4 juin : samedi 7° semaine de Pâques. Consentir pour oser voir et se réjouir de la vie en bleu !

Nous arrivons au bout de la lecture du livre des Actes des Apôtres, un livre qui semble comme inachevé puisque rien ne nous est dit sur la fin de la vie de Paul. Le texte des Actes nous dit qu’il a été emprisonné deux ans, aujourd’hui, on ne parlerait plus d’emprisonnement mais d’assignation à résidence puisque le texte nous dit qu’il pouvait accueillir tous ceux qui venaient à lui. Mais que s’est-il passé après ces deux ans d’assignation à résidence ? Les spécialistes émettent des hypothèses, ce qui est clair, c’est ce que la tradition a toujours rapporté concernant la mort de Paul, c’est-à-dire qu’il a donné sa vie dans le martyr, même si les circonstances sont un peu floues.

J’aimerais maintenant m’arrêter sur ces versets qui ont retenu mon attention : Paul demeura deux années entières dans le logement qu’il avait loué ; il accueillait tous ceux qui venaient chez lui ; il annonçait le règne de Dieu et il enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec une entière assurance et sans obstacle. Quelle belle pointure ce Paul, c’est ce que j’aimerais souligner même s’il convient aussi de préciser que ça ne devait pas être évident de vivre avec lui tous les jours ! Le livre des Actes nous parle d’ailleurs de cette décision de Marc ou Jean-Marc de jeter l’éponge tellement il a dû en avoir sa claque de travailler avec Paul ! Mais quelle belle pointure quand même, il faut réaliser ce qu’a dû représenter son assignation à résidence. Il était un missionnaire infatigable, des études ont été faites et on estime qu’il a parcouru plus de 16.000 kilomètres au cours de ces 3 voyages missionnaires, ce n’est quand même pas rien ! Et le voilà enfermé entre 4 murs, il aurait pu déprimer, passer ses journées à regretter le temps où il pouvait circuler librement et aller là où le poussait l’Esprit-Saint. Il aurait pu passer son temps à échafauder des projets à réaliser quand il retrouverait la liberté … s’il pouvait la retrouver ! Mais il aurait ainsi perdu tout son temps !

Reconnaissons que c’est souvent ainsi que nous fonctionnons ! Quand les choses ne se passent pas comme nous l’avions prévu, nous passons beaucoup de temps à râler, au moins intérieurement. Et comme rien ne va plus, nous nous complaisons à évoquer le bon vieux temps, le temps d’avant l’épreuve que nous sommes en train de traverser ou nous évadant dans un avenir hypothétique : quand nous aurons traversé l’épreuve. En entretenant la nostalgie du passé, en fuyant dans l’avenir, nous oublions ainsi de vivre dans le présent. Or Dieu est dans le présent, le passé est passé, l’avenir n’est pas encore là, c’est le présent qui intéresse Dieu, c’est dans le présent qu’il se donne à rencontrer et encore mieux, il veut nous aider à accueillir le présent comme un présent ! C’est ce que Paul a fait ! 

Il n’a pas passé les deux ans de sa détention à se lamenter en se rappelant le bon vieux temps et en essayant d’imaginer de nouvelles stratégies missionnaires pour le moment où il retrouverait la liberté, il a passé ses deux années à faire ce qu’il savait faire, ce qu’il aimait faire, c’est-à-dire évangéliser. Il ne pouvait pas sortir, qu’à cela ne tienne, ce sont les autres qui viendraient à lui. Il avait sans doute des compagnons à Rome qui lui envoyaient les personnes qu’eux-mêmes rencontraient et qui se posaient des questions qui vivaient des vies difficiles. Paul, puisqu’il ne pouvait plus bouger était disponible 24h/24 et c’est ainsi qu’il accueillait le présent comme un présent même s’il aurait bien souhaité que ce présent puisse être différent. Comme je l’ai dit en parlant du livre du philosophe Martin Steffens : il nous faut accepter que la vie ne soit pas rose tous les jours et j’ai lu sous sa plume cette phrase magnifique : En règle générale si on attend que les conditions soient réunies pour entreprendre quoi que ce soit, on ne fera jamais rien. C’est même l’inverse qui a lieu : parce que je décide de faire quelque chose, je réunis les conditions de sa possibilité. (la vie en bleu p. 33) Finalement tout cela peut se résumer par ce verbe que je considère de plus en plus important pour qualifier l’attitude spirituelle juste : CONSENTIR.

Pour donner quelques exemples concrets de ce que consentir veut dire, je n’ai que l’embarras du choix ! Mais comme il me faut consentir à rester dans les limites de temps qui conviennent à une homélie, je ne vous donnerai que deux exemples. Et comme nous sommes dans un Foyer de Charité, je commence par Marthe Robin. J’ose vous dire qu’il m’a fallu du temps pour aimer Marthe, ce que j’avais entendu sur elle ne m’attirait pas du tout, mais alors pas du tout, cette exaltation de la souffrance me repoussait plutôt. 

Et puis j’ai découvert que le grand ressort de la vie spirituelle de Marthe, le secret de sa fécondité, c’était justement qu’elle avait osé consentir à sa vie telle qu’elle était. Vous avez vu une vidéo qui retraçait sa vie, voilà ce que j’en retiens personnellement. Il ne faudrait pas croire que lorsque la maladie est venue contrarier tous ses projets Marthe s’est écriée : chouette, merci Jésus de m’avoir choisie pour souffrir le martyr, je vais pouvoir devenir co-rédemptrice avec toi ! Non, sûrement pas ! Marthe a connu des moments d’abattement parce qu’elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait alors qu’elle avait formé ce si beau projet de devenir carmélite. Et puis, en plus de l’invalidité grandissante, il y avait les souffrances à limite du supportable et elle n’avait que de l’aspirine pour les soulager. C’est pour payer ses cachets qu’elle brodait de ses mains devenues douloureuses et maladroites avant qu’elles ne soient carrément paralysées. Et puis, il y avait en plus la solitude qu’elle vivait : ses parents avaient leur travail et, comme on ne savait pas, au début, ce qu’elle avait, son entourage, ses amis avaient peur d’une maladie contagieuse quand d’autres le considéraient comme une hystérique. Pour Marthe, comme pour nous, la grâce a travaillé dans le temps. N’ayons donc pas peur de la lenteur de nos cheminements !

Ce qui va la faire basculer, c’est une lecture qu’elle fera chez sa sœur à un moment où elle aura pu retrouver un peu de mobilité. Elle trouve dans le grenier un livre dans lequel est écrit cette phrase : « Pourquoi cherches-tu le repos, puisque tu es faite pour la lutte ? Pourquoi cherches-tu le bonheur, puisque tu es née pour la souffrance ? »  Cette parole peut nous révolter mais voilà ce qu’écrit Sophie, la postulatrice, dans le livre dont je vous ai déjà parlé « Marthe Robin, chemins vers le silence intérieur » je la cite  : « Cette phrase nous semble dure. Pourtant, elle a été pour Marthe une lumière à cette époque précise de sa vie. Cette phrase, dure, l’a comme préparée à une orientation. C’est comme si le Seigneur lui disait : Ne cherche pas le repos… tu ne l’auras pas avec cette maladie ! Prépare-toi plutôt à lutter. « Pourquoi cherches-tu le repos, puisque tu es faite pour la lutte ? » Parfois nous nous cramponnons à une illusion… et nous nous rendons malheureux… pour rien ! Cette phrase a ouvert un chemin à Marthe, l’invitant à se préparer à lutter et à avancer, même si elle n’avait pas tous les éléments par avance, mais en faisant confiance à Celui qui marchait avec elle. » Avant d’être malade, Marthe voulait donner sa vie au Seigneur, et voilà qu’elle comprend qu’elle n’est pas disqualifiée à cause de sa maladie. Le Seigneur accepte toujours l’offrande de sa vie, même si cette offrande doit se vivre tout autrement que dans un carmel, comme Marthe l’avait rêvé. La vie en rose n’est pas possible mais d’ailleurs il faudrait interviewer les carmélites pour savoir si c’est la vie en rose, Marthe choisit la vie en bleu en croyant que à travers sa vie, telle qu’elle est, le Seigneur peut faire des merveilles. C’est cela consentir et c’est ce qui a donné une telle fécondité à sa vie.

Je n’ai plus beaucoup de temps pour parler du 2° exemple ! C’est un homme peu connu, le cardinal Van Thuan qui est mort maintenant. Il était évêque au Vietnam, au moment où il est nommé par le pape Paul VI, archevêque coadjuteur de Saïgon, il est arrêté par la police communiste et va subir un traitement terrible particulièrement en raison de la solitude, de l’isolement qui lui est imposé. Au début il se révolte et ça se comprend accusant Dieu de bien mal gérer ses affaires : pourquoi l’avoir fait nommer évêque de la capitale si c’est pour qu’il soit arrêté juste après sans avoir eu le temps d’exercer son ministère. Plus, il se révolte et plus il broie du noir ! Et c’est toujours ce qui se passe quand on rêve de la vie en rose, quand on refuse la vie en bleu avec les bleus que les épreuves nous infligent, on broie du noir ! A un moment donné, il va se rappeler d’une parole de sa maman qui avait lu Histoire d’une âme de Thérèse de Lisieux et qui avait résumé ce livre à ses enfants en disant : Thérèse a choisi de remplir chaque instant de sa vie du maximum d’amour. 

Sa vie n’a pas été une vie en rose à cause de la maladie, c’était une vie en bleu, mais Thérèse a cru que, même dans la vie en bleu rien, ni personne ne pouvait nous empêcher d’aimer. Et, comme elle était persuadée que le secret d’une vie réussie, c’était une vie vécue dans l’amour, elle a décidé de mettre un maximum d’amour dans chaque instant de sa vie, telle qu’elle était. A partir du moment où Mgr Van Thuan a appliqué dans sa vie en bleu le secret de Thérèse tout a changé. 

Oh pas les conditions extérieures, il est resté en prison à vivre des conditions épouvantables, mais lui, il a changé et il a réussi ce coup de force de convertir tous ses gardiens et même le chef de la police qui, à cause de l’alcool, se comportait comme une brute ! Quelle vie réussie même si, en apparence, on voyait bien plus de bleu que de rose dans sa vie !

C’est tout cela qu’il y a derrière le verbe consentir. Je termine en soulignant que ce verbe CONSENTIR, il appartient au registre amoureux. Lors de la célébration de leur mariage, les fiancés échangent leurs consentements. Consentir, c’est donc dire un oui d’amour à la vie, telle qu’elle est, non pas en se résignant mais en décidant de remplir chaque instant de notre vie, telle qu’elle est, du maximum d’amour. Puisque consentir, c’est le langage de l’amour, seul le Saint-Esprit peut donc nous donner la force de dire ce oui d’amour à la vie même et surtout quand elle est en bleu !

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    QUAND ON SENT’IRrégulière notre situation, sachons y mettre encore plus d’amour à l’accepter, en demandant en toute humilité l’Esprit Saint de nous accompagner.

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