Continuez à vous confectionner le collier commencé hier avec les perles de ces paroles de sagesse que nous donne la 1° lecture. Peut-être juste un petit mot sur ce livre de Ben Sirac, le sage que nous lisons. D’abord le nom, Ben Sirac le Sage, signifie, le fils de Sirac le sage, Ben, c’est le fils. Ce Sirac qui était sage a fait un beau cadeau à son fils, il lui a transmis sa sagesse. Hier matin, au petit déjeuner, nous discutions de ce proverbe français : tel père, tel fils. J’expliquais qu’il se formule autrement, on dit aussi : les chiens ne font pas des chats ! Et c’est bien vrai un chien ne donne pas naissance à un petit chat, mais à un petit chien ! C’est comme ça que, souvent, on explique que, si un enfant est violent, il le doit à son père qui lui a transmis sa violence : les chiens ne font pas des chats, les hommes ont des enfants qui leur ressemblent. Alors, c’est vrai pour les défauts, mais, Dieu soit loué, c’est aussi vrai pour les qualités ! Et donc ce Monsieur Sirac, il avait transmis toute sa sagesse à son fils et son fils a trouvé que la sagesse reçue de son père était tellement importante qu’il la mise par écrit, nous offrant la possibilité de faire un collier avec toutes ces perles de sagesse. Autre précision que je peux apporter, c’est que ce ; livre, il a plusieurs noms selon les Bibles utilisées : il peut s’appeler le Siracide ou l’Ecclésiastique qu’il ne faudra pas confondre avec le livre de l’Ecclésiaste appelé aussi le livre de Qohéleth. Bon, on peut très bien vivre sans savoir tout ça, mais quand on le sait, ça facilite les recherches dans la Bible !
La perle que je retiens pour moi, mais vous avez le droit d’en retenir d’autres, c’est cette invitation à CONSENTIR qui était exprimée dans le début de la lecture que je relis parce que ces paroles sont tellement importantes. Mon fils, si tu viens te mettre au service du Seigneur, prépare-toi à subir l’épreuve ; fais-toi un cœur droit, et tiens bon ; ne t’agite pas à l’heure de l’adversité. Attache-toi au Seigneur, ne l’abandonne pas, afin d’être comblé dans tes derniers jours. Toutes les adversités, accepte-les ; dans les revers de ta pauvre vie, sois patient ; car l’or est vérifié par le feu, et les hommes agréables à Dieu, par le creuset de l’humiliation. Dans les maladies comme dans le dénuement, aie foi en lui. Mets ta confiance en lui, et il te viendra en aide ; rends tes chemins droits, et mets en lui ton espérance. Evidemment, nous, dans les Foyers de charité, quand nous entendons cela, nous ne pouvons pas ne pas penser à Marthe. CONSENTIR, c’est pour moi, le verbe qui résume le mieux ce qui a été le secret de la vie de Marthe et plus j’avance, plus je me dis que c’est l’attitude profonde qui résume le mieux ce que doit être la vie spirituelle. Je développe un peu parce que ça me parait tellement important que j’en parle souvent dans les retraites que je prêche, ce qui me permet de parler de Marthe, y compris à des prêtres qui sont, à priori, assez éloignés de ce genre de spiritualité.
Vous voyez, en France, quand on a présenté la spiritualité de Marthe comme un chemin pour apprendre à offrir ses souffrances, je crois qu’on a éloigné beaucoup de gens de son message. Le côté doloriste qu’il peut y avoir derrière cette invitation à offrir ces souffrances n’attire pas et même repousse. Doloriste ça veut dire qu’on survalorise la douleur en insistant sur le fait que ce sont nos souffrances assumées et offertes qui nous sauveront et qui sauveront le monde. C’est ainsi que Marthe a souvent été présentée ou, en tout cas, c’est ce que les gens ont retenu et ça ne les a pas attirés ! Moi-même, c’est ce qui me repoussait ! Et puis, notamment en travaillant avec Sophie, j’ai découvert que ce n’était pas une juste présentation de Marthe et que le verbe CONSENTIR était sans doute celui qui résumait le mieux la spiritualité de Marthe. Sophie m’a d’abord aidé à comprendre que CONSENTIR, c’est un mot du registre amoureux. Les fiancés, au jour de leur mariage échangent leurs consentements. CONSENTIR quand la souffrance et l’imprévu sur viennent, ça sera donc donner notre réponse d’amour au Seigneur, lui dire que nous continuons à l’aimer même si nous avons du mal à comprendre ce qui nous arrive. C’est donc aussi une manière de lui dire que nous ne l’accusons pas d’être responsable de tous nos problèmes. D’ailleurs, la 1° lecture disait que, si on veut suivre le Seigneur, il faut se préparer à souffrir, mais il n’est pas dit que c’est le Seigneur qui nous fera souffrir ! Je relis la phrase : Mon fils, si tu viens te mettre au service du Seigneur, prépare-toi à subir l’épreuve ; fais-toi un cœur droit, et tiens bon. CONSENTIR, ça sera continuer à aimer le Seigneur même au cœur de ces épreuves.
Sophie a très bien expliqué cela dans son petit livre : Marge Robin, chemin vers le silence intérieur. Je vais vous citer un extrait de ce livre en espérant que vous l’avez tous lu ! Vous savez qu’il y a eu moment dans la vie de Marthe qui préparera son acte d’abandon, c’est ce qui s’est passé chez sa sœur quand elle n’était pas encore définitivement obligée de rester dans son lit.
Sa sœur avait voulu visiter une exposition dans le sud de la France et Marthe était venu chez elle pour garder le dernier enfant de sa sœur, trop petit pour aller avec ses parents et son beau-père qui, lui, était trop vieux pour les suivre. Marthe va trouver un livre de spiritualité chez sa sœur dans lequel elle va lire une phrase qui va beaucoup compter dans son cheminement. On le sait parce qu’elle a recopié cette phrase. Voilà ce qu’elle lit : « Pourquoi cherches-tu le repos, puisque tu es faite pour la lutte ? Pourquoi cherches-tu le bonheur, puisque tu es née pour la souffrance ? » Je vous lis le commentaire de Sophie : « Cette phrase nous semble dure. Pourtant, elle a été pour Marthe une lumière à cette époque précise de sa vie. Cette phrase, dure, l’a comme préparée à une orientation. C’est comme si le Seigneur lui disait : Ne cherche pas le repos… tu ne l’auras pas avec cette maladie ! Prépare-toi plutôt à lutter. « Pourquoi cherches-tu le repos, puisque tu es faite pour la lutte ? » Parfois nous nous cramponnons à une illusion… et nous nous rendons malheureux… pour rien ! Cette phrase a ouvert un chemin à Marthe, l’invitant à se préparer à lutter et à avancer, même si elle n’avait pas tous les éléments par avance, mais en faisant confiance à Celui qui marchait avec elle. »
Vous savez que Marthe voulait donner sa vie au Seigneur, elle aurait rêvé d’être carmélite. A cause de sa maladie, elle réalise qu’elle ne pourra pas être carmélite, par contre, rien ne l’empêche de réaliser son grand désir : donner sa vie au Seigneur. Le Seigneur est toujours content du projet de Marthe qui veut donner sa vie, simplement, Marthe doit accepter que ça se fasse autrement que comme elle l’avait prévu. C’est cela CONSENTIR et apprendre à CONSENTIR peut transformer notre vie puisqu’il s’agit de demander au Saint-Esprit de devenir capables de donner une réponse d’amour au Seigneur dans tout ce que nous vivons en croyant que jamais il ne nous abandonnera et que jamais il ne voudra autre chose pour nous que notre Bonheur. Donc même si les choses ne se passent pas comme nous l’avions prévu, consentir, ça sera, continuer à croire en l’amour du Seigneur pour nous, croire que ce n’est pas le Seigneur qui veut nous faire souffrir et croire que le Seigneur ouvrira toujours de nouveaux chemins pour que je parvienne au bonheur. J’arrête à pour la 1° lecture.
Dans l’Evangile, nous sommes témoins d’une dispute entre les apôtres. Il n’y a que dans votre communauté qu’il n’y a jamais de dispute ! Mais dans toutes les autres communautés, il y a des disputes, il y en avait même dans la communauté des apôtres de Jésus. Ce qui chagrine Jésus, ce n’est pas tant qu’il y ait une dispute entre les apôtres, c’est la raison de cette dispute qui a dû le faire profondément souffrir. St Luc situera cette dispute en plein cœur de l’institution du repas eucharistique, ça sera encore plus terrible.
Je dis que ça fait souffrir Jésus parce qu’il faut quand même essayer d’imaginer ce qu’il pouvait ressentir. Lui le Fils du Dieu tout-puissant, il s’est abaissé en se faisant homme comme le dit l’hymne aux philippiens et les apôtres étaient bien placés pour savoir qu’il n’a pas triché en se faisant homme, il a vraiment tout partagé de la vie des hommes. Quand ils arrivaient à Capharnaüm, il ne demandait pas à loger dans une maison spéciale préparée exprès pour lui, non il logeait chez Pierre, au milieu des autres ! Lui, il aurait eu quelques bonnes raisons de réclamer des privilèges en faisant valoir tous ses titres, mais, comme le dit l’hymne aux Philippiens, il s’est abaissé, prenant la condition des hommes, comme un simple homme disent certaines traductions. Et lui, Jésus, il trouvait sa joie dans cette mission qu’il avait acceptée, dans ce service si humble. Alors vous imaginez combien il devait souffrir quand il entendait ses apôtres se chamailler pour savoir qui était le plus grand ! Parce que, quand même, le plus grand, c’était lui ! D’autant plus que dans ce groupe, il n’y avait pas de grandes lumières intellectuelles ! Malgré l’exemple de Jésus, malgré la conscience qu’ils auraient dû avoir de leurs limites, ils se chamaillaient pour savoir qui était le plus grand. Ça a dû être l’une des plus grandes souffrances que les apôtres ont infligé à Jésus. Chers membres de cette communauté bien-aimée, ne soyons pas de ceux qui font souffrir Jésus en nous chamaillant pour savoir qui est le plus grand, rappelons-nous que le plus grand, c’est Jésus !