5 décembre : 2° dimanche de l’Avent. Plutôt que de maudire la nuit, il vaut mieux allumer une lumière !

Les amateurs d’histoire sont gâtés ce dimanche ! Plus que les autres, ils peuvent goûter la saveur de cet évangile. En effet, vous avez remarqué que notre texte commençait par une énumération de personnages et de dates de l’histoire : « L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode étant alors au pouvoir en Galilée, son frère Philippe dans le pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias en Abilène, les grands prêtres étant Hanne et Caïphe. » Habituellement, il n’y a jamais de détails inutiles dans l’Évangile, c’est même le contraire, ce sont souvent les détails qui donnent à l’Évangile sa force. Ces détails historiques, il nous faut donc les étudier sérieusement si nous voulons goûter cet Evangile. Dans le cadre de cette homélie, il n’est évidemment pas question de faire un grand développement sur chacun de ces personnages, je ne dis que quelques mots.

– Tibère n’a pas été un empereur particulièrement aimé, c’est le moins qu’on puisse dire. Par exemple, il mettra en place un homme influent pour surveiller son fils adoptif, Germanicus, qu’il trouvait de plus en plus envahissant. Comme par hasard, ce fils va mourir assez vite, vraisemblablement empoisonné. Et, Tibère ne participera même pas à la cérémonie du retour des cendres de son fils, c’est dire combien cet homme était sensible ! Détesté du peuple, pour se mettre à l’abri, il devra passer les dernières années hors de Rome, à Capri. 

– Pilate, c’est un nom que nous connaissons bien puisque c’est à lui qu’on présentera Jésus lors de son jugement. Pilate était un homme à la très grande sévérité et c’est pour cela qu’il avait été choisi pour être gouverneur de cette province réputée difficile. Avec lui, l’empereur était tranquille, l’ordre allait régner quoiqu’il en coûte pour reprendre une expression à la mode !

– Quant à Hérode, c’est le fils d’Hérode qui régnait au moment de la naissance de Jésus, pour le distinguer de son père, on l’appelait Hérode Antipas. Ce n’est pas un personnage brillant. Ces rois de Judée sont tous à la solde de l’empereur romain. D’ailleurs cet Hérode Antipas a fait construire sur son territoire une ville à la gloire de l’empereur Tibère, il lui donnera le nom de Tibériade. En plus, au niveau de sa moralité, nous savons qu’il a renvoyé sa femme pour épouser sa belle-soeur Hérodiade qui, quelques années plus tard, lui demandera la tête de Jean-Baptiste.

– Philippe était donc le frère d’Hérode, celui à qui il avait pris sa femme ! On peut donc imaginer qu’ils ne s’aimaient pas du tout !

– Sur Lysanias, nous ne savons pas grand-chose si non qu’il serait l’un des fils que Hérode le Grand aurait eu avec l’une de ses 10 épouses. Si le dicton tel père, tel fils est vrai, on peut vraiment craindre le pire !

– Restent Hanne et Caïphe. Jusque là, l’Evangile parlait d’hommes politiques, là, il évoque les responsables religieux, les grands prêtres de l’époque. En fait, il n’y avait qu’un seul grand prêtre. Hanne l’a été en premier puis, c’est son gendre Caïphe qui lui succède. Mais Hanne continuera à tirer les ficelles manipulant Caïphe sachant que tous deux étaient à la solde du pouvoir romain qu’ils devaient contenter par leurs décisions sous peine d’être destitués. Nous le savons, tous deux joueront un rôle bien peu glorieux dans le procès de Jésus.

Si on était à l’école, j’aurais pu vous proposer de faire un devoir avec le thème suivant : « Imaginez une histoire qui mette en scène tous ces personnages en même temps et pour rédigez votre histoire, vous tiendrez compte des renseignements que vous avez recueillis sur eux » On ne pourrait écrire qu’une histoire digne d’un roman noir … avec des dirigeants qui ont un tel pédigrée, on ne peut pas s’attendre à des merveilles ! De fait, ça sera bien une histoire très noire qui va s’écrire puisque, chacun à une place particulière, participera à l’exécution de Jésus. Mais voyez-vous, j’ai envie de dire que Dieu agit à l’inverse des moustiques, les moustiques sont attirés par la lumière, Dieu est attiré par la noirceur. Quand c’est trop noir, Dieu ne dit pas : attendons que ça se calme et que les hommes reviennent à de meilleurs sentiments ! Non, quand c’est trop noir, Dieu dit : ça ne peut plus durer, il faut que j’intervienne. 

Eh bien, c’est exactement ce qu’écrit Luc. Après cette énumération de personnages si peu fréquentables, il dit : « la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie. » Et la Parole de Dieu lui est adressée pour lui dire ce qu’il doit proclamer : « Tout être vivant verra le Salut de Dieu. » On peut dire que c’est au moment où ça va le plus mal que Dieu décide d’intervenir en envoyant Jean-Baptiste qui va préparer l’entrée en scène de Jésus dans son ministère public.

Retenons ce point absolument essentiel : Dieu n’attend pas que tout aille bien pour envoyer son Fils dans le monde. C’est même l’inverse, c’est parce que ça va trop mal que Dieu comprend qu’il est grand temps d’intervenir. Vous connaissez le proverbe chinois qui dit : « Plutôt que de maudire les ténèbres, il vaut mieux allumer une lumière. » C’est ce que Dieu va faire en envoyant Jésus dans ce moment si tragique de l’histoire. Il n’a pas maudit les ténèbres, il n’a pas maudit ce monde voué aux ténèbres par ces dirigeants sans scrupules, et il a plus qu’allumé une lumière puisqu’il a envoyé Jésus qui est LA lumière du monde. Vous pourriez me dire : ça n’a pas bien marché parce qu’on n’a pas franchement l’impression que le monde soit sorti des ténèbres ! C’est vrai, mais ce n’est pas Dieu qui a raté son coup ! En Jésus, la lumière est bien venue dans le monde, mais les hommes ont refusé de l’accueillir et c’est pour cela qu’en regardant l’histoire, on a la triste impression que sa venue n’a pas changé grand-chose. Pourtant, Jésus est bien venu et il a fait le job et on peut être sûr qu’il l’a bien fait ! En donnant sa vie, il a bel et bien sauvé les hommes, sauvé le monde. Du coup, on peut affirmer que dès qu’une personne se convertit, en accueillant Jésus, lumière du monde, elle fait un peu reculer les ténèbres. Et c’est donc pour cela qu’il est si essentiel d’évangéliser, c’est ainsi que nous ferons reculer les ténèbres dans le monde. Nous ne devons pas nous contenter de gémir sur les problèmes, de maudire les ténèbres, il nous faut, en devenant des disciples-missionnaires, permettre, peu à peu, à la lumière de l’emporter sur les ténèbres.

Quand nous comprenons que c’est au moment où ça va le plus mal que Dieu décide d’intervenir, cela nous permet de mieux comprendre ce qu’est le Salut. Le Salut n’est pas la récompense que Dieu donnerait aux hommes quand ils se comportent bien, tant au plan individuel que collectif. L’histoire collective des hommes, à cette époque, n’est pas brillante et pourtant Dieu décide de venir et d’apporter le Salut. C’est bien le signe que le Salut n’est pas comme un bon-point qui viendrait récompenser de beaux efforts. Et c’est également vrai au plan individuel de la même manière. On ne peut pas dire que lorsque Jésus décide d’aller chez Zachée, sa visite soit une récompense pour son bon comportement, sûrement pas ! Quand les pharisiens et tous les bien-pensants de l’époque s’indigneront devant les fréquentations de Jésus, lui, il insistera pour dire : ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades ! Cette réponse est une autre manière de dire que le Salut ne vient pas récompenser une bonne conduite, Jésus est venu sauver ceux qui sont perdus, ceux qui sont dans les ténèbres.

Mais comme nous avons du mal à le comprendre et même à le croire. Nous croyons trop souvent que Dieu ne nous aime que lorsque nous sommes aimables, lorsque nous réussissons, lorsque nous sommes exemplaires. Oui, bien sûr que Dieu nous aime quand nous faisons le bien, d’autant plus que c’est avec sa force, par sa grâce, que nous parvenons à faire le bien. Mais quand nous ne réussissons pas, il nous aime encore et peut-être plus. Une maman est forcément très heureuse quand elle voit son enfant capable d’enchainer plusieurs pas sans tomber. Mais elle l’aime autant et peut-être plus quand il essaie de marcher alors qu’il tombe régulièrement. D’ailleurs, dès qu’il est tombé, elle court vite le relever, l’embrasser, l’encourager pour qu’il ose se relever et repartir. Ainsi en va-t-il avec Dieu, dont on dit souvent qu’il est un père qui nous aime avec un vrai cœur de mère ! Tout cela signifie que lorsque nous vivons des moments difficiles, Dieu n’est jamais loin. Parce qu’il est un adepte des proverbes chinois, Dieu ne nous maudira jamais quand nous choisissons les ténèbres, il préférera toujours rallumer la lumière dans nos cœurs en nous prodiguant sa miséricorde. Qu’il est grand, qu’il est beau le mystère de la foi !

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