De la 1° lecture, j’aimerais garder cette caractéristique de Dieu qui nous est présenté comme celui qui n’oublie pas, enfin qui n’oublie pas ce qu’il ne faut pas oublier et qui oublie ce qu’il convient d’oublier ! C’est-à-dire que c’est à peu près l’inverse de nous ! Nous, nous n’oublions pas ce qu’il faudrait pouvoir oublier, par contre, nous oublions trop souvent ce qu’il ne faudrait pas oublier !
C’est ainsi qu’il nous arrive d’oublier de passer un coup de fil à quelqu’un qui en aurait pourtant bien besoin, d’oublier de prendre des nouvelles de la santé d’une personne qui s’est pourtant confiée à notre prière. Et, hélas, il nous arrive aussi, d’oublier tout ce que le Seigneur a fait pour nous depuis tant d’années ! Il suffit que nous traversions une difficulté pour emboucher la même trompette que ceux de Jérusalem dont la plainte nous est rapportée dans la 1° lecture : « Le Seigneur m’a abandonné, mon Seigneur m’a oublié ! » Mon Dieu qu’il faut être « oublieux » pour prononcer de telles paroles ! Il faut oublier toutes ces marques de l’amour prévenant de Dieu à notre égard, un amour qui ne cesse de nous accompagner même si nous n’en avons pas toujours conscience.
Car c’est le propre de l’amour prévenant que de rester discret. Vous connaissez sans doute cette histoire racontée par Thérèse de Lisieux que je reprends à ma manière. Un père décide d’aller faire une ballade en montagne avec son fils. A partir de là, il y a 2 possibilités qu’elle nous laisse imaginer.
- 1° possibilité, le papa, dans la nuit se réveille en disant : je me rappelle que ce chemin est dangereux avec des pierres qui risquent de faire chuter mon enfant, je vais donc mettre le réveil très tôt et j’irai de grand matin dégager le chemin pour être sûr qu’il n’arrive rien à mon enfant.
- 2° possibilité, le père et le fils partent, de fait le chemin est dangereux, le fils tombe, s’ouvre le genou, le père le prend dans ses bras et court pour l’emmener chez le médecin pour le faire recoudre.
Dans ce 2° cas, le fils sera très reconnaissant à l’égard de son père, il dira ou au moins pensera qu’il a le meilleur des papas ! Dans le 1° cas, le fils ne saura jamais ce que son père a fait pour lui et si, par la suite, il lui arrive quelque chose, il pourra penser que son père ne s’occupe pas vraiment de lui ! Dans le 2° cas, le père a manifesté un amour rédempteur et on ne peut oublier cela. Ceux qui ont été tirés de grands abimes et qui ont vécu une puissante conversion, en principe ne l’oublie pas. Oui, mais, quand on a été aimé d’un amour prévenant comme dans le 1° cas, on risque de l’oublier car, comme je le disais, la caractéristique de l’amour prévenant, c’est de rester discret. Alors que l’amour prévenant qui nous empêche de tomber bien bas est tout aussi fort que l’amour rédempteur qui nous relève quand nous sommes tombés bien bas.
Ça signifie donc que, avant de gémir en pensant ou disant : « Le Seigneur m’a abandonné, mon Seigneur m’a oublié » il nous faut demander au Saint-Esprit de raviver notre mémoire spirituelle pour que nous puissions nous rappeler toutes les marques de son amour prévenant dans notre vie et que nous ne devenions pas « oublieux » !
Je disais en commençant que nous fonctionnons à l’inverse de Dieu. Lui, il n’oublie jamais l’essentiel et l’essentiel c’est nous, chacun de nous : « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas. » Dieu n’oublie jamais l’essentiel par contre, notre péché, il s’empresse de l’oublier et le curé d’Ars disait dans une très belle formule, quand même assez étonnante, que Dieu oubliait même notre avenir pour mieux nous pardonner dans le présent.
Oui, il oublie notre avenir, c’est-à-dire qu’il oublie que nous allons recommencer, que nous pécherons encore, il l’oublie pour mieux nous offrir son pardon quand nous revenons à lui. Mais nous, nous fonctionnons à l’inverse : nous oublions l’essentiel, nous souffrons d’un manque de mémoire spirituelle, par contre, l’offense que quelqu’un nous a fait, il y a un certain temps, elle reste bien gravée dans notre mémoire !
Ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ? Seigneur, nous t’en supplions, refaçonne-nous une mémoire à l’image de ta mémoire, que nous puissions oublier ce qui doit l’être et que nous ne devenions pas oublieux de l’essentiel !
Dans l’Evangile que nous avons entendu, j’ai choisi de m’arrêter sur cette affirmation de Jésus qui dit : « Mon Père est toujours à l’œuvre, et moi aussi, je suis à l’œuvre. » Ici, au sanctuaire, nous sommes témoins du travail du Seigneur, toujours à l’œuvre, et qui sait rejoindre chacun de manière si étonnante pour le faire sortir de son tombeau. C’est une grande grâce de pouvoir être le témoin de toutes ces résurrections spirituelles. Pour comprendre la portée de cette parole, il faut aussi nous rappeler que ce texte fait immédiatement suite à celui d’hier dans lequel Jésus guérissait un homme paralysé sachant que cette guérison, il l’avait faite le jour du sabbat, ce qui lui vaudra bien des reproches de la part des gardiens de la stricte observance de la Loi. En disant : « Mon Père est toujours à l’œuvre, et moi aussi, je suis à l’œuvre » c’est un peu comme si Jésus disait : avec le Père, nous sommes tous les deux des bosseurs et rien ni personne ne nous empêchera de travailler et de travailler tous les jours et de travailler à chaque instant d’une journée. Du coup, nous comprenons qu’avec ces paroles Jésus dit à ceux qui le critiquent : et vous, plutôt que de me critiquer, vous seriez bien inspirés d’en faire autant !
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de devenir toujours plus les filles et les fils de ce Père qui est toujours au travail, qui ne cesse de distribuer son amour à ceux qui en ont besoin. Demandons-lui aussi la grâce d’avoir une mémoire à l’image de sa mémoire.