1° août : prophète et martyr, ça pourrait rimer !

La mission de prophète n’est pas une mission destinée à ceux qui chercherait un poste de planqué, nous en avons une magnifique illustration dans les lectures de ce jour avec Jérémie et Jean-Baptiste ! Jérémie échappera à la mort, mais il connaitra sans cesse ce genre de situation où sa vie ne tenait plus qu’à un fil, quant à Jean-Baptiste, lui, il n’échappera pas à la mort. 

Cette mort de Jean-Baptiste me fait immédiatement penser au curé d’Ars que nous fêterons la semaine prochaine et qui fut, à sa manière, un prophète courageux. Comme je ne serai pas là, permettez-moi de parler de lui aujourd’hui avant mon départ pour quelques jours de vacances ! Je pense à lui car, dans la chapelle qui lui est dédiée dans l’église d’Ars, construite par le curé d’Ars lui-même, il y a cette parole concernant Jean-Baptiste qu’il avait tenue à écrire : Sa tête fut le prix d’une danse ! 

Pour le curé d’Ars, la page d’évangile qui nous relate le martyr de Jean-Baptiste venait légitimer le combat qu’il avait entrepris contre le bal et la danse. Un combat qu’il a entrepris non pas parce qu’il aurait été un rabat-joie, mais parce qu’il savait que les jeunes finissaient par ne plus se contrôler. Le nombre élevé de filles-mères à Ars et dans la proche région était pour lui un scandale et ce n’était pas d’abord une question de morale, il voyait bien que la vie de ces jeunes filles était gâchée. Le père, évidemment, n’allait pas assumer et les laisser seules, ce qui avait pour conséquence pour toute la famille de cette jeune fille de trainer un douloureux déshonneur et pour la jeune fille elle-même de devoir se placer comme servante dans une ferme pour trouver les moyens financiers d’élever son enfant. Sa vie était gâchée car les conditions de vie et de travail des servantes étaient terribles. C’est donc parce qu’il était habité par une si grande charité pastorale que le curé d’Ars a mené cette croisade contre les bals et la danse, comme il avait mené une croisade pour la fermeture des cabarets qui détruisaient la santé de ceux qui y venaient chaque jour dépenser le peu qu’ils gagnaient en buvant un mauvais vin qui ruinait leurs porte-monnaie, leurs santés et leurs familles subissant leur violence. 

Il en paiera les conséquences ! Ceux qui faisaient de l’argent en entretenant l’activité des bals et des cabarets sans se soucier des méfaits qu’ils engendraient sur leurs compatriotes lui en voudront à mort. Ils organiseront des pétitions pour le faire partir, pétition, d’ailleurs, qu’il signera lui-même ! Ils paieront une jeune femme devenue fille-mère pour qu’elle vienne sous les fenêtres du presbytère crier des propos infamants. Il dira lui-même qu’il y a eu tout un temps où il n’osait plus traverser la place devant son presbytère de peur d’être chassé à coups de bâtons ! Il faudra plusieurs années pour que les cabarets et les bals soient supprimés et pour que le curé d’Ars ne soit plus diffamé. C’est sûr, la mission de prophète n’est pas une mission destinée à ceux qui chercherait un poste de planqué, Jérémie, Jean-Baptiste, le curé d’Ars et tant d’autres l’attestent.

Pour autant, il ne faudrait pas faire des prophètes, ceux de la Bible ou ceux d’aujourd’hui des agitateurs et particulièrement des agitateurs politiques. Nombre d’entre eux ont été récupérés pour faire croire qu’ils avaient donné leur vie pour l’avènement d’une société plus égalitaire. Non, ce n’est pas le ressort de leur vie, ce n’est pas dans un rêve politique qu’ils ont trouvé l’énergie de se battre sans reculer devant les difficultés, sans craindre la mort dont ils étaient menacés en permanence. 

On le voit bien avec le curé d’Ars, c’est la charité qui a été le secret de leur détermination. Le prophète est un homme dont le cœur est brulé par la charité. 

  • D’abord la charité à l’égard de Dieu. Le prophète a perçu la souffrance de Dieu qui n’en peut plus de voir son peuple bien-aimé prendre des chemins qui le font courir à sa perte. Du coup, il accepte de répondre à l’appel de Dieu qui ne cesse de crier ce qu’il criait au temps du prophète Isaïe : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » Dieu crie, Dieu appelle pour que des hommes qui partageraient la même souffrance que lui osent aller au-devant de leurs frères pour les avertir et leur montrer le bon chemin.
  • Du coup, le prophète est aussi un homme dont le cœur est brûlé de charité à l’égard de ses frères.Vous connaissez sans doute le fameux sermon que Pagnol fait prononcer au curé dans Manon des Sources. Le curé reproche à ses paroissiens de ne pas être intervenu pour prévenir cet étranger venu de la ville qui a acheté cette maison qui ne s’appelait pas pour rien « la bastide fendue. » La maison s’est écroulée sur lui et les paroissiens se dédouanaient du problème en disant qu’il ne faut pas s’occuper des affaires des autres ! Le curé leur répond en chaire que s’occuper des affaires des autres, pour les chrétiens ça porte un nom bien précis, ça s’appelle la charité ! Eh bien, le prophète, c’est celui qui a décidé qu’il devait s’occuper des affaires des autres non pas pour s’occuper de ce qui ne le regardait pas comme nous le faisons trop souvent, mais pour s’occuper de ce qui le regardait, c’est-à-dire, leur Bonheur, leur Salut. Pour les ministres ordonnés, cette forme de charité porte le nom de charité pastorale et c’est bien cette charité pastorale qui brûlait le cœur du curé d’Ars allant jusqu’à passer 17h par jour dans un confessionnal surchauffé en été et glacé en hiver, entendant tellement d’horreurs à longueur de journée qu’il finissait par dire : « la compagnie des hommes me fatigue, quand serai-je dans la compagnie des saints ? » La compagnie des hommes le fatiguait mais jusqu’à 3 jours avant sa mort, il passait 17 heures par jour au confessionnal !

Reste un point que je veux développer à propos des prophètes. Pourquoi Dieu ne s’occupe-t-il pas mieux du sort de ceux qu’il appelle et qui ont le courage de répondre à son appel ? C’est tout simple : Dieu ne peut pas supprimer les problèmes que rencontreront les prophètes précisément parce que ces problèmes sont le résultat de la méchanceté des hommes. Et c’est justement pour éradiquer cette méchanceté que le prophète est appelé, plus il y aura de prophètes, moins il y aura de problèmes … en attendant le jour béni où les hommes ne feront plus de choix tordus, les problèmes resteront. Mais, si Dieu ne peut pas éviter les problèmes par contre, il assure le prophète de sa proximité, de son engagement sans faille à ses côtés et c’est ce qui deviendra le point d’appui, la force du prophète dans les difficultés qu’il rencontrera.

Aujourd’hui encore, le Seigneur appelle : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » Nous avons entendu son appel et nous y avons répondu, mais la réponse est à redire chaque jour. Alors, trouvera-t-il parmi nous des cœurs suffisamment brûlés d’amour pour répondre : moi, Seigneur envoie-moi et je sais que je peux répondre à ton appel car tu seras toujours avec moi.

Cette publication a un commentaire

  1. Wilhelm Richard

    Une homélie a couper au couteau et sur le fil du rasoir :
    des durs à cuire
    qui finissent par se convertir
    et devenir
    des martyrs.
    Par ailleurs vous ecrivez : Un confessionnal surchauffe en hiver et glace en hiver.
    Un coup de chaud de votre part ? Besoin de vacances ? Votre langue a fourche ?
    Peut-être que les pénitents du cure d’Ars avaient un cœur si froid que Jean-Marie Vianney devait utiliser humidité (pardon humilité) et patience et chaleur humaine et penitence pour pouvoir fondre le cœur des pêcheurs : c’est ainsi qu’il a attrapé de gros poissons.

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