodème, ce passage du savoir au connaître, ce passage du savoir accumulé à l’expérience à vivre, le père Cantalamessa l’a nommé d’une manière délicieuse. Il explique que c’est une invitation à passer du statut d’astronome à celui d’astronaute. L’astronome, il sait beaucoup de choses sur le ciel, il sait par cœur le nom des astres, des planètes, des étoiles, leur éloignement, les trous noirs. Les astronomes ont un savoir qui nous épate, mais ils ont un handicap terrible, finalement, ils parlent de ce qu’ils ne connaissent pas ! En effet, le ciel, ils n’y sont jamais allés ! Un astronaute, lui, il sait beaucoup moins de choses qu’un astronome, mais il parle de ce qu’il connait parce qu’il y est allé. Le plus célèbre des astronautes français, Thomas Pesquet, quand il parle du ciel, il en parle, et c’est bien le cas de le dire, avec des étoiles dans les yeux ! Il parle du ciel par expérience et ça change tout. Alors, bien sûr, il ne faut pas durcir cette différence car Thomas Pesquet est bien content de pouvoir s’appuyer sur le travail des astronomes et je suis sûr que depuis qu’il monte régulièrement au ciel, il est encore plus avide de lire le travail des astronomes. 

Ainsi en va-t-il pour la foi ! Ceux qui ont fait une expérience de rencontre avec le Seigneur, quand ils parlent de lui, ils en parlent avec des étoiles dans les yeux et leur témoignage éveille la soif de vivre une expérience semblable chez ceux qui les écoutent. Et ceux qui ont fait cette expérience, comme Thomas Pesquet, ils deviennent avides de chercher pour comprendre afin de mieux croire encore. Alors, ils lisent les travaux des astronomes-théologiens ou astronomes-exégètes dont les publications ne sont pourtant pas toujours remplies d’étoiles à toutes les pages ! 

Evidemment, celui qui nous fera passer du statut d’astronome à celui d’astronaute, c’est le Saint-Esprit, c’est bien ce que Jésus explique à Nicodème. Tout le temps pascal vient donc raviver notre désir de nous laisser renouveler par la puissance du Saint-Esprit pour que nous passions de ce statut d’astronomes, de ce statut de celui qui sait des choses sur Dieu, sur Jésus, sur le St Esprit à celui d’astronautes, celui qui a des étoiles plein les yeux quand il parle du Seigneur parce qu’il a changé sa vie et que, désormais, il vit avec Lui, il vit de Lui. Le frère Baudoin Ardillier, dont les prédications décoiffent pas mal, aime parler de certains chrétiens peu rayonnants qui sont de véritables ceintures de noires de caté, c’est-à-dire qu’ils savent tout ou croient tout savoir, mais il leur manque des étoiles dans les yeux parce qu’ils vivent leur foi comme un devoir et ils parlent de Dieu comme un livre sans saveur. Les beaux discours des savants, on finit toujours par les oublier, par contre, ceux qui nous ont témoigné de leur foi avec des étoiles plein les yeux, leur témoignage reste gravé dans nos cœurs.

Réjouissons-nous donc de ce cadeau que représente le temps pascal ! Comme le carême nous préparait à Pâques, le temps pascal va nous préparer à la Pentecôte, au don du St Esprit, au renouvellement du don du Saint-Esprit. Et c’est tellement important que l’Eglise a rajouté 10 jours supplémentaires par rapport au Carême pour que cette préparation devienne vraiment féconde. En effet, passer du statut d’astronome à celui d’astronaute, ça représente un tel enjeu que 50 jours ne sont pas de trop pour nous faire désirer ce passage toujours à refaire, toujours à actualiser.

Passons aux Actes ! C’est une parole que j’aime bien : passons aux Actes ! Cette parole, nous l’avions choisie comme slogan dans mon diocèse quand nous avions lancé notre grande démarche d’évangélisation. En effet, le livre des Actes est le livre de l’évangélisation, lire les Actes, c’est se mettre à l’école des premiers évangélisateurs. Alors, passons aux Actes ! Dans cette belle et grande aventure de l’évangélisation apparait aujourd’hui, un grand, un très grand évangélisateur, Barnabé. Je dois vous dire que je l’aime particulièrement depuis que j’ai entendu, il y a bien des années, une homélie du père Joseph Boishu dans une rencontre nationale des délégués épiscopaux pour le Renouveau Charismatique. Je le lui ai dit il y a quelques jours lors d’un de ces passages.

Aujourd’hui, le passage des Actes fait donc entrer en scène Barnabé, un personnage très important dans l’aventure de l’évangélisation. Pour la plupart des gens, Barnabé, il évoque juste un dicton météorologique qui s’énonce de plusieurs manières : S’il pleut à la Saint-Médard (8juin), il pleut quarante jours plus tard sauf si Barnabé (11 juin) vient tout raccommoder ! Mais, bien plus qu’en météo, c’est dans l’évangélisation que Barnabé fait la pluie et le beau temps, son rôle a été essentiel !

J’aimerais relire au moins le début de la lecture, je ne lis que la 1° phrase, mais c’est toute la 1° partie qu’il faudrait relire : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme. » Et la description qui suit nous montre une belle communauté dont la vie a été source d’inspiration pour beaucoup de communautés. Alors, c’est vrai que tout n’a pas toujours été aussi beau mais, c’est vraiment vers cet idéal que voulaient tendre tous les membres. Cette première partie de la lecture nous permet de comprendre que ce sont les belles communautés qui feront émerger les belles personnes. Il y a comme une fécondation mutuelle, un cercle vertueux, la belle communauté fait émerger de belles personnes et les belles personnes permettent à la communauté de rester belle. C’est une loi générale : la vie engendre la vie, ceux qui donnent leur vie par amour suscitent, à leur tour, le désir chez d’autres de se donner sans retenue. Barnabé ne deviendra ce grand témoin que parce qu’il y a eu cette communauté généreuse qui a été capable de l’engendrer.

Le point que je me contenterai de souligner aujourd’hui à propos de Barnabé concerne son nom. C’est assez rare, mais voilà un homme dont on a complètement oublié le nom, on ne se rappelle que du surnom qui lui a été donné. Le texte des Actes nous le présente par son nom en précisant immédiatement son surnom : « Il y avait un lévite originaire de Chypre, Joseph, surnommé Barnabé par les Apôtres. » Et on apprend que ce surnom n’a pas été choisi au hasard, ce n’est pas un sobriquet, les apôtres lui ont choisi ce surnom entre tous, en effet, Barnabé veut dire : « homme du réconfort » certaines traductions disent « fils d’encouragement » et la suite du livre va nous montrer qu’il mérite bien ce nom ! En effet, qui se chargera d’accueillir Paul pour le lancer dans cette mission qui lui a été confiée par Jésus ? C’est Barnabé ! Mais tous les chrétiens ne seront pas forcément ravis de voir arriver l’ancien persécuteur, alors qui aidera Paul à se faire accepter et à surmonter les nombreux obstacles ? C’est encore Barnabé, le fils d’encouragement ! Quand il y aura une mission difficile, par exemple accompagner et soutenir la fragile et enthousiaste communauté d’Antioche, à qui on fera appel ? A Barnabé, précisément parce qu’il est le fils d’encouragement ! Bref, toutes les missions délicates lui seront confiées car les responsables de l’Eglise avaient compris qu’en cas de problèmes, les communautés et les personnes avaient plus besoin d’accueillir un fils d’encouragement qu’un accusateur redresseur de torts. J’avais un confrère qui parlait d’une de ses paroissiennes, catéchistes au long cours en la nommant : la rectifieuse automatique. Quoi qu’il dise, quoique les autres disent, elle rectifiait en citant le Catéchisme de l’Eglise Catholique. C’est bien évident qu’elle finissait par décourager tous ceux qui l’approchaient. Barnabé, c’était exactement le contraire !

La communauté chrétienne naissante va être aux prises avec bien des défis, secouée par bien des problèmes et, même déjà des scandales. Eh bien, dans ces conditions, ce dont elle aura le plus besoin c’est d’un fils d’encouragement et c’est pour cela que Barnabé aura une telle importance. Finalement, il mérite bien la qualité que lui octroie le dicton météorologique, Barnabé peut tout raccommoder ! Puisque nos communautés ont plus besoin de fils d’encouragement que de rectifieurs automatiques, demandons au Seigneur qu’il nous fasse la grâce de devenir ces « filles et fils d’encouragement » et s’il ne trouve pas suffisamment de matière première sur place pour en fabriquer, qu’il nous en envoie, venus d’ailleurs, autant que nous en aurons besoin !

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