Hier, en cette fête du Sacré Cœur de Jésus, nous avons prié en demandant à Jésus, doux et humble de cœur, de rendre nos cœurs semblables au sien. Aujourd’hui, nous pouvons transposer cette demande en l’adressant à Marie, la vierge au cœur immaculé : oui, Marie, intercède pour nous afin que nos cœurs soient rendus semblables au tien. Mais un cœur rendu semblable au sien, à son cœur immaculé, est-ce possible ? En tout cas, ce n’est pas plus compliqué que de demander à Jésus de rendre nos cœurs semblables au sien ! Bien sûr, notre cœur ne sera jamais immaculé puisque nous, à la différence de Marie, nous n’avons pas été préservés des séquelles du premier péché et nous nous en rendons bien compte en constatant nos complicités quotidiennes avec le péché. Le mot évangélique, le plus juste, pour traduire la grâce que nous pourrions recevoir en priant le cœur immaculé de Marie, c’est le mot de « pur. » En priant le cœur immaculé de Marie, nous demandons la grâce d’un cœur pur.
Le problème, c’est qu’au cours du temps, le mot « pur », l’expression « cœur pur » a été comme détourné de son sens évangélique. Aujourd’hui, quand on parle de pureté, tout le monde ou presque comprend qu’il s’agit de sexualité et la pureté devient quasiment un synonyme de continence. C’est bien dommage qu’il y ait eu ce glissement de sens qui rend si compliqué cette utilisation de la notion de pureté. Je ne dis pas que la pureté n’a rien à voir avec la sexualité, mais elle englobe une réalité tellement plus grande qu’il est bon de la redécouvrir et cette fête du cœur immaculé de Marie nous en donne une belle occasion avec des lectures qui sont un merveilleux cadeau de la Providence. En effet, ce ne sont pas les lectures du sanctoral, mais celles du jour que nous avons entendues.
Comment définir le plus justement possible un cœur pur ? Eh bien, je crois que ceux qui ont fait des études de chimie peuvent le comprendre plus facilement. Mes cours de chimie commencent à être loin, mais il me semble me rappeler qu’en chimie, un élément est considéré comme pur quand il n’est pas mélangé, la molécule est pure quand elle ne comporte pas des éléments étrangers. Ainsi donc un cœur pur, c’est un cœur qui ne sera pas partagé, vous voyez que ça déborde, et de très loin, la question de la sexualité. Ce que nous demandons, par l’intercession de la Vierge au cœur immaculé, c’est donc d’avoir un cœur pur, un cœur qui ne soit pas mélangé. Et c’est là que les textes de ce jour nous aident à comprendre ce qu’est un cœur partagé, les conséquences qu’il y aura dans notre vie si nous acceptons de vivre avec un cœur partagé, mélangé.
Le texte entendu dans la 1° lecture ne fait pas partie des textes que l’on reprend pour les méditer et nous en nourrir devant le Saint Sacrement ! Nous n’aimons pas ces textes remplis de violence et certains se demandent souvent : mais pourquoi a-t-on mis dans la Bible des textes avec tant de violence ? Oui, la question mérite vraiment d’être entendue parce qu’elle déstabilise beaucoup de personnes qui reviennent à la foi ou qui la découvrent : pourquoi y a-t-il tant de violence dans la Bible ? Tout simplement parce qu’il y a de la violence dans la vie, dans l’histoire des hommes. Et Dieu n’est pas venu appeler des anges mais des hommes dont la vie est souvent tourmentée. Pour réaliser son grand projet de Salut, en envoyant son Fils parmi les hommes, Dieu n’a pas attendu que l’histoire soit sans problème qu’il n’y ait plus de violence. Jésus est né dans un pays sous occupation étrangère, les plus anciens se rappellent ce que ça signifie car nous l’avons aussi connu. Et en plus, le pays était dirigé par Hérode, un affreux dictateur mais qui n’était en fait qu’une marionnette vendue au pouvoir de l’occupant.
Il y a de la violence dans la Bible parce qu’il y a de la violence dans la vie et dans l’histoire des hommes, mais Dieu ne veut pas en prendre son parti, c’est pourquoi, il n’a cessé de venir visiter les hommes au cœur de leurs histoires si compliquées. Maintenant, la question qu’il faut se poser, c’est pourquoi y a-t-il de la violence parce que si on peut apporter une réponse claire, on pourra en même temps connaître la solution pour en sortir ! Eh bien la 1° lecture apportait une réponse claire qui correspond justement si bien à cette réflexion que je veux mener avec vous sur le cœur pur. Je relis quelques versets : « Les gens abandonnèrent la maison du Seigneur, Dieu de leurs pères, pour servir les poteaux sacrés et les idoles. À cause de cette infidélité, la colère de Dieu s’abattit sur Juda et sur Jérusalem. Pour les ramener à lui, Dieu envoya chez eux des prophètes. Ceux-ci transmirent le message, mais personne ne les écouta. »
Or, le plus grand des commandements, c’est l’unicité de Dieu qui interdit l’idolâtrie. Pour la Bible, l’idolâtrie est bien à la racine de tous les problèmes. Or qu’est-ce que l’idolâtrie, c’est précisément le fait d’avoir un cœur partagé, mélangé, il y a bien une place pour le Seigneur, mais il y a aussi une place pour tant d’autres idoles. Abandonner le Seigneur, ouvrir la porte de son cœur aux idoles, c’est la source de tous les problèmes ainsi que le disait encore la lecture : « Pourquoi transgressez-vous les commandements du Seigneur ? Cela fera votre malheur. » Il n’y a rien de pire qu’un cœur partagé parce que les idoles qui y sont accueillies combattent les unes contre les autres et c’en est fini, non seulement de la paix intérieure, mais aussi d’un comportement ajusté et harmonieux.
Vous comprenez bien que cette dénonciation de l’idolâtrie est tout à fait actuelle et elle ne vise pas seulement à pointer du doigt les comportements déviants de ceux qui sont loin de la foi. La dénonciation de l’idolâtrie est une interrogation qui s’adresse à chacun de nous : mon cœur n’est-il pas trop souvent partagé ? N’y a-t-il pas trop de mélange en moi ? J’aime le Seigneur, oui, ça c’est sûr, mais dans mon cœur, il y a quand même un petit supermarché des idoles, j’ai permis à un certain nombre de ces idoles d’installer dans mon cœur leur petit bazar ! Du coup, pour moi aussi, la paix intérieure, c’est fini, le comportement ajusté et harmonieux vis-à-vis de ma foi est en dent de scie.
Et l’Evangile était, sur ce sujet, d’une limpidité étonnante : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. » Il faut être très attentif aux mots que Jésus utilise : nul ne peut … vous ne pouvez pas. Jésus ne dit pas : ce n’est pas bien, quand on est chrétien d’avoir des idoles, ça fait désordre, non, ce n’est pas ce qu’il dit ! Il dit : vous ne pouvez pas, ce n’est pas possible. A travers cette radicalité, c’est donc bien à la pureté du cœur que Jésus nous invite.
Voilà donc la grâce qu’il nous faut demander par l’intercession de la Vierge au cœur immaculée, la grâce d’un cœur pur, d’un cœur sans mélange ni partage, un cœur vraiment donné. Bien sûr, l’accueil de cette grâce passera par des renoncements souvent crucifiants, mais nous connaissons le bonheur promis par Jésus lui-même aux cœurs purs : Heureux les cœurs purs, ils VERRONT Dieu. Ils verront Dieu pas seulement quand ils ne seront plus sur cette terre, ils le verront dès maintenant dans toutes les personnes, dans tous les événements. L’acquisition de cette béatitude justifie largement les renoncements qu’elle exige. Sainte Vierge au cœur immaculé, obtiens-nous, par ton intercession un cœur semblable au tien, un cœur pur.