18 août : vendredi 18° semaine ordinaire. Une bonne leçon donnée aux mâles dominants !

Quelle belle première lecture nous avons eue ! Il est bon de relire régulièrement notre vie, surtout quand nous sommes un peu dans le brouillard ! C’est souvent ce que proposent les retraites ignatiennes. La relecture de notre vie va nous permettre de voir comme un fil rouge qui la parcourt. D’ailleurs relire et relier sont très proches, quand je relis ma vie, je vois comment les événements peuvent être reliés, c’est ça le fil rouge !

Eh bien, aujourd’hui, nous assistons à une grande relecture de l’histoire du peuple des hébreux. Mais cette relecture est un moment d’anthologie car c’est Dieu lui-même qui opère cette relecture pour donner à son peuple de voir ce qu’il ne voit pas. Cette relecture était absolument nécessaire car l’entrée en Terre promise n’a pas été aussi merveilleuse que le peuple l’imaginait. Les épreuves ne vont pas manquer, les lectures des prochains jours nous le montreront. Alors une fatigue peut monter dans le cœur du peuple, un ras-le-bol : pourquoi toutes ces épreuves ? Pourquoi ne serons-nous jamais tranquilles ? Et de pourquoi en pourquoi, inévitablement arrive un pourquoi plus fondamental que tous les autres : Dieu est-il avec nous, oui ou non ? C’est parce qu’il a perçu cette interrogation fondamentale que Dieu, par la bouche de Josué, va entreprendre cette grande relecture. Quand je dis grande relecture, ce n’est pas exagéré puisque Dieu remonte à ce qui s’est passé avant Abraham, c’est dire s’il remonte vraiment très loin !

Quelle est la conclusion de cette relecture ? Elle est vraiment étonnante parce que Dieu qui est si humble ne cesse de dire « je » dans cette relecture, de se mettre en avant, ou plutôt de mettre en avant tout ce qu’il a fait en faveur de son peuple. J’ai compté 21 actions dont le Seigneur était le sujet ! Il y avait 13 versets dans ce texte et dans ces 13 versets, 21 fois, le Seigneur dit : « je » avouez que c’est frappant ! Autrement dit, la leçon de cette relecture est claire : je ne vous ai jamais abandonnés, j’ai toujours été à vos côtés, j’ai toujours fait ce qu’il fallait, il n’y a donc aucune raison pour que ça change ! Et pour être sûr de bien se faire comprendre, le Seigneur rajoute, en faisant allusion, à l’entrée en Terre Promise, l’événement le plus récent : Je vous ai donné une terre qui ne vous a coûté aucune peine, des villes dans lesquelles vous vous êtes installés sans les avoir bâties, des vignes et des oliveraies dont vous profitez aujourd’hui sans les avoir plantées. 

Il est bien possible que si nous nous attelons à une relecture sérieuse de notre vie, nous puissions, nous aussi, comprendre que la présence bienveillante du Seigneur ne nous a jamais fait défaut. Evidemment, dans la relecture, nous ferons mémoire des épreuves que nous avons pu traverser, mais ces épreuves qui, faut-il le rappeler, ne viennent jamais de Dieu, ne sont pas le signe que Dieu nous a abandonné. Le fait que nous ayons pu les traverser, le fait que nous soyons encore debout, est bien le signe qu’Il était à nos côtés. Le Seigneur ne nous a jamais promis qu’il n’y aurait pas de tempête dans nos vies, par contre, il a promis que, dans la tempête, il serait toujours là. C’est le fameux texte des traces de pas sur le sable que vous connaissez sans doute. Si vous ne le connaissez pas, dès demain, vous irez le chercher sur internet, vous tapez « traces de pas sur le sable » dans votre moteur de recherche et c’est ce texte qui arrive en 1° ! 

Quant à l’Evangile, il fait partie des textes que je redoute le plus parce que j’ai toujours peur, en le commentant, de blesser des personnes qui sont dans la situation évoquée. En effet, elle est terrible cette parole de Jésus : si quelqu’un renvoie sa femme – sauf en cas d’union illégitime – et qu’il en épouse une autre, il est adultère. Ce que je peux déjà vous dire, c’est que j’ai vécu cette situation dans ma propre famille. Mon pape est mort, je n’avais que 9 ans, et dans les années qui ont suivi ma maman a rencontré un homme qui était divorcé avec qui elle a fini sa vie. Cet homme a été tellement bon pour elle et pour nous, les 6 enfants que j’ai, aujourd’hui, immédiatement un regard bienveillant pour ceux qui vivent dans cette situation. Je me rappelle avoir entendu le cardinal Schönborn dire qu’il avait, lui aussi, connu la même situation, ses parents étaient des personnes divorcées-remariées. C’est sans doute cela qui a été à l’origine de ses initiatives pastorales audacieuses parce que, lorsqu’on a vécu cela dans sa propre chair, on se garde bien de donner des leçons à quiconque ! D’ailleurs, dans cet Evangile, c’est trop clair pour moi, Jésus ne donne pas de leçons à ceux qui ont pu connaître l’échec dans leur couple.

Vous avez repéré que ces paroles de Jésus ne sont pas une leçon doctrinale de Jésus sur le mariage et son indissolubilité. Jésus répond aux pharisiens qui lui posent une question pour le mettre à l’épreuve. S’il y a une leçon, elle sera pour eux que j’ai envie de qualifier de mâles dominants ! 

« Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme pour n’importe quel motif ? » C’est la question de départ. La réponse de Jésus est très belle, il dit avec ses mots à lui ce que je dis, moi, avec mes mots à moi, que le divorce n’était pas inscrit dans les gênes du mariage. Je pense que tout le monde est d’accord avec ça, je n’ai jamais rencontré des personnes divorcées dire que, lorsqu’elles s’étaient mariées, c’était dans la perspective de divorcer dès que ça n’irait pas. Au moment du mariage, tout le monde rêve du grand amour et c’est une souffrance terrible quand les problèmes sont tels qu’il faut envisager le divorce. Les personnes qui l’ont vécu sont les premières à pouvoir en témoigner et c’est pour cela que, dans le cadre des rencontres de préparation au mariage, dans les paroisses où j’ai été curé, je faisais toujours témoigner des personnes qui avaient vécu ce drame.

Mais les pharisiens ne sont pas satisfaits de la réponse : s’il en est ainsi, pourquoi Moïse a-t-il donc prévu qu’une lettre de répudiation peut être utilisée pour renvoyer sa femme ? Alors, Jésus monte au créneau et c’est là qu’il va faire la leçon à ces mâles dominants. Car vous avez bien compris que, seuls les hommes pouvaient répudier leurs femmes. Jésus dit : C’est en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes. C’est comme si Jésus disait, vous invoquez Moïse mais cette permission, Moïse ne l’a pas donnée de gaité de cœur ! Et s’il l’a donnée, il faut bien comprendre que c’était pour défendre les femmes car elles étaient impuissantes face aux décisions arbitraires de leur mari. En effet, cet arbitraire pouvait prendre des proportions absolument choquantes pour nous. Ainsi pour Rabbi Hillel, un homme pouvait répudier son épouse pour tout ce qui déplaisait au mari, comme par exemple la stérilité, l’inaptitude aux tâches domestiques ou même le manque d’attirance. L’homme pouvait même répudier sa femme pour le seul motif d’avoir laisser brûler le repas ! C’est donc pour lutter contre ces décisions arbitraires que Moïse a voulu donner un cadre légal aux séparations. Le mari devait donc donner à sa femme une lettre de répudiation qui lui permettrait de se remarier. Il s’agissait de préserver le minimum des droits de l’épouse puisque ce document allait lui permettre d’échapper à la honte du soupçon d’inconduite, et de se remarier en toute légalité. C’est tout cela que Jésus sous-entend quand il dit : C’est en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes. Mais il rajoute immédiatement : dans le projet de Dieu, il n’en était pas ainsi !

Maintenant, attention aux conclusions trop rapides du genre : alors, ça signifie que Dieu est contre le divorce et que ceux qui le vivent ne sont plus en accord avec Dieu et que c’est donc bien normal qu’ils soient marginalisés dans l’Eglise ! Je le redis, ces paroles de Jésus ne sont pas un traité académique sur le mariage mais une réponse circonstanciée adressée à des mâles dominants à qui il vient de donner une bonne leçon. Ceci dit, évidemment, Dieu est pour l’amour durable, mais comme le sont tous les couples au moment de leur mariage, je l’ai déjà dit et je le redis. Mais alors, qu’est-ce qu’on fait quand ça ne marche pas ? Eh bien, je pense que la réponse de Jésus aux pharisiens n’est pas la réponse à cette question. Jésus a voulu montrer aux pharisiens que leur comportement de mâles dominants soumettant leurs épouses à leurs décisions arbitraires n’était pas acceptable. Pour le reste, je crois que Jésus a laissé à son Eglise le soin de régler ce problème. Il n’a pas laissé un code de droit canonique avant de partir auquel il suffirait de se référer pour régler n’importe quel problème. Les musulmans lisent le Coran comme ça, mais nous, nous ne lisons pas la Bible comme ça ! Jésus a fait confiance à son Eglise et son Eglise, elle prend de plus en plus conscience qu’elle doit refléter la miséricorde de son maître dans ses décisions. Nous pouvons prier pour que ceux qui la dirigent soient puissamment éclairés par le St Esprit pour qu’ils arrivent à conjuguer harmonieusement : amour et vérité. A Fatima, le pape François a été très inspiré par le lieu dans lequel il parlait aux pèlerins, c’était une chapelle sans porte et il a dit que c’était un merveilleux symbole pour l’Eglise qui devait être une maison sans porte pour que Tous, tous, tous. Sans exclusion. Il a martelé ces mots : Tous, tous, tous. Sans exclusion. C’est la réponse de l’Eglise.

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