Pendant une semaine ou presque, je ne mettrai pas d’homélie sur le blog ! Nous accueillons les séminaristes de Paris, les homélies à la messe seront données par le prédicateur de la retraite ! Au 22 décembre !
Quelle belle première lecture, nous avons entendue ! Si je reprends l’image que j’avais donnée, il y a une quinzaine de jours comparant chaque promesse du livre d’Isaïe à un flocon de neige que nous sommes invités à gober, la 1° lecture représente une telle chute de neige que nous ne savons plus où donner de la tête ! En méditant ce texte, je me suis dit qu’on pourrait peut-être le partager en deux parties, mais je reconnais que c’est parfaitement arbitraire, vous pouvez donc, dans votre lecture et méditation personnelles, faire autrement ! La première partie, je l’ai lue comme une promesse de fécondité retrouvée adressée à l’Eglise et la deuxième partie, je l’ai lue comme une série de promesses qui nous étaient adressées à chacun, personnellement.
Commençons par cette belle promesse de fécondité que je lis comme étant tout particulièrement adressée à l’Eglise. Evidemment, quand Isaïe, ou l’un de ses disciples car nous sommes dans la 2° partie du livre, écrivait ces promesses, il ne les adressait pas à l’Eglise, mais au Peuple de la part de Dieu. Nous, chrétiens, quand nous les lisons, 26 siècles, après, nous sommes invités à nous les approprier, en Eglise. Et cela, sans penser d’ailleurs qu’elles ne s’adressent plus au peuple juif qui reste fondamentalement dépositaire de la promesse. La plus grande, la plus belle des fécondités serait, évidemment, que ce peuple puisse reconnaître en Jésus le Messie promis, ce que font déjà les juifs messianiques. D’ailleurs, en allant voir le film de Gad Elmaleh, nous avons pu lire cette extraordinaire citation du cardinal Lustiger : « C’est dans le christianisme que j’ai découvert l’enseignement du judaïsme qui ne m’avait pas été donné comme enfant juif. » Il n’y a donc pas de concurrence entre nous, les promesses de Dieu s’adressent à nous sans être retirées au peuple qui les a reçues et qui reste appelé le peuple de la Promesse.
Avant-hier, je soulignais, avec Sophonie, l’importance de la prophétie concernant le petit reste, ce petit reste qui sera le ferment d’un grand renouveau. Cela signifie qu’il y aura à passer par un appauvrissement et je soulignais combien nous étions dans cette phase d’appauvrissement que nous sommes invités à vivre, de manière paradoxale, comme un cadeau que le Seigneur nous envoie pour apprendre à nouveau à compter sur lui et sur lui seul. Mais, aujourd’hui, nous entendons que cet appauvrissement ne sera pas le dernier mot de l’histoire de l’Eglise. Il y a donc cette promesse de fécondité retrouvée qui suivra ce temps où tous nos efforts, toutes nos initiatives semblaient stériles, en tout cas ne pas donner des résultats à la mesure de notre investissement. Crie de joie, femme stérile ! Et, un peu plus loin, cette merveilleuse prophétie : Élargis l’espace de ta tente, déploie sans hésiter la toile de ta demeure, allonge tes cordages, renforce tes piquets ! Car tu vas te répandre au nord et au midi. Dans les débuts du Renouveau, on chantait ça et, avec les foules qui se pressaient sous les chapiteaux, on croyait qu’on était entré dans ces temps ! On a chanté et, ensuite on a déchanté ! L’appauvrissement était loin d’être terminé, mais, pour autant, la promesse demeure. Peut-être que le Seigneur n’est pas pressé de terminer l’appauvrissement parce qu’il ne nous sent encore pas prêt. Il sent que nous vieilles mauvaises habitudes sont encore prêtes à repartir trop vite, ces mauvais vieilles habitudes qui consistent à plus espérer le succès que la fécondité, ces mauvaises vieilles habitudes qui nous font nous réjouir de notre puissance retrouvée plutôt que de nous appuyer sur Celui qui nous rend forts. La promesse est bien là, mais elle attend une conversion profonde pour pouvoir enfin se réaliser.
La suite de cette promesse, toujours adressée à l’Eglise, est également merveilleuse : tu ne connaîtras plus la honte ; ne tiens pas compte des outrages, tu n’auras plus à rougir, tu oublieras la honte de ta jeunesse. C’est de l’or cette promesse après les semaines que nous venons de passer au cours desquelles de nouveaux scandales étaient dévoilés si régulièrement. Mais, comme la précédente, cette promesse n’est sans doute pas pour tout de suite.
D’une part parce que les écuries n’ont pas fini d’être nettoyées et, d’autre part, parce qu’il faut laisser encore du temps à la repentance et à la conversion. Pourtant, même si elle n’est pas pour tout de suite, la promesse est là qui nous fait tenir dans l’espérance et qui nous rend courageux pour faire face au présent, tel qu’il est, et pour accomplir le travail qui doit encore être courageusement accompli.
Et puis, vient la 2° partie du texte, il est tout à fait possible de continuer à la lire comme une suite des promesses faites au peuple et donc à l’Eglise. Mais, j’aimerais la lire en nous invitant à accueillir ces promesses de manière plus personnelle. C’est donc à chacun de nous que le Seigneur s’adresse, c’est à chacun de nous qu’il dit : Un court instant, je t’avais abandonné, mais dans ma grande tendresse, je te ramènerai. Quand ma colère a débordé, un instant, je t’avais caché ma face. Mais dans mon éternelle fidélité, je te montre ma tendresse. Je ferai comme au temps de Noé, quand j’ai juré que les eaux ne submergeraient plus la terre : de même, je jure de ne plus m’irriter contre toi, et de ne plus te menacer.
Evidemment, quand nous entendons ces paroles, si nous avons un tant soit peu de mémoire et d’éducation, nous avons envie de dire : stop, Seigneur ! Ce n’est pas à toi de t’excuser de m’avoir abandonné, c’est à moi de le faire. Si tu m’as caché ta face, c’est que je m’étais détourné de toi, c’est moi qui me suis éloigné de Toi. C’est donc à moi de te promettre de ne plus te faire des infidélités, mais j’ose à peine le faire parce que je me connais, je connais mon inconstance, je connais mes fragilités. Mais c’est sûr, le désir de mon cœur, c’est de pouvoir marcher avec toi pour toujours. Alors, je crois qu’entendant cet aveu, c’est à l’oreille de chacun que le Seigneur murmure ces paroles d’amour qui concluaient la lecture : Même si les montagnes s’écartaient, si les collines s’ébranlaient, ma fidélité ne s’écarterait pas de toi, mon alliance de paix ne serait pas ébranlée.
Vous aurez remarqué qu’à plusieurs reprises, dans cette lecture, le Seigneur se présente comme le Rédempteur. Ce mot est assez proche de Sauveur, mais il apporte une nuance intéressante. En hébreu, le rédempteur, c’est le Go’el que Chouraqui, dans sa traduction, rendra par ce mot qui n’est pas très beau, mais évocateur, « le racheteur. » Arrêtons-nous un peu sur ce mot de rédempteur-Go’ël. Quand un homme criblé de dettes devait se vendre comme esclave pour payer ce qu’il ne pouvait pas rembourser, si un membre de sa famille l’apprenait et avait les moyens de le faire, il devait devenir son go’ël, c’est-à-dire payer ce qu’il fallait pour que son parent puisse retrouver sa liberté. Dans ce texte et dans beaucoup d’autres de la Bible, le Seigneur se présente comme notre Go’ël, notre Rédempteur. Ça signifie d’abord qu’il affirme ce lien étroit qui l’unit à nous : nous sommes de sa famille puisque nous sommes ses enfants bien-aimés, il va donc nous racheter. Il sera prêt à payer ce qu’il faut pour nous permettre de retrouver la liberté, pour nous libérer du péché. De fait, Jésus paiera de sa vie notre libération en acceptant de verser son sang. Mais nous comprenons bien que, contrairement à ce que chante le minuit chrétien, ce n’est pas pour apaiser le courroux de son Père, que le Fils éternel se fait rédempteur de l’homme. S’il s’est fait notre go’ël, c’est pour nous arracher aux griffes de celui qui voulait nous retenir captifs. Toutes les promesses de ce texte étaient belles et le fait de savoir que c’est le Dieu rédempteur, le Dieu go’ël qui les accomplira renforce encore leur caractère extraordinaire.
Alors, les paroles du psaume peuvent remonter sur nos lèvres pour mieux descendre dans notre cœur : Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé. Quand j’ai crié vers toi, tu m’as guéri. Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme et revivre quand je descendais à la fosse. Rendez grâce en rappelant son nom très saint, sa colère ne dure qu’un instant, sa bonté, toute la vie. J’ai crié vers toi, Seigneur, j’ai supplié mon Dieu. Tu as changé mon deuil en une danse, que sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rende grâce !
Merci encore pour cette homélie profonde, pleine de confiance et d Espérance. Le feu de L Amour du Christ y est vivant et vivifiant au cœur des épreuves de ce monde. Deo Gratias Jean Pierre
Merci !