19 février : même scénario qui se renouvelle … au cas où nous n’aurions pas compris !

Cette guérison de cet homme aveugle à Bethsaïde a bien des points communs avec la guérison de cet homme sourd et mal-parlant quelques versets auparavant. Evangile qui a été lu ou qui n’a pas été lu vendredi selon qu’on a pris ou pas les lectures de la fête de Cyril et Méthode.

D’abord, nous sommes dans la même région, la 1° guérison a eu lieu en décapole, c’est-à-dire en plein territoire païen, ici, c’est à Bethsaïde, c’est le long de la Décapole. Dans la 1° guérison, on demandait à Jésus de poser LA main sur lui pour le guérir et là, on supplie Jésus de le toucher, c’est presque la même chose. Les deux guérisons ont eu lieu à l’écart et, pour les deux guérisons, Jésus utilise sa salive pour opérer cette guérison, avec le sourd, en plus, il lui met ses doigts dans les oreilles. Et les deux guérisons se terminent par cette même consigne de rester discrets. Manifestement, Jésus a eu envie de renouveler le même scénario parce qu’il avait compris qu’une fois ne suffirait pas pour que la leçon soit parfaitement intégrée. Reprenons chacun de ses éléments.

C’est en territoire païen ou dans la proximité immédiate qu’ont lieu ces miracles. Jésus veut manifester clairement qu’il n’est pas venu sauver seulement quelques élus. La volonté de mon Père, dira-t-il, c’est que ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés. Sa fréquentation des païens lui vaudra quelques problèmes, mais il ira jusqu’au bout de sa mission qui est de n’en perdre aucun, tant pis s’il n’est pas compris. Cette détermination de Jésus ne peut qu’interroger ceux qui, tout en se disant chrétiens, soutiennent ce mouvement inquiétant et si répandu dans les pays riches d’un repli nationaliste frileux et égoïste.

Ceux qui viennent voir Jésus en lui amenant ces deux personnes handicapées lui demandent un miracle vite fait ! Je ne sais pas expliquer quelles sont leurs motivations, la 1° fois, ils demandent à Jésus de lui imposer la main, même pas les deux ! Et la 2° fois, ils lui proposent juste de le toucher. Mais Jésus n’a pas l’habitude de faire les choses à moitié. Il va s’engager de manière étonnante, ce sont sûrement les deux miracles dans lesquels il s’engage le plus … et c’est pour un étranger qu’il s’engage dans le 1° miracle et dans le 2° pour quelqu’un qui côtoie des étrangers constamment. Et son engagement va loin, ce geste de la salive est un geste très engageant, c’est comme un baiser. Il ne se contente pas d’un petit toucher, de l’imposition d’une main, il s’engage totalement. 

D’ailleurs, dans le texte d’aujourd’hui, c’est très beau car, comme il veut accomplir ce miracle à l’écart, c’est Jésus lui-même qui prend cet homme aveugle par la main pour le conduire à l’écart. Vous allez me dire que c’était la moindre des choses, comment cet homme aurait-il pu le suivre à l’écart si Jésus ne l’avait pas pris par la main ? Oui, mais, à l’écart, il n’y est pas allé seul avec cet homme, pour que le miracle nous ait été raconté, il fallait bien que les apôtres partent avec eux, à l’écart. Eh bien, Jésus ne demande pas à un apôtre de guider l’homme aveugle, il le fait lui-même. Le Fils du Dieu tout-puissant créateur de l’univers visible et invisible prend par la main un homme handicapé. Quelle leçon !

C’est un peu comme si Jésus voulait nous dire : à vous, maintenant, de faire de même ! Ne croyons pas que nous puissions prétendre aimer les hommes si nous ne nous faisons pas proches d’eux, si nous ne nous engageons pas totalement à leurs côtés. C’est vrai pour tous les hommes, ça l’est encore plus pour les petits, les personnes si blessées par la vie, le handicap, la maladie, le grand-âge. 

Et puis, il y a ce détail unique dans l’Evangile qui nous permet de voir Jésus s’y reprendre à deux fois pour obtenir cette guérison. Je ne sais pas bien pourquoi il a fallu que Jésus s’y reprenne à 2 fois, mais ce que je constate, c’est que Jésus ira jusqu’au bout ! Il ne dit pas à cet homme : contente-toi de ce que tu vois même si c’est particulier, après tout, c’est déjà mieux que ne pas voir ! Il ne le lâche pas tant que le travail n’est pas terminé et réussi. Là encore, c’est un enseignement pour nous à aller jusqu’au bout dans nos relations.

L’Incarnation du Fils de Dieu nous interroge et, dans ce texte nous voyons jusqu’où va l’Incarnation, jusqu’où Jésus a voulu aller pour se faire proche, pour ne pas nous sauver de haut sans se salir les mains ! Serions-nous plus chrétiens que Jésus pour penser que nous pouvons aimer de loin ?

Jésus demande de rester discret, pour ces deux miracles, mais de manière plus générale pour tous les miracles, Jésus ne veut pas s’en servir pour faire sa propagande. Il a trop peur qu’on le prenne pour ce qu’il n’est pas. Et dans l’évangile de Marc que nous lisons en ce moment, c’est presque à toutes pages qu’il y a cette consigne de ne rien dire à propos des prodiges accomplis par Jésus. C’est ce que les exégètes appellent la consigne du « secret messianique. » On le voit très bien dans l’épisode de la multiplication des pains, tout de suite, on veut le faire roi ! Jésus comprend qu’il doit se méfier, l’attente des gens n’est pas celle d’un sauveur mais d’un libérateur capable d’accomplir des prodiges qui rendront la vie plus facile. Jésus n’est pas venu pour cela, ce n’est pas sa mission. Il est venu apporter le Salut et pas d’abord la santé ou la prospérité. Dans notre engagement pour l’évangélisation, ne perdons jamais cela de vue.

Que l’Esprit-Saint nous éclaire et nous fortifie pour que nous devenions d’authentiques-disciples missionnaires désireux de suivre les traces de notre Maître en ne délaissant aucun homme pour quelque raison que ce soit, en nous engageant très concrètement pour ne jamais nous contenter d’aimer « de loin » ceux auprès de qui nous sommes envoyés, en acceptant de ne jamais nous servir d’une quelconque puissance pour essayer de mieux convaincre.

Cet article a 3 commentaires

  1. Wilhelm Richard

    Vos homélies nous font saliver de joie, nous parlent beaucoup et transforment nos grains de sable de nos oreilles en perles. Cf homélie du premier janvier.

    1. Père Roger Hébert

      Merci !

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