Dans ce temps de Noël, puisque l’Eglise nous propose de méditer sur les lettres de St Jean, il n’est pas inutile de rappeler dans quel contexte elles ont été écrits. Dans les communautés chrétiennes, de cette 2° partie du 1° siècle, certains chrétiens commençaient à être attirés par ce courant de pensée issu de la philosophie grecque qu’on nommera, quelques années après, la gnose.
Les gnostiques aimaient particulièrement l’évangile de St Jean qui leur paraissait plus sérieux que les évangiles synoptiques bien trop « terre à terre », bien trop concrets. Dans l’évangile de Jean, les discours de Jésus, les prières de Jésus étaient beaucoup plus satisfaisants pour ceux qui se délectaient dans la pensée, qui tenaient mordicus que c’était la connaissance qui permettaient à des initiés d’accéder au Salut. C’est, en grande partie, pour lutter contre ce courant que Jean écrit ses lettres, comme en complément à son Evangile. Et dans le passage que nous avons lu aujourd’hui, nous entendons un appel qu’il nous est bon d’entendre aussi, même si nous ne sommes pas gnostiques, enfin même si nous ne le sommes pas totalement !
1/ Jean va rappeler l’originalité du christianisme : c’est de croire en un Dieu qui s’est fait homme, c’est le mystère de l’Incarnation. C’est d’ailleurs pour cela que nous lisons ces lettres dans le temps de Noël. Et il va le rappeler de manière extrêmement claire : « ne vous fiez pas à n’importe quelle inspiration, mais examinez les esprits pour voir s’ils sont de Dieu, car beaucoup de faux prophètes se sont répandus dans le monde. Voici comment vous reconnaîtrez l’Esprit de Dieu : tout esprit qui proclame que Jésus Christ est venu dans la chair, celui-là est de Dieu. Tout esprit qui refuse de proclamer Jésus, celui-là n’est pas de Dieu : c’est l’esprit de l’anti-Christ. » La foi ne nous fait pas nous évader, le critère de vérification de la foi est extrêmement simple, c’est l’amour, mais pas l’amour sentiment, non, l’amour concret. Et cela Jean va le répéter sur tous les tons dans ces lettres, il insiste tellement qu’on finit par se demander s’il ne radote pas ! Non, il ne radote pas, il remet les pieds sur terre à ceux qui ne veulent avoir que la tête dans le ciel ! Oui, la tête dans le ciel, mais les pieds sur terre, c’est le réalisme de l’Incarnation. Et la vérité de notre foi se vérifie à l’amour que nous avons les uns pour les autres. L’amour concret que nous nous manifestons entre nous et pour ceux qui nous sont confiés.
Il y avait donc les gnostiques ou du moins ceux qui commençaient à être gagnés par ces idées, mais il y avait aussi les autres, ceux qui avaient bien compris que l’originalité du christianisme, c’était l’Incarnation. Et eux, ils étaient tellement collés au monde dans un amour quasi-fusionnel qu’ils finissaient par ne plus s’en distinguer. Et Jean va souvent développer cette dialectique : dans le monde, mais pas du monde.
On en trouve un écho dans la fin du passage que nous avons entendu : « Eux, ils sont du monde ; voilà pourquoi ils parlent le langage du monde, et le monde les écoute. Nous, nous sommes de Dieu ; celui qui connaît Dieu nous écoute ; celui qui n’est pas de Dieu ne nous écoute pas. C’est ainsi que nous reconnaissons l’esprit de la vérité et l’esprit de l’erreur. »
On peut dire que cette dialectique « dans le monde mais pas du monde » est l’un des thèmes favoris du pape François. S’il y a un pape qui nous invite à vivre au cœur du monde, à ne pas nous évader, à vivre l’amour de manière extrêmement concrète, c’est bien lui. Le réalisme et les exigences de l’Incarnation, il connait et il en parle … et il en parle à la manière de St Jean, en le rappelant tellement souvent que certains finissent par se demander si, comme St Jean, il ne radote pas !
Mais vous savez que dans le même temps, il met en garde de manière extrêmement sérieuse contre ce qu’il appelle « l’esprit mondain » ou « la mondanité. » La mondanité, pour le pape François, ce n’est pas de boire le thé en levant le petit doigt ou roucouler dans les salons dorés … c’est vrai que, pour le coup, tout ça ce n’est pas sa tasse de thé ! Quand il parle de la mondanité, il parle d’autre chose de plus sérieux et de plus grave : c’est de se laisser gagner par l’esprit du monde. C’est d’être tellement dans le monde qu’on finit par être du monde, de penser comme tout le monde, de ne plus faire signe. Je vous cite deux de ses paroles, mais il y en aurait tellement d’autres.
« La mondanité anesthésie les âmes, fait perdre la conscience de la réalité. Avec un cœur mondain, on peut se rendre à l’église, on peut prier, mais on ne peut pas comprendre la nécessité et le besoin des autres. »
« Un chrétien ne peut pas avoir le Ciel et la terre. Quand on veut suivre à la fois Jésus et le monde, la pauvreté et la richesse, il s’agit d’un christianisme à moitié. Trois choses nous éloignent de Jésus : la richesse, la vanité, l’orgueil. Les richesses sont dangereuses parce qu’elles conduisent à la vanité et au fait de se croire important. Alors cela te monte à la tête et tu t’égares. Il est triste de voir un chrétien, qu’il soit laïc consacré, prêtre, évêque, suivre Jésus et la mondanité. C’est un contre-témoignage et ça éloigne les personnes de Jésus. »
Seul l’Esprit-Saint nous permettra de vivre dans cet équilibre : dans le monde sans être du monde. Seul l’Esprit-Saint nous permettra d’échapper au risque de la gnose sans tomber dans le piège de la mondanité.
Juste un mot sur l’évangile. Je suis frappé par l’introduction : « Ayant appris l’arrestation de Jean-Baptiste, Jésus quitta Nazareth. » Ça faisait 30 ans qu’il était à Nazareth vivant ce que j’aime appeler sa période « Tanguy » en référence à ce film qui s’appelle « Tanguy » et qui raconte l’histoire de ce jeune adulte qui ne veut pas quitter le domicile parental ! 30 ans, son départ n’était plus à 6 mois près ! Il apprend l’arrestation de Jean-Baptiste, du moins, c’est ainsi que ça passe dans l’évangile de Matthieu, eh bien, c’est le signal pour lui de commencer, enfin, sa mission. N’importe qui aurait dit : ça chauffe, on va attendre un peu que ça se calme et j’irai ! Eh bien, pour Jésus, c’est l’inverse : puisque ça chauffe, c’est le moment !
Demandons que l’Esprit-Saint nous donne ce courage apostolique, que jamais nous ne restions planqués quand ça chauffe, mais qu’en bon disciples de Jésus nous osions rejoindre les hommes là où ça chauffe et quand ça chauffe en nous rappelant que nous sommes envoyés dans le monde mais pas pour nous confondre avec le monde !
« La mondanité anesthésie les âmes, fait perdre la conscience de la réalité. Avec un cœur mondain, on peut se rendre à l’église, on peut prier, mais on ne peut pas comprendre la nécessité et le besoin des autres. « Un chrétien ne peut pas avoir le Ciel et la terre. Quand on veut suivre à la fois Jésus et le monde, la pauvreté et la richesse, il s’agit d’un christianisme à moitié. Trois choses nous éloignent de Jésus : la richesse, la vanité, l’orgueil. Les richesses sont dangereuses parce qu’elles conduisent à la vanité et au fait de se croire important. Alors cela te monte à la tête et tu t’égares. Il est triste de voir un chrétien, qu’il soit laïc consacré, prêtre, évêque, suivre Jésus et la mondanité. C’est un contre-témoignage et ça éloigne les personnes de Jésus. »