21 mars : qui est le véritable héros de l’histoire ?

            Je pense que les petites filles que vous étiez avaient d’autres jeux que les garçons. Les garçons, à mon époque, ce qui nous plaisait, c’était de jouer aux cow-boys et aux indiens ou bien aux gendarmes et aux voleurs. Ce qui plaît dans ce genre de jeu, c¹est la rivalité entre les bons et les mauvais. Enfants, nous nous disputions souvent d’ailleurs pour savoir qui allait incarner les différents rôles, nous voulions tous être les bons, parce que nous savions que dans ce genre de jeu, ce sont les bons qui doivent gagner. Et à l’âge adulte, nous continuons encore ces petits jeux, autrement c’est vrai, mais réellement quand même. Nous sommes attirés par des films qui mettent en jeu cette rivalité et nous n¹aimons pas les films qui se terminent mal, c’est à dire les films où les bons ne gagnent pas, où le bien ne l’emporte pas. Et le film nous semble d’autant plus réussi que le héros est faible. Si c’est un petit qui gagne contre des grosses brutes alors là c’est encore mieux !

            Le texte d’évangile que nous venons d’entendre comporte à peu près tous les ingrédients que je viens d’énumérer. C’est sûrement pour cela qu¹il nous plaît habituellement. Il y a un méchant = le pharisien et un bon = le publicain. Le pharisien étale sa puissance et cherche à se faire remarquer, le publicain ose dévoiler sa faiblesse, il se fait tout petit. Et au bout du compte, c’est le faible qui gagne, génial !

Mais est-ce aussi sûr que le texte fonctionne avec une telle simplicité, est-il à ce point caricatural ? Et puis, est-ce que Jésus est descendu du ciel pour nous raconter des histoires qui ressemblent aux cow-boys et aux indiens ou aux gendarmes et aux voleurs ? Sincèrement, je ne le pense pas et heureusement d’ailleurs. Parce que je vais vous dire une chose : si c’est le publicain qui est le véritable héros du texte, moi je me demande ce que nous faisons ici !  

            En effet, le tableau que dresse le pharisien pour dépeindre le publicain est  sûrement juste. Les publicains étaient des voleurs, c¹est notoirement connu, il n’y a qu’à relire l’Évangile de Zachée ou regarder une merveilleuse petite vidéo qu’Aline m’a fait connaître ! Zachée, voilà un publicain qui ne s¹est pas privé, le vol était son credo quotidien. Par le fait même, les publicains étaient injustes ; pour s’enrichir, ils exigeaient que les gens paient des impôts largement supérieurs à ce qu¹ils devaient. Adultères, ils l’étaient souvent aussi, l’argent qui coulait à flots les précipitait de manière habituelle dans un style de vie très contestable. Le pharisien a donc raison de dire qu¹il est heureux de ne pas être voleur, injuste, adultère comme le sont les publicains. Le héros du texte, ça ne peut pas être le publicain, ce n’est quand même pas lui que Jésus veut donner en exemple. 

Mais évidemment, ça n’est pas non plus le pharisien, je vous l’accorde. Et pourtant ce pharisien, il a une vie bien exemplaire. Il jeûne deux fois par semaine et donne le dixième de tous ses revenus, pas seulement de sa paie, mais de tous ses revenus mobiliers et immobiliers. Levez le doigt ceux qui en font autant ! Avant de découvrir qui est le véritable héros du texte, je voudrais que nous nous arrêtions quelques instants sur le pharisien. Parce que finalement, nous cherchons à faire ce qu’il fait. Vivre en chrétien, consiste bien à nous engager plus avant sur la route du partage de nos richesses, sur la route de la maîtrise de nous-mêmes et de tous nos appétits. 

Alors puisque nous cherchons à avancer sur cette route, quels écueils faut-il éviter pour ne pas devenir comme le pharisien ? J’en vois 3 :

– Le premier, c¹est que le pharisien met sa confiance dans ce qu’il fait. Il est fier de pouvoir lister toutes ses bonnes actions. Mais est-ce aussi sûr que c¹est ce que nous faisons qui atteste de notre valeur. Et tous ceux qui ne peuvent plus rien faire, n’auraient-ils plus de valeur ? Tous les handicapés, tous les malades, tous les grabataires, tous les blessés de la vie n¹auraient-ils plus de valeur ? Paul VI avait dit un jour l¹homme vaut plus parce qu’il est que par ce qu’il a. Je rajouterai volontiers l¹homme vaut plus par ce qu¹il est que par ce qu¹il fait. En disant cela, je ne veux pas dire qu’il ne faut rien faire et que les bonnes actions, les engagements au service des autres sont inutiles. Sûrement pas, mais attention, si pour nous, vivre, c’est uniquement cela, que deviendrons-nous quand pour x raisons, nous ne pourrons plus rien faire ou quand ce que nous ferons ne sera pas très brillant ? Premier écueil donc, si nous ne voulons pas ressembler au pharisien, il nous faut éviter de tout miser sur le faire. Quoiqu’il en soit chacun de nous vaut toujours plus que ce qu¹il fait.

– Deuxième écueil, bien sûr c¹est l¹orgueil. Dans l’attitude du pharisien, cet orgueil se manifeste de 2 manières. D¹abord, il se compare, Peggie m’a appris que comparaison = poison. Et c’est terrible parce que finalement, ce pharisien, il n’a besoin des autres que pour mieux se mettre en valeur ! Et puis il oublie que s’il arrive à faire tout ce qu¹il fait, c’est parce que Dieu lui en donne la force. Je ne développe pas trop ce point, il est trop évident. Attention donc à l’orgueil qui peut pervertir ce que nous faisons de bien.

– Le troisième et dernier écueil, c¹est la duplicité. Ce pharisien, extérieurement, il est nickel comme on dit. Sa conduite est irréprochable. Si on n’entend pas ce qu’il pense, si on se contente de juger ce qu’il fait, il est irréprochable. Extérieurement irréprochable, mais, intérieurement, il est pourri par des pensées épouvantables. Or tout cela se passe au Temple, le lieu où l’on vient pour rencontrer Dieu et accueillir son amour. Eh bien, c’est dans ce lieu qu¹il va avoir toutes ces pensées d’orgueil et de mépris pour son frère. Ah oui, si on se contente de l’extérieur, si on le juge sur ses actes, ses attitudes, il est exemplaire. Mais dès que l’on connaît ses pensées, il est tout de suite moins brillant. Attention à la duplicité ! Nous pouvons faire de belles actions, nous mettre au service des autres de manière remarquable et être remplis de ces pensées d¹orgueil, de mépris, de jugements.

Le publicain, il n’est pas brillant, sa conduite ne peut pas être donnée en exemple. Le pharisien non plus, je viens de le montrer, il ne peut pas être donné en exemple malgré sa conduite exemplaire. Cela signifie que ni l’un ni l’autre ne sont les héros du texte ! Le véritable héros, vous l’aurez compris, c’est Dieu. Dieu qui accepte d’écouter la prière du publicain alors que sa vie est si loin de l’idéal proposé dans sa Loi d’amour. C’est encore Dieu qui prend patience vis à vis du pharisien, il ne fait pas tomber sur lui le feu du ciel, alors que ses pensées mériteraient qu¹il reçoive une véritable correction ! 

Merci Seigneur de nous accueillir, aujourd’hui encore, tels que nous sommes, à l’intérieur et à l’extérieur de nous-mêmes. Car nous le savons bien : tantôt notre vie n’est pas reluisante à l¹image du publicain. Tantôt elle est meilleure mais nos pensées risquent toujours de tout gâcher à l’image du pharisien. Donne-nous de nous tourner vers Toi en vérité pour que tu nous rendes justes.

Cette publication a un commentaire

  1. Wilhelm Richard

    C’est passer d’une sainteté purement humaine et donc éphémère à une sainteté divine et donc éternelle. C’est comme cela que je peux saintetiser votre homélie.
    En vert et contre tous avec Sainte.

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