J’ai été aumônier de prison pendant un certain nombre d’années, et en même temps, j’étais Vicaire Général dans mon diocèse. On pourrait dire que ces deux ministères ne vont pas forcément ensemble, mais, comme mon évêque de l’époque s’appelait Bagnard, finalement c’était bien que je sois vicaire général et aumônier de prison ! En prison, il m’arrivait régulièrement de distribuer des Bibles, tous les aumôniers de prison le font, et, un jour, il m’est arrivé une belle histoire en donnant une Bible à l’un d’entre eux. Je ne peux pas raconter toute l’histoire, ça serait trop long, mais en résumé, je peux dire que je lui avais donné une Bible juste avant de partir pour quelques jours de vacances, je lui avais donc promis de revenir le voir à mon retour pour qu’on parle ensemble de la Bible. Quand je reviens, quelle n’est pas ma surprise, en une semaine, avant que je ne puisse lui donner le moindre conseil, il a déjà lu tout le Premier Testament et déjà commencé le Nouveau Testament et beaucoup de passages sont surlignés ! Je lui demande si ce n’était pas trop compliqué et il me fait cette réponse que je ne suis pas près d’oublier : Non, c’était pas compliqué parce que ça parlait de moi à toutes les pages ! Ça parlait de moi à toutes les pages !
Ah si seulement l’Esprit-Saint pouvait nous aider à lire chaque texte de l’Ecriture avec cette conviction : ce texte va forcément me parler puisqu’il parlera de moi ! Quand nous lisons les Ecritures, et, à plus forte raison quand nous les lisons dans le cadre d’une célébration liturgique, nous croyons que ces textes sont Parole de Dieu. Nous l’avons entendu à la fin de la 1° lecture, la personne qui a lu a dit : Parole du Seigneur. Et quand l’Evangile a été proclamé, le prêtre a dit : Acclamons la Parole de Dieu. C’est bien le Seigneur qui nous parle à travers les Ecritures et parce qu’il nous aime, il nous envoie l’Esprit-Saint qui nous assiste, qui nous éclaire, pour que la Parole devienne parlante, pour chacun de nous, aujourd’hui. Le père Cantalamessa aime dire que lire la Bible sans demander l’aide du Saint- Esprit équivaut à ouvrir un livre dans l’obscurité ! Tout reste ténébreux !
Eh bien, en méditant l’Evangile d’aujourd’hui, éclairé par le Saint-Esprit, je me suis dit que ce texte me parlait, il devenait vraiment parlant pour moi parce qu’il parlait de moi ! Et je pense que je peux facilement élargir mon propos en disant : ce texte nous parle, il devient vraiment parlant pour nous parce qu’il parlait de nous. C’est à partir de cette mention de l’Evangile que je me suis fait cette réflexion : Un grand vent soufflait, et la mer était agitée, les disciples avaient ramé sur une grande distance. Dites-moi, ça ne vous arrive jamais de ramer dans vos vies ? Il n’y a jamais de moment où vous êtes en galère ou la barque de nos vies se transforme en galère ? Il n’y a jamais de moments où tous les vents vous semblaient contraires, produisant une agitation inquiétante. Tous nous pourrions parler de moments où nous avons ramé, où c’était la galère, où l’agitation de la tempête était à son comble à cause de gros pépins de santé, de coups de déprime, de problèmes d’argent, de relations difficiles à gérer dans un couple, en famille, au travail, d’échecs sentimentaux, professionnels ou dans les études … bref, tous nous connaissons ces moments où, comme les disciples de l’Evangile, nous ramons, mais sans avancer dans une agitation inquiétante ! Ce déploiement d’énergie qui ne produit aucun effet finit par nous désespérer et nous épuiser.
La bonne nouvelle de ce texte car, n’oublions jamais que le mot Evangile signifie bonne nouvelle, la bonne nouvelle de ce texte, c’est que Jésus voit quand nous ramons, quand nos vies deviennent galères, quand les tempêtes sans fin nous inquiètent et nous épuisent. C’est parce qu’il a vu que ses apôtres galéraient, ramaient sans résultat que Jésus est venu les rejoindre et il l’a fait d’une manière étonnante : il est venu en marchant sur les eaux. C’est un cas unique dans les Evangiles où Jésus va utiliser sa puissance pour lui. Sur la croix, il refusera de le faire alors qu’on le met au défi : descends de cette croix et on croira que tu es le Fils de Dieu. Jésus ne le fera pas, il ne veut pas utiliser sa puissance pour lui. Là, il semble faire exception en rejoignant, à toute vitesse, ses apôtres qui galèrent.
Mais vous avez déjà compris qu’en fait Jésus n’utilise pas sa puissance pour lui, pour faire un coup d’éclat, pour forcer l’admiration, il utilise sa puissance pour rejoindre, au plus vite, ses apôtres qui galéraient vraiment trop. Oui, voilà la bonne nouvelle de cet Évangile : Jésus ne reste jamais indifférent, jamais loin quand nous ramons, quand nos vies se transforment en galère, quand les tempêtes sans fin nous découragent.
La réaction des apôtres, à la fois elle ne nous surprend pas, mais quand même, elle reste étonnante. Le texte nous dit qu’ils furent saisis de peur. Oui, on les comprendre, voir arriver, en pleine nuit, quelqu’un qui marche sur les eaux, ce n’est pas courant, comme disent les jeunes, il y a de quoi flipper ! Mais, en même temps, ils auraient dû tout de suite penser qu’il n’y avait que Jésus pour faire ça ! Seulement, voilà, les apôtres, comme nous d’ailleurs, quand nous ramons, quand la vie devient galère, nous imaginons que Dieu nous a oubliés, et nous nous révoltons en disant : mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour mériter tout ça ? Comment imaginer que le Seigneur puisse nous rejoindre si nous sommes convaincus qu’il nous a oubliés ? Jésus les rassure donc en leur disant : C’est moi. N’ayez plus peur ! Il y aurait beaucoup à dire sur cette parole : c’est moi ! Mais j’ai déjà beaucoup parlé !
Alors je termine en soulignant le fait que les apôtres voulaient inviter Jésus à monter dans la barque. En arrivant auprès d’eux, Jésus ne s’est pas imposé en disant : laissez-moi faire, vous n’y connaissez rien, vous ne savez pas naviguer par gros temps, laissez-moi prendre la barre ! Non, d’abord Jésus ne s’impose pas et ensuite, il ne fera jamais les choses à notre place ! Il est donc admirable ce souhait des apôtres qui veulent que Jésus monte avec eux dans la barque. Ils ont compris que s’il était là, tout allait changer. Oh la tempête risquait bien de continuer, mais eux, ils ne seraient plus les mêmes pour l’affronter, si Jésus était avec eux. D’ailleurs, il a suffi qu’ils aient le désir de prendre Jésus dans leur barque pour qu’immédiatement ils touchent le rivage !
Quelle belle leçon ! Déjà hier, dans l’Evangile, nous avions la même leçon : face à ce problème insoluble, beaucoup de gens à nourrir avec trois fois rien, les apôtres n’avaient pas pensé à se tourner vers Jésus. Ils tournaient et retournaient le problème dans tous les sens et disaient qu’il n’y avait pas de solution ! Mais si, il y avait une solution et la solution, c’était Jésus. Aujourd’hui encore dans cette tempête, la solution, c’est Jésus. Vous avez remarqué que je n’ai pas dit que Jésus avait la solution, j’ai dit que Jésus était la solution. Jésus ne règle jamais nos problèmes avec un coup de baguette magique, s’il agissait ainsi, on pourrait dire qu’il a la solution à tous nos problèmes. Mais il n’agit pas ainsi, Jésus nous rejoint, il se propose à nous pour que nous ne restions pas seuls, pour que nous ne nous épuisions plus à ramer en étant seuls face aux tempêtes de la vie.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de renouveler en ce jour notre désir de faire monter Jésus dans la barque de nos vies en croyant qu’il est la solution.