16 octobre : 29° dimanche temps ordinaire. Dieu n’exauce-t-il que les casse-pieds ?

Est-ce que vous ne ressentez quand même pas un léger malaise quand vous entendez cet Evangile ? Est-ce que ça ne vous gêne pas un peu d’entendre que Dieu finira par vous exaucer si vous lui cassez suffisamment les pieds et que s’il vous exauce, ce n’est pas par amour mais pour mieux se débarrasser de vous ? Comme ce juge qui examine le dossier de cette pauvre veuve non pas parce qu’il a eu le cœur touché par ses revendications mais parce qu’il n’en peut plus de l’entendre réclamer. Est-ce que vous pouvez imaginer que moines et moniales ont donné leur vie pour casser les pieds à Dieu ? Est-ce ainsi que vous concevez votre mission d’intercession quand on vous confie une intention de prière ? Non, manifestement, il y a quelque chose qui ne marche pas dans cette parabole. 

Je vous avoue que je me suis cassé le nez sur ce texte de nombreuses années et voilà qu’un jour j’ai dû le commenter en plein cœur d’un rassemblement des groupes de prière de ma province. J’ai vite compris que je ne pourrais pas expliquer à ces femmes et à ces hommes qui avaient décidé de mettre la prière au centre de leur vie que c’était un bon choix s’ils voulaient devenir les casse-pieds numéro un du Bon Dieu, ceux qui le fatigueront plus que tous les autres ! Alors, j’ai supplié le Saint-Esprit de m’éclairer, ce rassemblement des groupes de prière, c’était bien le lieu où je pouvais le supplier ! Et il m’a éclairé, tellement bien éclairé que, depuis, je ne peux plus rien dire d’autre sur ce texte que ce qu’il m’a soufflé ce jour-là !

Le Saint-Esprit m’a suggéré, sans manifestation surnaturelle, bien-entendu, que si je voulais comprendre la parabole, il fallait renverser complètement la manière dont nous la lisions habituellement. Dans une parabole, il faut toujours chercher qui joue le rôle de qui. Eh bien, je ne pense pas que Jésus, dans la parabole qu’il raconte, ait donné à Dieu, son Père du ciel, le rôle du juge sans scrupule, il ne manquerait plus que ça que Jésus nous présente Dieu sous les traits d’un juge injuste ! J’ai compris que Dieu, dans ce texte, il avait plutôt le visage de cette pauvre veuve.  

Oui ça marche pas mal parce que, comme une veuve a perdu son mari, l’amour de sa vie, Dieu nous a souvent perdu. A cause de la distance que nous prenons avec lui, Dieu se retrouve comme cette veuve, en manque d’amour. Nous sommes, chacune et chacun, l’amour de sa vie et quand Dieu nous perd, parce que nous le lâchons, il est aiussi désemparé qu’une veuve qui a perdu l’amour de sa vie.  Et Dieu nous perd si souvent ! Mais la bonne nouvelle de ce texte, c’est que Dieu ne va pas lâcher le morceau comme ça ! Quand Dieu nous a perdus, il ne dit jamais : « un de perdu, dix de retrouvés ! »

Alors, écoutons-le nous dire ce que la veuve dit au juge : « rends-moi justice contre l’Adversaire. » C’est avec des sanglots dans la voix que Dieu nous interroge : « qui est-ce qui te rend heureux, c’est l’Adversaire ou c’est moi ? Et si c’est moi, pourquoi choisis-tu si souvent l’Adversaire en commettant le péché ? Je t’en supplie : rends-moi justice contre l’Adversaire » Par cette parole, Jésus nous invite à nous prononcer avec justice : qui nous fait vraiment du bien, qui s’occupe vraiment de nous, Dieu ou l’Adversaire ? 

Du coup, nous comprenons tout : le juge de la parabole, c’est nous, c’est vous, c’est moi. C’est à nous qu’il revient de bien juger de ce qu’il faut faire. Seulement voilà, nous sommes souvent injustes. Reconnaissons-le : trop souvent, c’est l’Adversaire que nous choisissons. Quand nous médisons en parlant des autres, quand nous jugeons sans miséricorde, quand nous nous barricadons dans l’indifférence et l’égoïsme refusant de partager ou d’accueillir, quand nous ne donnons pas assez de temps au Seigneur, dans tous ces moments et dans tant d’autres situations, nous jugeons en faveur de l’Adversaire, c’est lui que nous servons. Et ce n’est vraiment pas juste d’agir ainsi parce que, c’est à Dieu que nous devons tout. 

Quand on continue à lire la parabole de cette manière, la suite marche encore très bien. C’est vrai, ce n’est pas Dieu qui se lassera de nos prières et qui finira par répondre pour se débarrasser de nous. Non, c’est nous qui finirons par craquer ! 

Ce n’est pas Dieu qui cèdera devant l’insistance de nos prières pour retrouver sa tranquillité céleste, c’est bien nous qui finirons un jour par céder et par ouvrir enfin la porte de notre cœur parce que nous aurons compris combien nous avons été injustes à son égard. Et nous le remercierons d’avoir été si fidèle dans son insistance à reconquérir notre cœur.

Je continue le texte pour en arriver à sa conclusion : « Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce qu’il les fera attendre ? Je vous le déclare : sans tarder, il leur fera justice. » La lecture inversée de la parabole marche encore. Les élus dont il est question, ça pourrait désigner tous ceux qui peuplent le ciel, tous les grands saints, qui sont entourés de nos saints patrons, mais aussi les anges, et particulièrement nos anges gardiens, toute cette foule céleste des élus qui, comme le disait Thérèse de Lisieux passe son ciel à faire du bien sur la terre en intercédant pour nous, pour que nous revenions au Signeur. Eux aussi, ils sont très malheureux de nous voir faire tant de mauvais choix ; alors, ils prient pour nous. Et devant cette prière si insistante, Jésus nous dit qu’on peut être tranquille : un jour, la dureté de notre cœur craquera et nous ouvrirons, nous nous ouvrirons à l’Amour. Peut-être que pour certains, ça sera comme pour le bon larron, dans les derniers instants mais Dieu est confiant, sa miséricorde viendra à bout de notre entêtement !

Et si Dieu est si insistant, c’est parce qu’il y a un enjeu redoutable. En effet, pour répandre le feu de son amour sur la terre, Dieu ne peut pas faire autrement que passer par nous. Alors il frappe et refrappe sans cesse à la porte de notre cœur. Il attend notre réponse, il espère notre réponse car l’angoisse du Seigneur était bien formulée dans la dernière parole de cet Evangile : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? »

Peut-être qu’il vous reste encore une question qui vous empêche d’adhérer pleinement à ma lecture : que devient la prière d’intercession dans tout ça ? A quoi ça sert de prier fidèlement aux intentions qui nous sont confiées ? Personnellement, je les porte particulièrement dans la messe et si j’aime dire la prière Eucharistique n° 2, c’est justement parce qu’elle permet mieux que les autres de les présenter : sur nous tous enfin, nous implorons ta bonté. Je rajoute toujours et sur tous ceux qui se confient à notre prière. Oui, que devient la prière d’intercession avec cette lecture ? Quel sens a la si belle attitude de Moïse et d4Aaron dans la 1° lecture. 

J’espère ne pas vous choquer, mais je suis persuadé que la prière d’intercession n’est pas un moyen d’arracher quoique que ce soit à Dieu. Avec Dieu, on n’est pas dans réseaux sociaux, il n’a pas besoin de 1 million de « likes » pour ouvrir les vannes de son amour bienfaisant ! Dieu n’a pas besoin de notre prière pour être informé d’une situation qu’il ne connaitrait pas. Dieu n’attend pas notre prière pour agir, s’il en était ainsi, ça voudrait dire que Dieu a fait disparaitre de ses préoccupations tous ceux qui vont très mal mais qui, hélas, n’ont pas, n’ont plus d’amis croyants qui prient pour eux ! C’est grotesque de penser cela.

Mais alors à quoi ça sert de porter dans la prière les intentions qui nous sont confiées ? Je le redis ça ne sert pas à informer Dieu de ce qu’il ignorerait. Je crois que la prière d’intercession nous met dans une veille d’amour. La maman qui passe toute une nuit à veiller son enfant gravement malade, elle sait bien que sa présence ne va pas tout régler, elle sait bien que la guérison de son enfant ne dépend pas d’elle, mais elle est là dans une veille d’amour, sûre que sa présence est un puissant réconfort pour son enfant. Moïse et Aaron n’auraient pas pu être tranquillement couchés pendant que le peuple combattait, sur la montagne, ils étaient entrés dans une veille d’amour solidaire et fraternel. Ainsi en va-t-il pour nous, la prière d’intercession nous fait entrer dans une veille d’amour solidaire et fraternel qui nous tient à la fois aux côtés de Dieu qui n’oublie personne et qui nous tient aussi aux côtés de ceux qui nous ont confié cette intention parce qu’ils avaient besoin de ne pas se sentir seuls.

J’attends le moment où, paraissant devant le Seigneur, il corrigera ma copie, c’est là que je verrai si cette lecture inversée était vraiment inspirée par le St Esprit ! Ceci dit, si ce n’est pas juste, j’aimerais qu’il me le fasse savoir le plus vite possible !

Laisser un commentaire