20 juillet : mercredi 16° semaine ordinaire. Le saint patron des rouspéteurs ? La seule vrais tristesse qui se guérit si facilement !

Les premières lectures de ces dernières semaines nous donnent à méditer les écrits de quelques prophètes, Amos, Osée, Isaïe, Michée et aujourd’hui, pour une quinzaine de jours, nous commençons la lecture de quelques passages du livre de Jérémie. Puisqu’il va nous accompagner aussi longtemps, il n’est sans doute pas inutile de connaître quelques éléments clés de la vie de Jérémie qui nous permettront de mieux accueillir le message qu’il veut nous transmettre de la part du Seigneur. 

Si vous avez un peu de culture biblique et qu’on vous demande de donner un verbe que vous associez, de manière assez spontanée à Jérémie, il y a bien des chances que vous disiez : « rouspéter. » C’est d’ailleurs passé dans le langage courant, les jérémiades ce sont les « rouspétances » ! Et c’est vrai que Jérémie rouspétait souvent. Alors, si vous êtes une rouspéteuse ou un rouspéteur invétéré, vous savez désormais quel saint patron invoquer ! Mais attention, Jérémie ne sera jamais le saint patron de ceux qui rouspètent sans arrêt et sans véritables bonnes raisons parce que Jérémie, lui, il avait de bonnes raisons de rouspéter.

D’abord le Seigneur est venu le chercher alors qu’il n’avait rien demandé, bon, ça c’est assez courant, mais le problème, c’est que rien, mais alors vraiment rien ne le prédisposait à remplir cette mission. Lui, il n’était pas comme Isaïe, un homme bien né, habitué à fréquenter les grands de ce monde. C’est ce qu’il fait remarquer au Seigneur dans le texte d’aujourd’hui qui nous donne le récit de sa vocation. D’abord, il est assez jeune, en tout cas trop jeune à son goût pour remplir la mission de prophète, alors pour que ce soit clair et que Dieu comprenne bien, il dit qu’il n’est qu’un enfant ! En plus, il semble au minimum très timide, mais peut-être aussi affublé d’une difficulté à parler : « Je ne sais pas parler, je suis un enfant ! » Mais il en faut bien plus pour décourager le Seigneur qui confirme son choix : « Ne dis pas : “Je suis un enfant !” Tu iras vers tous ceux à qui je t’enverrai ; tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras. » Et la suite nous laisse tout de suite entrevoir que la mission qu’il va recevoir ne sera pas de tout repos : « Ne les crains pas, car je suis avec toi pour te délivrer » Alors pourquoi ça ne va pas être simple ?

Eh bien le ministère de Jérémie ne sera pas simple parce qu’il va prophétiser à un moment bien troublé de l’histoire du Peuple choisi par Dieu. Il semble que son ministère ait duré une quarantaine d’années, ce qui laisse supposer que, s’il a beaucoup rouspété, il est resté fidèle dans l’adversité. Il aurait commencé à prophétiser vers 627 et finira vers 587, cette date terrible qui marque la prise de Jérusalem et la déportation à Babylone. Pourtant tout avait assez bien commencé pour lui. En effet, le roi de l’époque était le roi Josias, un roi tellement bon qu’on s’est demandé s’il ne serait pas le Messie promis. Josias avait ordonné des travaux dans le Temple et, à l’occasion de ces travaux, un rouleau de la Loi avait été retrouvé. Il semblait bien que la Loi, dans ces derniers temps, on s’arrangeait avec elle, le peuple et ses dirigeants prenaient ce qui les arrangeait et laissaient ce qui les dérangeait ! La découverte de ce rouleau de la Loi, qui est lu publiquement, donne au roi Josias le désir d’impulser une grande réforme pour redonner à tous la possibilité de retrouver une vie plus conforme à la Loi. Tout cela convient parfaitement à Jérémie qui va accompagner avec enthousiasme, par son ministère, cette réforme.

Seulement voilà, hier, comme aujourd’hui, les réformes ne font jamais plaisir à tout le monde, notamment à ceux qui perdent leurs avantages acquis. C’est le cas des gens d’Anathoth, le village de Jérémie. Il y avait là-bas un petit sanctuaire qui marchait pas mal, qui attirait du monde et ça faisait bien les affaires du gens du village. Or voilà, que dans sa réforme, le roi Josias décrète la fin de tous ces sanctuaires qui pullulaient au profit du Temple de Jérusalem. La religion s’était dévoyée, dans beaucoup de ces petits sanctuaires, on avait des cultes qui ressemblaient aux cultes païens, le roi décide donc d’utiliser les grands moyens : il supprime les sanctuaires et Jérémie soutient totalement cette décision. On imagine assez facilement que les gens de son village vont lui en vouloir assez longtemps et seront mêlés aux complots visant à le supprimer. Jérémie aura donc de bonnes raisons de rouspéter : c’est la fidélité à la mission qui lui vaut ces déboires, du coup, à la manière du petit Gibus, il se plaindra souvent en disant : « si j’aurais su, j’serais pas venu ! »

Mais bon, s’appuyant sur la fidélité du Seigneur, Jérémie tiendra. Le Seigneur avait dit par la bouche d’Isaïe : « Si vous ne tenez pas à moi, vous ne tiendrez pas ! » Jérémie en fera comme sa devise. Seulement voilà, un événement dramatique remet tout en cause, le roi Josias va mourir bêtement au combat. C’est une secousse terrible pour le pays et pour tous ceux qui l’avaient soutenu. On se doute que certains attendaient ce moment pour prendre leur revanche et retrouver leurs privilèges perdus. C’est ce contexte qui va singulièrement compliquer le ministère de Jérémie et lui donner tant d’occasions de rouspéter. Vous l’aurez compris, en fait, Jérémie n’est pas le saint patron des rouspéteurs, mais le saint patron de ceux qui veulent rester fidèles à leur mission, quelle que soit cette mission, qu’il s’agisse de celle d’époux, de parents, de membres de la communauté, d’étudiants, de prêtre et même d’évêque et qui veulent rester fidèles même et surtout dans l’adversité. Si vous en êtes, vous apprendrez auprès de Jérémie la liberté de vous tenir devant Dieu sans jamais rien lui cacher de vos états d’âme, de vos déceptions, de vos colères. Vous apprendrez auprès de Jérémie la liberté d’interpeler Dieu et de le laisser vous interpeler, vous bousculer mais aussi vous restaurer. Vous apprendrez surtout auprès de Jérémie à vous appuyer sur Dieu qui ne lâche jamais ceux qu’il a appelés, aucune de nos épreuves, aucune de nos infidélités n’éloignera le Seigneur. C’est ce que je nous souhaite de découvrir tout au long des 1° lectures de ces jours.

Quelques mots sur cet Evangile qui nous a fait entendre cette parabole du semeur que nous connaissons si bien. En écoutant cette parabole ou son explication que nous n’entendrons pas vendredi puisque ce sera la fête de Marie-Madeleine, notre attention est souvent attirée par la description des zones d’échec et leur explication : le bord du chemin, le sol pierreux, les ronces. Oui, c’est vrai, il y ces zones d’échec et chacun d’entre nous pourrait confirmer, par son expérience, l’explication que donne Jésus. Mais si nous voulons recueillir la bonne nouvelle de ce texte, il ne faut pas nous arrêter à ces zones d’échec, il faut écouter jusqu’au bout et entendre la promesse inouïe de Jésus : quand la semence trouve de la bonne terre, il y aura une fécondité difficile à imaginer : 30, 60 voire 100 pour un. Pour l’époque c’étaient des taux de rendement jamais atteints qui faisaient rêver n’importe quel paysan. Ce que Jésus veut donc nous dire, c’est que sa Parole porte en elle-même une puissance et une fécondité incomparables.

Oui, la grande leçon de cette parabole, la pointe, comme disent les spécialistes de l’Ecriture, c’est que, lorsque la Parole du Seigneur tombe dans une bonne terre, les résultats deviennent étonnants. Et c’est sans doute cela la sainteté sur laquelle vous méditez cette semaine. Vouloir devenir saints, c’est vouloir devenir une bonne terre pour que la puissance incomparable de la Parole du Seigneur que nous ne cessons d’accueillir puisse donner de beaux fruits. Mais voilà, devenir une bonne terre ne se fera jamais sans un jardinage constant ! Ceux, parmi vous, qui pratiquent le jardinage, le savent : quand on laisse un jardin 15 jours sans soin, c’est vite la cata ! Les mauvaises herbes envahissent tout et empêchent les légumes de se développer et les ronces semblent pousser bien plus vite que tout ce qu’on a semé, sans compter les pierres qui sortent d’on ne sait où et qui finissent par transformer ce beau jardin en spectacle de désolation ! Vouloir devenir saints, c’est vouloir devenir une bonne terre et, devenir une bonne terre, ça ne se fera jamais sans un jardinage constant ! Finalement, c’est cela vivre une retraite, c’est un temps de jardinage intense où nous collaborons plus assidument au travail du grand jardinier céleste pour lui donner la joie de voir pousser, grandir, fleurir tout ce qu’il a semé dans nos cœurs. Lui, il connait parfaitement la puissance et la fécondité de ce qu’il a semé et de ce qu’il ne cesse de semer dans nos cœurs.

Oui, que le St Esprit mette en nous cet immense désir de voir nos cœurs devenir cette bonne terre. Qu’il nous donne l’énergie nécessaire pour jardiner, désherber, dépierrer. C’est ainsi que tout ce qui a été semé pourra donner de beaux fruits qui rendront gloire au Seigneur, donneront envie à ceux qui nous entourent de devenir à leur tour une bonne terre en se transformant eux aussi en jardiniers. Et c’est ainsi que nous serons établis dans la vraie joie, celle qui demeure puisque, depuis Léon Bloy, nous le savez, il n’y a finalement qu’une seule chose qui rend tristes, c’est de ne pas être de vrais saints !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline GRYSELEYN

    C’est « si j’avais su j’AURAIS pas v’nu », mais on vous pardonne ! 😉

    On ne devient pas une « bonne terre » sans être ne serait-ce qu’un peu « retourné »… Merci Seigneur !

    Belle journée, en udp… (depuis Avignon)

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