19 mars : 4° dimanche de carême. Tous aveuglés, alors, dis seulement une parole et je serai guéri !

Quand Jésus opère un miracle, bien sûr, il y a toujours une personne qui en est bénéficiaire, parfois même c’est un groupe de personnes comme dans le cas des 10 lépreux, mais au-delà de cette personne qui en est bénéficiaire, le miracle a toujours une portée bien plus large. C’est ainsi que lorsque Jésus guérit une personne sourde devant ses disciples, c’est pour leur montrer qu’en fait les pires sourds, ce sont eux qui n’écoutent pas vraiment et qui ne croient pas vraiment en sa Parole. Eh bien, il en va de même pour cet homme aveugle de naissance dont l’histoire nous était racontée dans l’Evangile d’aujourd’hui. Bien sûr, il va être bénéficiaire de ce miracle extraordinaire et quelle joie pour lui de voir enfin ! Je ne sais pas si vous avez déjà vu sur internet ce genre de vidéos extrêmement touchantes qui nous montrent de très jeunes enfants qui n’ont que quelques mois et qui viennent d’être équipées de lunettes. C’étaient des enfants malvoyants et ils vont donc voir pour la première fois de manière très distincte leur maman et leur papa. Leur réaction est vraiment extraordinaire ! C’est ce qu’a dû vivre cet homme guéri. 

Mais au-delà de cet homme, ce miracle a une portée plus large. Il a une portée catéchétique pour tous ceux qui sont là parce que, finalement, dans cette histoire, il n’y en a qu’un qui voit, c’est Jésus ! Le texte disait : en sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance. Tous les autres ont besoin d’être guéris d’une forme d’aveuglement.

1/ Les 1° qui ont besoin d’être guéris, ce sont les apôtres. J’ai demandé que nous lisions la version brève de ce très long Evangile pour ne pas trop allonger la messe, nous n’avons donc pas entendu comment les apôtres réagissent. Je résume en disant que, eux, ils ne voient pas un homme en souffrance à cause de son handicap, ils voient un problème : « qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Ils parlent de cet homme à Jésus, de son problème, mais ils ne parlent pas à cet homme aveugle, ils ne cherchent pas à faire quelque chose pour lui. Les apôtres voient un problème. Peut-être bien que c’est à cause de cette question idiote que Jésus a décidé de guérir cet homme sous les yeux de ses apôtres pour qu’ils réalisent la profondeur de leur aveuglement.  

2/ Le 2° groupe de personnes qui a aussi besoin de guérison, ce sont les voisins. Eux, ils voient une énigme ! Cet homme aveugle, ils le connaissaient bien, mais vous aurez remarqué que pas un ne se réjouit de ce qui lui est arrivé ! Il y en a qui essaient de s’en sortir en niant la réalité qui les dérange, du coup, ils affirment que c’est un sosie de l’aveugle ! En tout cas, ce qui est clair, c’est que pas un de ses voisins ne le prend dans ses bras en pleurant de joie pour lui dire : enfin toutes tes galères sont terminées. Rien de tout cela ! Quel aveuglement ! 

3/ Le 3° groupe qui a encore besoin de guérison, ce sont les pharisiens, eux, ils ne voient qu’une chose : la loi a été enfreinte ! Jésus a guéri un jour de sabbat. Pour eux, c’est tellement grave qu’ils sont prêts à nier la réalité, c’est ce que nous entendons dans la version longue. Cet homme n’a pas pu être guéri puisque seul le Messie pourrait guérir, or le Messie respecterait le sabbat, donc circulez, il n’y a rien à voir … et c’est bien le cas de le dire ! Quel aveuglement !

4/ Dans la version longue, il y a aussi les parents qui ont besoin de guérison. Parce que, eux, ils ne voient qu’une chose, c’est que la guérison de leur fils leur cause beaucoup de soucis, les pharisiens se déchainent contre eux. Sans compter que cette guérison pourrait bien les priver des quelques pièces que leur fils leur ramenait après avoir mendié une journée entière. Quel aveuglement !

Quel aveuglement chez tous les protagonistes de ce récit. Oui, il n’y a vraiment que Jésus qui voit dans cette scène. Il sortait du Temple, il a vu un homme, il a vu sa misère et il a décidé de faire quelque chose pour lui. Et ce qu’il décide de faire est très intéressant. Etant le Fils de Dieu, Jésus aurait pu guérir cet homme d’une simple parole, il a souvent guéri par une simple parole. C’est pour cela qu’à la messe, nous pouvons affirmer : Dis seulement une parole et je serai guéri. Une simple parole suffit souvent à Jésus pour guérir, mais là, il a voulu faire autrement et ce qu’il a fait peut nous sembler étonnant : Il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle et lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » Pourquoi un tel scénario ? Je passe sur l’histoire de la piscine, je n’ai pas le temps de tout commenter !

Manifestement, en faisant de la boue avec sa salive, Jésus rejoue le scénario des origines quand Dieu a créé l’homme avec de l’argile. Hier, dans un des enseignements, nous avons entendu Jean-Paul II nous renvoyer « aux origines » pour comprendre le sens de la conjugalité. Avec ce texte, nous sommes encore renvoyés aux origines. Si Jésus ne guérit pas avec une simple parole, s’il veut rejouer le scénario des origines, c’est pour nous indiquer clairement la qualité de regard qu’il veut donner par sa guérison. Parce que Jésus ne veut pas simplement rendre la vue à cet homme. En dévoilant l’aveuglement de tous ceux qui l’entourent, Jésus ne veut pas nous inviter simplement à être guéris de tant d’aveuglements. Non, il veut bien plus, il veut que cet homme et tous ceux qui l’entourent retrouvent le regard que les hommes avaient « aux origines. » Et c’est quoi ce regard des origines ? Oh c’est tout simplement un regard magnifique ! Le livre de la Genèse l’explique : l’homme et la femme étaient nus et cela ne posait aucun problème. C’est-à-dire que chacun pouvait dévoiler sa fragilité aux yeux de l’autre sans que l’autre ne le juge et surtout sans que l’autre n’essaie de se servir de cette fragilité dévoilée pour imposer sa domination. Quel regard magnifique ! Eh bien, c’est ce regard que Jésus offre à l’homme qu’il guérit et c’est ce regard que Jésus propose à tous ceux qui l’entourent de demander après avoir reconnu leurs aveuglements.

Vous le comprenez bien, c’est ce regard qu’il nous faut demander, nous aussi. Mais cela suppose que nous reconnaissions d’abord nos aveuglements. Je crois que ce week-end vous aura bien aidé à le faire par les multiples démarches qui vous ont été proposées. Tout à l’heure, avant de communier, prions avec encore plus de foi lorsque nous dirons : dis seulement une parole et je serai guéri, oui prions avec foi et demandons particulièrement d’être guéris de nos regards tordus. Tous ces regards qui jugent, qui enferment, qui déshabillent au sens propre comme au sens figuré, ces regards qui cherchent la faille pour mieux attaquer et mettre à terre. Demandons que nous soit donnée la clarté du regard des origines.

Le 4° dimanche de carême, traditionnellement, c’est le dimanche du Laetarae, dimanche de la joie en plein carême. Dans ma méditation, je me suis dit que ce qui nous donnerait cette joie, c’est vraiment ce regard de clarté retrouvé. Et j’ai repensé à ces vidéos qu’on peut voir sur internet qui montrent de très jeunes enfants malvoyants qui n’ont que quelques mois et qui viennent d’être équipées de lunettes. Au début ils grognent parce qu’ils n’aiment pas ces lunettes qui les dérangent. Et quand ils ouvrent enfin les yeux, pour la première fois de leur petite vie, ils vont voir de manière très distincte maman et papa dont ils ne connaissaient que la voix et une forme assez floue. Leur réaction est vraiment extraordinaire ! Quand vous voyez le sourire qui illumine leur visage, ça vous arrache quelques larmes de bonheur. Chers amis, c’est cette joie que le Seigneur nous promet à la sortie de ce week-end où, guéris de vos regards tordus, vous allez enfin voir votre conjoint, le voir dans la lumière de l’amour. Vous deviendrez, nous deviendrons vraiment les enfants de ce Dieu qui ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur.

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