20 novembre : samedi 33° semaine. Comprendre pour croire ou croire pour comprendre ?

Ce n’est pas tous les jours que la 1° lecture et l’évangile se répondent parfaitement parce que vous savez que la 1° lecture est un extrait d’une lecture suivie sur une ou plusieurs semaines d’un livre du Premier ou du Nouveau Testament et de même pour l’évangile. Il y a des jours où il est donc bien difficile de faire un lien entre les deux textes et il y a d’autres jours où ça tombe très bien, mais ce n’est pas voulu ! Aujourd’hui ça tombe très bien, profitons-en ! Chacun de ces textes, à sa manière, nous parle de la foi en la résurrection ou plutôt des conséquences fâcheuses qui vont habiter la vie de ceux qui refusent d’y croire.

La 1° lecture va être une parfaite illustration de ce que peut devenir la vie de quelqu’un qui, à l’image des sadducéens de l’Evangile, ne croit pas en la résurrection. C’est le cas de ce triste personnage qu’est le roi Antiocos Epiphane dont les lectures de cette semaine nous ont raconté dans le détail tous les méfaits, toutes les décisions arbitraires suivies d’arrestations et de meurtre pour tous ceux qui osaient résister à ce vaste mouvement d’apostasie qu’il avait initié.

Antiocos Epiphane pressent la victoire de la résistance juive menée par Judas Maccabée qui avait succédé à son père Mattathias, il commence donc à prendre la fuite. Comme tous les dictateurs en fuite, il ne sait pas bien où aller pour être tranquille, mais ce qu’il sait, c’est qu’on est toujours mieux accueilli quand on arrive avec les poches pleines d’argent ! C’est à ce moment-là qu’il entend parler d’un trésor caché dans une ville, Elymaïs, il décide donc d’y aller pour piller tout ce qu’il peut et s’assurer ainsi une fin de vie confortable. 

Oui, mais ce n’est pas aussi simple que le plan qu’il avait imaginé le laissait prévoir ! En effet la ville est très bien gardée et il ne peut pas faire main basse sur le magot. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, c’est justement le moment où il apprend que sa défaite en Judée est encore bien plus terrible qu’il ne l’avait imaginé ! Tout s’écroule pour lui, son passé n’est pas glorieux et son avenir est loin d’être assuré, Il entre donc comme dans une dépression profonde qui le conduit aux portes de la mort. La fin de la lecture nous faisait entendre le bilan qu’il tirait de sa vie et nous faisait partager sa profonde détresse : « Le sommeil s’est éloigné de mes yeux ; l’inquiétude accable mon cœur, et je me dis : À quelle profonde détresse en suis-je arrivé ? Dans quel abîme suis-je plongé maintenant ? J’étais bon et aimé au temps de ma puissance. Mais maintenant je me rappelle le mal que j’ai fait à Jérusalem : tous les objets d’argent et d’or qui s’y trouvaient, je les ai pris, j’ai fait exterminer les habitants de la Judée sans aucun motif. Je reconnais que tous mes malheurs viennent de là, et voici que je meurs dans un profond chagrin sur une terre étrangère. » Triste bilan, triste constat, voilà un homme qui va mourir complètement désespéré.

Dans ses dernières paroles, on voit bien qu’il est à deux doigts de se convertir tellement il regrette d’avoir misé sa vie sur du vent … Oui, mais voilà à quoi bon se convertir sur son lit de mort si on ne croit pas en l’au-delà ? Et voilà le drame : parce qu’il n’aura pas cru en la résurrection, il ne s’est pas converti et, parce qu’il ne s’est pas converti, il n’aura même pas pu goûter à une certaine paix avant de mourir et vivre ainsi un départ confiant pour se jeter dans les bras de la Miséricorde. 

Vous aurez bien remarqué que je ne dis pas que, du fait qu’il ne se soit pas converti, il ne sera pas accueilli par Dieu. Le salut des âmes est une affaire qui concerne le Seigneur et lui seul. Nous, nous avons déjà assez à faire en nous préoccupant de notre conversion sans chercher à régler les affaires du Seigneur en cherchant à nous mettre à sa place pour savoir ce qu’il doit faire d’untel ou d’untel !

Finalement, le fait de n’avoir pas cru, comme tous les Grecs de l’époque, en la résurrection est à l’origine d’un double méga-problème dans sa vie. 1/ Il aura mené une vie très désordonnée. 2/ Il va mourir dans une profonde désespérance.

S’il avait cru en la résurrection, il n’aurait pas mené une vie aussi désordonnée et cela non pas par crainte du châtiment éternel. Mais ceux qui croient en la résurrection des corps savent que le corps est sacré puisqu’il est promis à la vie éternelle, ils ne font donc pas n’importe quoi avec leurs corps et ne maltraitent pas non plus le corps des autres puisqu’il est sacré. 

Mais c’est vrai que croire en la résurrection n’est pas forcément facile. On le voit bien dans l’évangile d’aujourd’hui avec cette histoire que l’on pourrait qualifier, à la manière de Jacques Chirac, d’« abracadabrantesque. » La résurrection des morts défie notre rationalité, et comme on n’arrive pas à la penser de manière satisfaisante, on déclare que c’est impossible. Si, aujourd’hui, personne n’invente une telle histoire, on entend quand même des réflexions qui peuvent lui ressembler : « depuis le temps qu’il y a des hommes qui sont morts, quand ils vont tous ressusciter, vous allez les mettre où ? » C’est sans doute cette difficulté à conceptualiser ce que signifie la résurrection des corps qui explique qu’à peu près un catholique pratiquant sur deux n’y croit pas vraiment. Je me réfère à un sondage de 2009, mais ça n’a pas dû s’arranger depuis !

Oui, c’est vrai, reconnaissons-le, cet article de foi dépasse notre entendement. Mais vous aurez bien remarqué que le Credo ne nous fait pas dire : j’ai compris donc j’adhère ! Le Credo, comme son nom l’indique nous fait dire : je crois. Et si nous sortions de notre foi tout ce que nous n’arrivons pas à comprendre, il ne resterait plus grand-chose ! Vous comprenez, vous, l’Incarnation ? Vous comprenez comment c’est possible que Dieu se fasse homme ? Vous comprenez le Salut ? Vous comprenez dans le détail, comment c’est possible que Dieu, en Jésus, se livre entre les mains des hommes et accomplisse la Rédemption ? C’est sûr, si nous sortions de notre foi tout ce que nous n’arrivons pas à comprendre, il ne resterait plus grand-chose ! Attention, je ne suis pas en train de prêcher l’obscurantisme ou de faire l’éloge de ce qu’on appelait la foi du charbonnier. J’avais un ami prêtre qui aimait dire à ses paroissiens qui affirmaient se contenter de la foi du charbonnier que la foi du charbonnier était bonne pour les charbonniers mais que comme ils n’étaient pas charbonniers, ça ne pouvait pas leur convenir ! Il nous faut plutôt entrer dans la trajectoire que décrivait St Augustin qui disait qu’il est illusoire d’imaginer qu’on arrivera à mieux croire quand on aura parfaitement compris, par contre disait-il, l’inverse est assuré : quand on croit plus, on comprend mieux ! 

Pourquoi est-il si important de tenir fermement à cet article de foi en la résurrection des morts ? Eh bien, pour deux raisons essentiellement.

• 1° raison : il y va de la cohérence de Dieu. Si Dieu est amour, il ne peut pas nous aimer à temps partiel. L’amour, par nature, est éternel. Longtemps, on a pensé qu’après la mort, tout le monde irait au Shéol, ce lieu, dans lequel on est comme des ombres et duquel tant de psaumes demandent que ceux qui les prient puissent être préservés. Ce sont les persécutions et la fidélité des justes qui vont activer cette révélation. Attention, ce ne sont pas les hommes qui ont inventé la résurrection des morts, comme le disent certains psys, qui expliquent que cette foi est une construction d’hommes faibles qui ne supportent pas l’idée de la mort. Evidemment, non ! D’abord la foi en la résurrection ne gomme pas la mort et, comme je l’ai dit, cette foi est exigée par la révélation de Dieu lui-même. Dieu est amour et son amour est éternel, il ne peut nous abandonner au néant considérant que nous sommes devenus quantité négligeable !

• 2° raison : s’installer dans l’idée qu’il n’y a pas de vie après la mort, c’est prendre le risque d’ouvrir la porte au n’importe quoi dans la vie avant la mort. Attention, je ne dis pas que tous ceux qui ne croient pas vivent n’importe comment. Mais je constate que l’immense majorité des défenseurs de la vie, de toute vie sont des croyants et que la quasi-totalité de ceux qui jouent aux apprentis sorciers avec la vie ne croient pas … quand ils ne sont pas des adversaires déclarés de la foi. C’est parce que nos corps sont promis à la résurrection qu’ils doivent être respectés. La morale de l’Eglise trouve ici l’un de ses fondements les plus solides. Puisque le corps est pour la vie, il revêt une dignité intangible, nul ne peut décider de supprimer une vie que cette vie commence ou qu’elle finisse, nul ne peut être dispensé de respecter la dignité d’un être humain quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, quelle que soit sa race, son histoire.

Même si nous ne pouvons pas tout comprendre de cet article de foi, entrons résolument dans l’attitude que St Augustin nous suggère : demandons un surcroît de foi pour entrer peu à peu dans ce grand mystère jusqu’au jour où il nous sera dévoilé pleinement.

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