Tout au long de cette semaine, nous entendons, dans la 1° lecture les aventures du prophète Elie. Hier, nous avons assisté au grand défi que le prophète avait lancé aux prêtres de Baal et qu’il avait gagné, prouvant ainsi que le seul vrai Dieu, c’était Dieu, le Dieu des Pères, Celui qui avait libéré son peuple et l’avait fait entrer en Terre Promise. J’avais évoqué rapidement le contexte historique, je veux y revenir, d’abord parce que certains d’entre vous n’étaient pas là hier et surtout parce que si on veut comprendre quelque chose à cette histoire de pluie, il faut connaître ce contexte historique.
Elie exerçait donc son ministère de prophète sous le règne du Roi Achab, c’était un bien triste paroissien, ce roi Achab ! Le livre des Rois dira de lui qu’il fit ce qui est mal aux yeux de Dieu, ça c’est une formule qui revient très souvent pour qualifier les mauvais rois, mais, pour Achab, le texte rajoute : « il fit ce qui est mal aux yeux de Dieu bien plus que tous ceux qui avaient été avant lui ! » et comme si ça ne suffisait encore pas, on lit qu’il a fait plus que tous ses prédécesseurs pour irriter le Dieu d’Israël. Achab a régné de 874 à 853, avant Jésus, bien sûr, c’est-à-dire que nous sommes après le terrible schisme de 932 qui a vu la division du pays en deux : Royaume de Samarie au Nord, appelé aussi Ephraïm dans la Bible et Royaume de Juda au Sud avec Jérusalem comme capitale, appelé aussi Israël.
C’était sur le Royaume de Juda que régnait Achab qui était un roi très ambitieux, mais pas ambitieux pour son pays, pour son peuple, ambitieux pour lui. Il voulait donc agrandir le Royaume pour devenir plus grand que ses prédécesseurs. Pour y parvenir, il va chercher à faire alliance avec les puissants du moment qui pourraient l’épauler dans les conquêtes qu’il entreprendrait, du moins, c’est ce qu’il pensait. Et vous savez, pour un roi, le meilleur moyen de nouer des alliances, c’était de se marier avec la fille d’un roi étranger très puissant qui ainsi, par amour de sa fille, deviendrait bienveillant, protecteur. C’est ce que fera Achab en épousant Jézabel, la fille du roi de Tyr, c’est-à-dire de la Phénicie, le Liban actuel.
Seulement voilà, la reine Jézabel n’est pas venue seule, elle est venue avec 450 prêtres de sa religion qui rendait un culte aux baals. Achab aurait pu se contenter de tolérer la religion de sa femme, mais il fera beaucoup plus en la favorisant, en construisant des temples pour les baals. C’est ce qui va profondément irriter le Seigneur qui voit son peuple attiré par toutes ces divinités païennes, ces baals auxquelles ils vont rendre un culte dans les temples construits par le roi. Les baals étaient invoqués comme dieux de la fertilité, c’est vers eux que les païens se tournaient pour avoir des enfants et de beaux enfants, c’est aussi vers eux qu’ils se tournaient pour avoir de bonnes récoltes et donc des pluies bienfaisantes pour assurer ces bonnes récoltes. Comme si Dieu, en matière de fertilité, n’avait pas fait tout ce qu’il fallait jusqu’à maintenant, son peuple s’était mis à suivre les païens et à invoquer les Baals. D’où cette formule choc, entendue hier : Combien de temps allez-vous danser pour l’un et pour l’autre ? Si c’est le Seigneur qui est Dieu, suivez le Seigneur ; si c’est Baal, suivez Baal.
Elie, parce qu’il est prophète, va prendre fait et cause pour Dieu, et il va dire : on verra bien qui est le maître de la fertilité, on verra bien si c’est Dieu, notre Dieu qui a toujours tout fait pour nous ou si ce sont les Baals. Et, dans un grand acte de foi, il annonce au roi Achab qu’il n’y aura plus de pluie, tant que lui, le prophète du vrai Dieu n’en aura pas donné l’ordre. De fait, le pays va connaître une grande sécheresse. Hier, nous avions vu comment il avait défié les prêtres de Baal et aujourd’hui, il montre que c’est bien Dieu qui est le maître. La pluie revient enfin, mais elle ne revient que parce que Dieu l’a décidé. Et nous avons entendu comment la pluie était revenue, ça n’a pas été immédiat, on a l’impression que Dieu éprouve la foi de son prophète, mais il sera bien au rendez-vous !
On peut dire que c’est une victoire par KO, Elie a prouvé qui était le vrai Dieu, le maitre de la fertilité. Mais croyez-vous que, pour autant, le peuple se tournera vers Dieu en rejetant définitivement toutes les idoles et les faux-dieux ? Bien sûr que non ! A travers cette longue histoire de l’infidélité du peuple, ce sont nos propres infidélités que nous pouvons lire comme en filigrane. Car, nous aussi, nous avons eu de multiples occasions de vérifier que le maître, c’est le Seigneur, c’est Lui qui donne vie et fécondité, eh bien, malgré ces expériences, il nous arrive, nous aussi de retrouver toutes ces idoles qui nous font de l’œil pour mieux nous séduire. A chaque fois c’est pareil, nous sommes déçus et jurons de ne plus recommencer … jusqu’à la fois suivante ! Longue histoire de l’infidélité des hommes qui met encore mieux en lumière la longue histoire de la patiente et tenace miséricorde du Seigneur. Qu’il en soit béni !
Juste un mot sur l’Evangile tiré du sermon sur la Montagne, les chapitres 5 à 7 de l’Evangile de Matthieu qui vont nous occuper un certain temps. Hier nous avons entendu Jésus dire qu’il n’était pas venu abolir mais accomplir la loi et j’expliquais que, pour comprendre cette parole, il fallait avoir en tête la Parole de Paul dans l’épitre aux Romains qui dit : l’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour. Eh bien, cet extrait de l’Evangile en est la parfaite illustration. Jésus cite des passages de la Loi et il dit : ça c’est la Loi, mais si tu veux vivre dans l’amour, alors tu dois aller plus loin que la Loi. C’est vrai que ce que Jésus demande est vraiment au-dessus de nos forces, mais si nous comptons sur sa force à lui, nous pourrons le vivre. C’est cette grâce de pouvoir tout faire, tout vivre dans l’amour que nous demandons par l’intercession de Notre Dame de Laghet.