22 mai : Samedi avant la Pentecôte. Rien ni personne ne nous empêchera de déployer notre identité profonde.

Dieu est bon ! Mais je crois que je vous l’ai déjà dit ! En tout cas, ça se vérifie encore aujourd’hui. En effet, j’avais surtout envie de parler de la 1° lecture, mais j’ai quand même, à chaque fois, quelques scrupules à ne pas aborder l’Evangile. Et voilà que le père Renaud m’a débarrassé de mes scrupules puisque, hier, il a fait son homélie sur son texte d’Evangile et, emporté dans son élan, il a continué en commentant aussi le mien ! Pour les jeunes, particulièrement, qui n’étaient pas là hier, je résume ce qu’il a dit et je passerai ensuite à la 1° lecture. Le texte d’Evangile d’hier, après la triple question de Jésus, Pierre m’aimes-tu, se terminait par cette injonction de Jésus à Pierre : suis-moi ! Et c’est là que, emporté par son élan, il a expliqué que Jésus avait à peine terminé de lui dire suis-moi que Pierre se retournait pour voir Jean et poser la question : et lui ? Et le père Renaud nous invitait à demander la grâce d’entendre l’appel que Jésus nous adresse à chacune et chacun : suis-moi et d’entendre sans nous retourner, sans regarder à droite et à gauche en disant : ok, tu me dis ça à moi, mais pourquoi c’est à moi que tu le dis et pourquoi tu ne le dis pas aussi à lui, à elle, pourquoi c’est toujours moi ? Etc … Nous avons demandé cette grâce puisque le père Renaud nous y invitait, mais c’est bien possible que la journée d’aujourd’hui ne soit pas de trop pour continuer à demander cette même grâce !

Passons aux Actes ! Nous venons d’entendre les derniers versets du dernier chapitre. Paul est arrivé à Rome puisqu’il a refusé d’être jugé à Jérusalem, faisant valoir son titre de citoyen romain qui peut toujours en appeler à l’empereur pour une affaire grave le concernant. Dans ce passage, j’ai repéré deux attitudes de Paul que j’aimerais développer parce qu’elles me semblent tellement justes.

La 1° attitude, c’est le fait que Paul ne lâche rien. Et on le voit de deux manières différentes. 

  • D’abord dans sa manière de se défendre, il est innocent de tout ce dont on essaie de l’accabler et il ne se lassera pas de le dire et de le redire. Il n’y a aucune raison de céder sur la vérité. C’est vrai que Paul aurait peut-être pu mieux s’en sortir s’il avait fait profil bas, mais la vérité est enjeu, il ne cède rien.
  • Et puis, jusqu’au bout, il cherchera à rétablir le contact avec ses frères juifs. Car s’il est citoyen romain, et ça lui donne des droits, il est aussi, et avant tout, juif. C’est pour cela qu’arrivant à Rome, les premiers avec qui il cherche à entrer en contact, ce sont les notables juifs. C’est comme une ultime main tendue pour leur offrir la possibilité de comprendre l’endurcissement de leur cœur qu’il exprime en ces termes : « c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte ces chaînes. » Paul cherche encore à les convaincre que Jésus est celui qui accomplit l’espérance d’Israël.

J’aime cette attitude de Paul qui, jusqu’au bout, ne lâche rien, c’est une très belle qualité ! Mais, comme souvent les qualités ont un revers qui se transforme en défaut, on le dit régulièrement avec cette formule assez juste : il a les défauts de ses qualités. Ne rien lâcher, c’est une belle qualité, mais ça peut vite se transformer en défaut et ça s’appelle de l’entêtement. Or, vous le savez, l’entêtement, ça rend les personnes pénibles. Vous ne pouvez pas les rencontrer sans qu’elles vous rabâchent sans arrêt ce qu’elles vous ont déjà dit 1000 fois ! C’est sûr, elles ne lâchent rien, mais ça finit par devenir fatiguant et contre-productif ! On peut sans doute expliquer de cette manière l’ultime combat du père Conrad de Meester dans son livre si critique à l’égard de Marthe. Il n’a pas supporté que Rome ne le suive pas dans le 1° rapport qu’il avait fait parvenir à Rome dans le cadre du procès diocésain. Il n’a rien lâché et c’est ainsi qu’il a gaspillé les dernières années de sa vie à chercher comment prouver qu’il avait raison contre l’Eglise. Eh bien, Dieu soit loué, ce n’est pas ainsi que Paul a agi. Certes, il ne voulait rien lâcher mais ça ne l’a pas conduit à l’entêtement, je voudrais vous montrer que ça a même été tout le contraire. Paul n’a pas gaspillé tout son temps à prouver qu’il avait raison. Il y avait des institutions pour établir la vérité, il leur a fait confiance. Le père Conrad aurait été bien inspiré de faire de même !

Certes, quand Paul rencontrait quelqu’un, si l’occasion, se présentait, il clamait son innocence, mais il n’a pas perdu son temps à vouloir la prouver. Il y avait dans les versets que nous avons entendu cette petite mention que je trouve tellement belle : « Paul demeura deux années entières dans le logement qu’il avait loué ; il accueillait tous ceux qui venaient chez lui ; il annonçait le règne de Dieu et il enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec une entière assurance et sans obstacle. » Paul sera emprisonné dans la fameuse prison Mamertine que l’on a retrouvée, mais pas quand il est arrivé. Pendant deux ans, il sera comme « assigné à résidence » dans un logement qu’il avait loué. Et, là, qu’est-ce qu’il fait ? Il ne passe pas son temps à chercher comment prouver qu’il est innocent, il évangélise ! 

Jésus lui avait dit : « le témoignage que tu m’as rendu à Jérusalem, il faut que tu me le rendes à Rome. » Je traduis autrement : « Tu as été mon témoin à Jérusalem, sois mon témoin à Rome. Ou encore à Rome, il fait que tu acceptes de témoigner de ta foi. » 

Paul a l’évangélisation dans la peau depuis sa rencontre avec Jésus sur le chemin de Damas. Il illustre magnifiquement cette parole de Jean-Paul II qui disait : « Celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l’annoncer. » (Novo millenio ineunte n° 40) Lui le voyageur-missionnaire infatigable est assigné à résidence, il ne peut plus se déplacer, qu’à cela ne tienne, il évangélisera à domicile ! Il accueillait tous ceux qui venaient chez lui leur annonçant le règne de Dieu et enseignant tout ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec une entière assurance et sans obstacle. » Quelle belle capacité de résilience car c’est bien de cela qu’il s’agit. Et l’exemple de Paul peut devenir tellement instructif pour nous, pas seulement les membres de la communauté ou les amis du Foyer, mais aussi pour vous les jeunes qui nous rejoignez.

Quand survient une tuile dans notre vie et l’assignation à résidence de Paul a été une tuile qui venait complètement contrarier sa mission d’évangélisateur, quand survient une tuile dans notre vie, nous avons toujours le choix entre 3 attitudes.

  • 1° attitude : s’accrocher au passé, vivre dans le passé quand tout allait bien ! Evidemment pour parler du passé en termes de bon vieux temps, ça suppose qu’on élimine pas mal d’événements qui n’ont pas été si bons que ça ! Ma mère rouspétait toujours quand elle entendait parler du bon vieux temps, elle avait vécu la guerre en étant enfant et dans des conditions dramatiques et après, avec ses 6 enfants, elle avait connu le temps où il n’y avait pas de machine à laver ! Alors, le bon vieux temps, elle n’y croyait pas ! Tous les nostalgiques du bon vieux temps s’interdisent de vivre dans le présent puisqu’ils ne veulent pas l’affronter. Or la vie elle se vit au présent, le passé, il est passé et ne reviendra pas !
  • 2° attitude : s’évader dans un futur hypothétique. On attend que ça aille mieux et on cherche à s’en convaincre en chantant : ça ira mieux demain ! Mais comme les nostalgiques du passé, ceux qui attendent que ça aille mieux s’empêchent de vivre le présent car demain n’est encore pas là et tu ne sais pas ce qu’il sera. Ce qu’il te faut vivre c’est le jour d’aujourd’hui.
  • 3° attitude, c’est donc celle de Paul, celle qu’on désigne sous ce terme de résilience emprunté à la psychologie ou qu’on peut encore désigner par un verbe plutôt tiré de l’expérience spirituelle : consentir. Ok, ce que j’ai à vivre n’est pas ce que j’aurais espéré mais je cherche comment vivre ce qui me fait vibrer dans les conditions qui sont les miennes aujourd’hui sans repli nostalgique dans le passé, sans fuite dans un futur hypothétique.

Dans les Foyers de Charité, nous avons, avec Marthe Robin, un modèle extraordinaire de résilience ou de consentement à la réalité. Elle rêvait d’offrir sa vie au Seigneur en devenant carmélite. Sa maladie l’en empêche, elle ne passe pas son temps à accuser Dieu de lui empêcher de réaliser son rêve, elle ne se réfugie pas dans la nostalgie du passé, le bon vieux temps où elle pouvait bouger. Elle ne s’évade pas non plus dans un avenir hypothétique en attendant le jour où ça ira mieux, quand on aura trouvé les remèdes pour la soigner. Elle voulait se donner comme carmélite, la maladie l’empêche de devenir carmélite, mais pas de se donner, donc elle se donnera dans sa condition de malade. 

Ainsi nous découvrons que rien, ni personne, ne devrait pouvoir nous empêcher de déployer notre identité profonde. L’assignation à résidence de Paul l’empêche de se déplacer pas d’évangéliser. La maladie de Marthe l’empêche de devenir carmélite pas de se donner. Oui, vraiment rien, ni personne, ne pourra nous empêcher de déployer notre identité profonde. Sophie, dans son dernier petit livre fait justement remarquer que « consentir », c’est un mot du langage amoureux. Les consentements, ce sont ces paroles d’amour qu’échangent les fiancés au jour de leur mariage. Que l’Esprit-Saint qui ne cesse d’être déversé à profusion dans nos cœurs et qui le sera encore plus demain nous aide à consentir au réel de notre vie pour vivre amoureusement chaque aujourd’hui, tel qu’il s’ouvre devant nous en étant persuadé que c’est dans la réalité de chaque aujourd’hui que le Seigneur se donne à rencontrer et que nous pourrons déployer notre identité profonde qui finalement peut se résumer à ces mots de Ste Thérèse : mettre un maximum d’amour dans chaque instant que nous vivons.

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