17 novembre : jeudi 33° semaine ordinaire L’Evangile nous révèle tout ce que nous avons besoin de savoir et il nous suffit !

La fin de la 1° lecture de ce jour nous a fait entendre un cantique qui nous est familier puisque nous le retrouvons régulièrement dans la prière de l’office. Pour goûter ce cantique, il va nous falloir décrypter un certain nombre de symboles, d’images qui, à première lecture et sans clé de compréhension, restent bien obscurs. Hier, nous entendions que Jean a vu la porte du ciel qui était ouverte et je vous expliquais, que tout ce qu’il va écrire dans le livre de l’Apocalypse, c’est ce qui lui a été donné de voir, il a pu voir les événements du point de vue de Dieu. Enfin, je ne sais pas si le verbe voir est le plus juste, il serait sûrement plus juste de dire entrevoir. La vision a été d’une telle fulgurance, l’expérience a été d’une telle intensité que tout n’a pas forcément été immédiatement clair. Si vous voulez, c’est comme une immense vision à 360° qui s’est imprimée dans son esprit. Je ne sais pas si vous êtes déjà allé voir un film dans ces salles très particulières, sphériques qui vous donnent l’impression d’être véritablement au cœur de ce que vous voyez. Mais il y a tellement à voir dans cet écran sphérique que vous ne pouvez pas tout capter en même temps. C’est un peu comme ça que je me représente ce qu’a été la vision de Jean. Alors, le fait d’écrire ce qu’il a vu va l’obliger à prendre le temps de revisiter cette vision qui est tout autant une expérience, d’en reprendre tous les éléments pour en rendre compte.

Quand je dis cela, une question se pose immédiatement : s’il a reçu l’ordre d’écrire pour soutenir l’espérance des communautés persécutées, pourquoi Jean n’a-t-il pas écrit dans un langage plus clair ? Pourquoi n’a-t-il pas joint à son livre un lexique pour décoder ? Le père Yves Saoût dont j’ai déjà parlé donne 3 raisons. La 1° raison, c’est que les chrétiens de son époque avaient bien plus de clés que nous pour décoder puisque la littérature apocalyptique qui utilisait beaucoup de ces codes étaient largement répandue et puis, ces chrétiens connaissaient bien mieux que nous le Premier Testament auquel sont empruntés la plupart des images. 2° raison, ce livre a été écrit pour qu’il soit lu dans une assemblée liturgique. En effet, à cette époque, vu le prix d’un parchemin, chacun ne possédait pas un exemplaire des Ecritures chez lui, les textes étaient lus en assemblée liturgique. Eh bien, dit le père Yves Saoût, l’assemblée liturgique n’est pas le lieu où on lit les notes de bas de page ! Et puis 3° raison qui est sans doute la plus essentielle, ce livre qui parle de la victoire de Dieu et donc de la défaite des persécuteurs, entendez de l’Empire Romain, devait être écrit en langage codé inaccessible aux romains. Les chrétiens bien formés, eux, comprenaient. Et, aujourd’hui, le décodeur, c’est celui qui fait l’homélie qui est éclairé par le travail des exégètes.

Venons-en à la vision d’aujourd’hui ! Jean voit Dieu, assis sur son trône, qui tient un rouleau en forme de livre, écrit du début à la fin, ce livre est scellé par 7 sceaux. Pour l’ouvrir, pour lire, il faudrait quelqu’un qui soit habilité à casser les sceaux, mais le drame, c’est que personne ne l’est, le livre reste donc scellé et ça plonge Jean dans un chagrin terrible. Mais que contient-il de si important ce livre pour que Jean pleure comme un gamin devant l’impossibilité de l’ouvrir et de le lire ? Dans plusieurs autres passages de l’Apocalypse, il est question de ce livre qui sera appelé « le livre de vie. » Les commentateurs nous expliquent que ce livre contient le déroulement des événements du monde, c’est la volonté de Dieu qui se retrouve consignée dans ce livre si bien scellé. Alors, on comprend que c’est un drame de ne pas pouvoir accéder à la compréhension de ce que Dieu veut pour le monde, pour l’histoire, pour les hommes. A ce moment de l’histoire où les épreuves s’abattent sur les chrétiens, où on se demande ce que Dieu fait, ce qu’il veut, où on va, comme il serait important de pouvoir ouvrir ce livre ! Voilà pourquoi Jean pleure devant le livre scellé : il contient tout ce qu’on voudrait savoir, mais personne ne semble pouvoir l’ouvrir.

C’est alors que l’un des 24 anciens prend la parole pour annoncer une bonne nouvelle. Avant d’entendre cette bonne nouvelle, un mot sur ces 24 anciens. Hier, j’ai parlé des 4 Vivants, mais je n’ai pas eu le temps de parler des 24 anciens qui étaient déjà présents dans le texte. 24, c’est deux fois douze ! Ces 24 anciens représentent les responsables des 12 tribus d’Israël et les 12 apôtres responsables du nouvel Israël, c’est donc la totalité du Peuple de Dieu qui est représentée auprès de Dieu. Et c’est l’un des 24 anciens qui vient pour annoncer que ce livre ne va pas rester éternellement scellé puisqu’un mystérieux lion de la tribu de Judas a remporté une victoire décisive. 

Oui, mais là où ça se complique, c’est que juste après, le lion est devenu un agneau ! C’est sûr qu’on a vraiment besoin d’être guidé dans la lecture de l’Apocalypse, autrement on se perd très vite ! Le lion de la tribu de Judas, comme l’Agneau c’est une image pour désigner le Messie. Il est lion parce que sa passion a été un vrai combat, un combat vigoureux pour que l’Amour l’emporte. Mais il est aussi Agneau pour signifier que ce combat de l’extrême a été mené dans la non-violence absolue. Et cet Agneau nous est décrit comme étant debout et comme égorgé. Debout, c’est l’un des mots qui désigne la résurrection. Mais il est comme égorgé, c’est-à-dire que, dans sa victoire, il garde les stigmates de sa passion. Et cet Agneau, ses yeux sont au nombre de 7, c’est un chiffre parfait, il voit donc tout, tout ce que les chrétiens sont en train de souffrit. Il a aussi 7 cornes, les cornes sont le symbole de la puissance, une puissance désarmée dans le cas présent, mais 7 cornes indiquent que cette puissance est totale puisqu’il s’agit de la puissance de l’amour. C’est donc lui, l’Agneau immolé, Jésus qui va être digne et capable de briser les sceaux de ce livre, c’est-à-dire que c’est lui qui va être capable de nous dévoiler la volonté de Dieu sur le monde et sur l’histoire des hommes. C’est en écoutant Jésus que nous pouvons connaître ce que Dieu veut. Comme hier, c’est une invitation à nous en tenir aux Evangiles puisque Jésus nous dit : tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Nul besoin d’aller chercher ailleurs !

Jusqu’à Jésus, nous n’avions pas accès à la vraie connaissance de la volonté de Dieu. Oh bien sûr, le Premier Testament nous laissait déjà entrevoir l’un ou l’autre aspect de cette volonté de Dieu. Les prophètes ont recueilli quelques confidences de Dieu qu’ils nous ont transmises mais, souvent, quand les hommes parlaient de la volonté de Dieu, ils se trompaient. La plupart du temps, les hommes imaginaient que Dieu réagissait un peu comme eux. C’est pourquoi, plusieurs fois Dieu devra intervenir pour dire que ses pensées ne sont pas les pensées des hommes, qu’il est Dieu et non pas homme. Mais ça ne changeait pas grand-chose à ce que les hommes disaient de Dieu, à ce qu’ils percevaient de sa volonté. C’est ainsi que Dieu a été présenté comme un juge qui punit sévèrement, comme quelqu’un de violent et rancunier qui avait soif de se venger.

On peut dire qu’au bout d’un moment, Dieu en a eu assez de voir que personne n’arrivait à le comprendre, alors il a envoyé Jésus, son Fils éternel pour qu’il nous apprenne qui est Dieu et ce que Dieu veut. Et c’est ainsi que Jésus nous a révélé que Dieu est Père, un Père qui aime comme une Mère avec un cœur infiniment miséricordieux. Jésus nous a révélé qu’il a été envoyé de la part de ce Père pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Puisqu’il nous a tout fait connaître de ce qu’il a appris auprès de son Père, relisons les Evangiles !  Il a brisé les sceaux du livre de la connaissance de la volonté de Dieu, il nous a fait connaître sa volonté, il nous a révélé le sens de l’histoire. C’est en lisant les Evangiles que nous apprendrons ce que Dieu veut. C’est à l’Evangile, sommet indépassable de la Révélation que nous conduit la lecture de l’Apocalypse.

N’allons donc pas, comme le font certaines sectes, chercher dans ce livre ce qui va nous arriver demain ! Ce qui est écrit dans ce livre, c’est le rappel du dessein bienveillant de Dieu que Paul a si bien exprimé dans le 1° chapitre de la lettre aux Ephésiens que nous lisons souvent dans la célébration du vendredi soir, lors des retraites. C’est avec cela que doivent repartir les retraitants, et c’est bien plus essentiel que de connaître en détail ce qui va leur arriver ! La volonté de Dieu, c’est qu’il cherchera toujours un chemin pour nous rejoindre même quand nous persisterons à nous éloigner de lui, à nous cacher pour ne pas nous laisser trouver ! Ce qu’il nous faut connaître de l’avenir, c’est que Dieu finira par détruire ce qui nous détruit. Oui, ça il nous faut le connaître.

Ainsi donc, quand nous avons de la peine à comprendre ce qui nous arrive, pourquoi nous devons traverser telle ou telle épreuve, ce qui est essentiel, c’est que nous nous accrochions à ce que Jésus est venu nous révéler. Oui, nous ne connaissons pas le chemin précis par lequel il nous faut passer, nous ne comprenons pas toujours pourquoi tant d’épreuves sur ce chemin. Mais le but, lui, il est clair ! Voilà ce que les premiers chrétiens entendaient et comprenaient quand le livre de l’Apocalypse était proclamé dans leurs assemblées liturgiques. Voilà ce qu’il faut demander à l’Esprit-Saint de graver dans nos cœurs pour y revenir aussi souvent que nécessaire.

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