13 avril : mercredi de la semaine sainte. Quand les plus blessés peuvent devenir les meilleurs témoins … Evangile : livré, renié, abandonné par les siens.

Nous retrouvons en 1° lecture le même texte que nous avons eu dimanche, ce n’est sûrement pas un problème car il est possible qu’avec la longueur de l’office des Rameaux, votre curé n’ait pas eu le temps de le commenter ! C’est donc le 3° chant du serviteur situé dans cette 2° partie du livre d’Isaïe. Nous avons lu le 1° chant lundi, le 2°, c’était hier et le 4° sera pour vendredi. Ce 3° chant a une particularité, ce n’est plus Dieu qui parle le plus comme dans les deux précédents, mais c’est le serviteur qui nous livre son témoignage, c’est lui qui nous partage son expérience. Ce 3° chant du serviteur nous dit quelque chose de vraiment étonnant : Celui qui souffre a quelque chose de plus que les autres à dire ; il a quelque chose de meilleur et de plus fort à dire que les autres. « Le Seigneur lui donne le langage des disciples, pour qu’il puisse, d’une parole, soutenir tous ceux qui sont épuisés. » Et pourquoi la parole de celui qui souffre va-t-elle être si bienfaisante ? Parce que la souffrance va donner un parfum de vérité à ses paroles.

Oh, ce n’est pas automatique ! Pour qu’il en soit ainsi, il faut souvent du temps, avoir été bien accompagné afin de pouvoir entrer sur la voie du consentement. Ici, on m’a déjà souvent entendu dire que consentir, c’est le maitre-mot de la vie spirituelle et c’est le mot qui peut le mieux résumer la trajectoire de la vie spirituelle de Marthe Robin qui est à l’origine de nos Foyers. Consentir, ça n’a rien à voir avec se résigner. Consentir, c’est reprendre ces paroles du serviteur que nous avons entendues : « moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. » Consentir, c’est accepter la réalité et ne pas se dérober en cherchant réfuge dans un rêve qui ne se réalisera jamais, le rêve d’une vie sans souffrance, sans épreuve. Oui, consentir, ce n’est pas rêver sa vie, mais la vivre telle qu’elle est, en acceptant aussi que moi, je suis ce que je suis. Consentir, c’est choisir de ne pas subir ce qui nous arrive. Consentir, c’est un mot du registre amoureux, les fiancés échangent leurs consentements au cours du mariage, consentir, c’est donc croire que, quelle que soit ma situation, ma vie restera une histoire d’amour avec le Seigneur. Il ne m’écartera pas sous prétexte que je suis devenu moins intéressant, moins performant, plus compliqué et si souvent à vif. Consentir, selon la fameuse prière des personnes fréquentant les alcooliques anonymes, c’est accueillir la force que le Seigneur veut me donner pour supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui doit l’être en lui demandant la sagesse de savoir distinguer l’un de l’autre ! Consentir, c’est croire que, quelle que soit cette réalité, je peux sortir grandi si je me laisse rejoindre par le Seigneur sur ce chemin que j’aurais préféré ne pas avoir à parcourir et que, Lui aussi, aurait préféré ne pas me voir parcourir. Mais puisqu’il en est ainsi, il me rejoint et se propose à moi pour m’accompagner sur ce chemin qu’il a parcouru avant moi et pour moi, afin que je ne sois pas broyé par ces épreuves. 

Alors, celui souffre et qui a pu entrer sur ce chemin du consentement aura quelque chose de plus à dire que les autres, quelque chose de meilleur : « le Seigneur lui aura donné le langage des disciples, pour qu’il puisse, d’une parole, soutenir tous ceux qui sont épuisés. » Et s’il peut réconforter, c’est parce qu’il aura lui-même accueilli la parole de réconfort que chaque matin, à chaque instant, le Seigneur lui souffle à l’oreille pour le soutenir : « Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. »

Ces mots de la 1° lecture avec ce que je viens de dire sur consentir, éclairent d’une manière lumineuse l’expérience de Marthe Robin. Sa vie s’est cassée quand, très jeune, une terrible maladie a commencé à la diminuer jusqu’à la laisser paralysée des dizaines d’années. Elle souffrait bien plus que tous ceux qui venaient la voir et pourtant, c’est elle qui les réconfortait, du coup, on peut lui appliquer mot pour mot la lecture d’aujourd’hui : Chaque matin, chaque instant, Marthe acceptait que le Seigneur vienne éveiller son oreille pour qu’en disciple, elle puisse l’écouter et c’est ainsi qu’il lui donnait ce langage si particulier, qu’il réserve à ses disciples afin que d’une parole, ils deviennent capables de soutenir tous ceux qui sont épuisés. Qu’elle nous attire à sa suite, puisqu’il y a tant de personnes épuisées qu’il faut réconforter. Mais ce ne seront pas des paroles de prêchi-prêcha qui les réconforteront, ce seront des paroles sorties des profondeurs de notre propre expérience de consentement à la vie, vécue dans la grâce de Dieu.

De l’évangile que nous avons entendu, j’aimerais retenir 3 points.

1/ Jésus vient d’annoncer : « l’un de vous va me livrer. » Alors, les disciples lui demandent : serait-ce moi, Seigneur ? Et jésus de répondre : « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. » Est-ce qu’en disant cela, Jésus donne un indice pour que le traitre soit clairement identifié ? Jésus a dit: « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. » Jésus ne dit pas : celui qui vient de se servir, c’est lui qui va me livrer … là, ça aurait été un détail qui permettrait d’identifier. Non, il dit : « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. » Il y a bien des chances pour qu’ils aient tous fait ce geste avec lui, c’est donc chacun de ses disciples que Jésus met devant ses responsabilités. On pourrait donc comprendre la réponse de Jésus comme une mise en garde : oui, ça pourrait être toi, mais il ne dépendra que de toi que ça ne soit pas toi ! St Augustin prononcera cette parole si pleine de réalisme : « Si Dieu me retirait sa grâce, je deviendrai capable de faire tous les péchés. » La réponse de Jésus avant de désigner nommément une personne, veut insister sur la proximité de celui qui va le livrer : « l’un de vous va me livrer et celui qui va me livrer s’est servi au plat en même temps que moi. » On peut imaginer la souffrance qu’il y a dans ces paroles que Jésus prononce. Il a compris qu’il allait mourir et que ça allait être très douloureux mais il aurait tellement aimé qu’aucun de ses disciples ne soit compromis dans ce péché. Hélas, ça ne sera pas le cas, tous, ils auront leur part de responsabilité. Dans l’Evangile de Marc, au moment de l’arrestation, il est dit que TOUS s’enfuirent (Mc 14,50) vous avez entendu TOUS. Jean se ressaisira très vite, Pierre aussi, mais, lui, il sombrera à nouveau. Reste qu’à un moment TOUS se sont enfuis. Quelle souffrance pour Jésus et nous sentons bien qu’elle s’exprime dans les paroles de cet évangile.

2/ Je crois que c’est l’expression de cette souffrance qu’il faut entendre dans la parole de Jésus : « Malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » Ce n’est pas une parole de condamnation, ni même de malédiction comme pourrait nous le laisser croire l’emploi du malheureux. Ce petit mot, Jésus l’utilise souvent dans l’Evangile mais il n’équivaut jamais à une malédiction, Jésus ne maudit personne. Les exégètes ont montré que ce mot grec, traduit par « malheureux » correspondait au mot hébreu que les pleureuses répétaient en tournant autour du corps d’un mort. C’est donc clair, quand Jésus dit « malheureux » c’est l’expression de sa souffrance devant une personne qui, à cause de ces choix tordus, est presque déjà morte. Jésus ne la maudit pas, il pleure sur cette personne. Et c’est ce qu’il fait devant Judas. Or, on ne pleure que devant ceux qu’on aime, donc, jusqu’au bout Jésus aimera Judas, l’appelant encore « mon ami » à Gethsémani quand il vient à la tête de la délégation venue l’arrêter. Et ce « mon ami » n’était pas ironique comme ne le sera pas l’utilisation du mot ami dans le testament du père Christian de Chergé pour désigner celui qui pourrait lui prendre sa vie, je relis la dernière phrase de son testament : « Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’aura pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « À-DIEU » envisagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. »

3/ Enfin, 3° point. Oui, jusqu’au bout, Jésus va aimer Judas, c’est pourquoi, jusqu’au bout, il va essayer de le sauver encore en lui offrant la possibilité de se convertir par l’aveu de son péché. Quand Judas demande : « Rabbi, serait-ce moi ? » Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ! » C’est comme si Jésus lui disait, Judas, écoute ce que tu viens de dire, reconnais ton péché et tu seras délivré, sauvé. Entendons-nous bien, Jésus ne cherche pas à se sauver en essayant de faire en sorte que Judas renonce à son projet… non, il sait que quoiqu’il arrive, avec ou sans Judas, les responsables religieux ont décidé de le mettre à mort. Jésus ne cherche donc pas à se sauver mais il cherche, jusqu’au bout, à sauver Judas. Que c’est beau de voir cette détermination de Jésus qui veut tout mettre tout en œuvre pour sauver Judas. Si Jésus a eu une telle détermination à l’égard de celui qui allait le livrer, il devrait bien en faire au moins autant pour moi et pour toi !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    C’est bouleversant ce mystère de la trahison… Cet enfermement unilatéral… Mais le passage par la croix est Vie! Alors quel cadeau…
    Belle journée 😉

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