23 janvier : 3° dimanche du temps ordinaire. Et si c’était vrai que c’est bien aujourd’hui que cette Parole s’accomplit ?!

Cette semaine, nous avons accueilli au Foyer une retraite de prêtres, au cours d’une messe, l’un des évêques présents a dit : cette page d’Evangile, elle nous fait rêver. Il commentait le texte dans lequel il était dit que les foules se pressaient autour de Jésus. En effet, ça fait rêver parce que, chez nous, à l’heure actuelle, les foules ne se pressent plus dans nos églises et ce n’est pas en raison de la pandémie. J’ai donc envie de reprendre son expression, « ça fait rêver » mais en l’appliquant à la 1° lecture. Vous avez bien entendu, cette grande liturgie de la Parole a duré « depuis le lever du jour jusqu’à midi. » Et personne ne toussait bruyamment pour signifier que c’était trop long, et ça devait l’être puisque la Parole était d’abord proclamée dans une langue que plus personne ne parlait et ne comprenait avant qu’elle ne soit traduite. Eh bien, malgré cela, personne ne regardait sa montre, remarquez, personne n’en avait et ça peut être un avantage car, comme nous le font remarquer les africains, ceux qui ont n’ont pas de montre ont le temps ! Mais je vous avoue, ce qui fait encore plus rêver, c’est la réaction de cette foule qui pleurait quand elle entendait cette Parole, c’est-à-dire que la Parole tant dans sa proclamation que dans les commentaires qui en étaient faits touchaient les cœurs d’une manière si profonde que les gens en pleuraient. Oui, ça fait rêver n’importe quel prédicateur !

Hélas ce temps semble bien révolu … mais ça ne date pas d’aujourd’hui puisque nous constatons que, déjà au temps de Jésus, l’attitude de ceux qui l’écoutaient sera toute autre. Nous le voyons bien avec l’auditoire de la synagogue de Nazareth. La lecture s’est arrêtée juste avant de nous faire entendre leur réaction : ils ont cherché à faire mourir Jésus en le poussant dans le vide après l’avoir conduit au sommet d’un escarpement. C’est le discours inaugural de Jésus et déjà on cherche à le faire mourir. Pourtant personne ne pouvait se plaindre de la longueur de cette prédication puisqu’il n’y avait qu’une seule phrase : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » La réaction de l’auditoire est impossible à comprendre parce que cette prédication aurait dû, au contraire, provoquer des pleurs, des pleurs de joie. Non pas parce que, pour une fois, l’homélie était brève, mais en raison de son contenu : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre »

La Parole qu’ils venaient d’entendre, c’était une parole que tout juif fervent connaissait par coeur. Elle avait une portée symbolique aussi chargée que cette 1° strophe du poème de Verlaine quand il a été prononcé à la BBC : « Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone. » Quand les résistants ont entendu la 1° partie de la strophe, ils savaient qu’ils devaient tout préparer pour une série de sabotages et quand ils ont entendu la 2° partie, ils ont compris que le jour le plus long allait commencer. Eh bien ces versets d’Isaïe annonçaient ce que ferait le Messie quand il viendrait ; ce messie promis par Dieu et qu’on n’en pouvait plus d’attendre tellement on avait besoin qu’il vienne précisément pour accomplir cette œuvre de libération. « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » 

Entendant cette parole et surtout le commentaire qu’en a fait Jésus disant que « aujourd’hui, la parole s’accomplissait enfin », ils auraient dû, à la manière des résistants entendant Verlaine, pleurer de joie. Ils attendaient ce jour J, le jour du Messie depuis si longtemps. Eh bien rien du tout, à peine apparu sur la scène du ministère, ils cherchent comment éliminer ce prétentieux qui se prend pour le Messie. Ils ne lui laissent même pas sa chance en disant : ok, tu te prends pour le Messie, eh bien montre-nous que c’est bien vrai, que c’est bien toi l’envoyé de Dieu, que tu es capable d’accomplir les signes que mentionnent cette prophétie d’Isaïe. 

Oh oui, comme c’est dommage qu’ils l’aient jugé avant même qu’il n’ait pu commencer. Parce que Jésus, dans la suite de son ministère a vraiment accompli tous les signes de la prophétie… comme on aime le dire aujourd’hui, il a coché toutes les cases ! Mais attention, il n’a pas coché les cases comme nous, nous pouvons le faire quand nous établissons une liste des tâches à accomplir. Au fur et à mesure que les tâches sont réalisées, nous cochons les cases parce que ça serait trop bête de dépenser du temps et de l’énergie à refaire ce qui a déjà été fait. 

Lui, Jésus, il a coché toutes les cases, mais chaque jour et même chaque instant de sa mission qui ne consistait en rien d’autre que porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Et tout cela, il pouvait le faire car il agissait en permanence sous l’onction du Saint-Esprit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Si nous relisions tout le ministère de Jésus, si nous réécoutions toutes ses paroles, si nous analysions tous ses gestes, nous verrions qu’il a, en permanence, accompli cette prophétie. Il n’avait rien d’autre à faire, rien de plus urgent, rien de plus essentiel que d’accomplir chacune des actions énoncées dans la prophétie. Et ceux qui deviendront ses disciples n’auront rien d’autre de plus urgent, de plus essentiel à faire que de continuer cette mission. C’est d’ailleurs bien ce qu’ont fait les 12 après l’Ascension, quand à leur tour, ils ont été marqués, envahis par l’onction du Saint-Esprit à la Pentecôte. Le livre des Actes nous les montre accomplissant, à leur tour, tous les éméments de la prophétie. Et, nous aussi, nous n’avons rien d’autre à faire si nous voulons devenir ces authentiques disciples-missionnaires que le pape François appelle de ses vœux pour que l’Eglise puisse retrouver son enthousiasme et son rayonnement. Depuis notre Baptême et notre confirmation, nous sommes, nous aussi, consacrés par l’onction du Saint-Esprit, ça veut dire que nous avons tout ce qu’il faut pour mettre en œuvre chaque rubrique ou, pour faire moderne, chaque item de la prophétie.

Il faudrait avoir du temps pour développer chaque élément de la prophétie, voir comment Jésus les a accomplis, comment ses disciples, à sa suite, les ont accomplis et comment, nous, aujourd’hui, nous pouvons les accomplir. Il faudrait avoir du temps et je n’en ai plus beaucoup si je veux que cette homélie ne dure pas aussi longtemps que la liturgie de la Parole décrite dans la 1° lecture. Alors en conclusion, je voudrais juste souligner un point qui m’a attiré de manière toute particulière.

Vous aurez remarqué qu’il y a un élément de la prophétie qui revient deux fois, c’est la mention de la délivrance : annoncer aux captifs leur libération, et remettre en liberté les opprimés. Si mon attention a été attirée, c’est sans doute parce que c’est une question sur laquelle je réfléchis beaucoup. C’est vrai qu’en vivant ce ministère d’écoute, d’accompagnement des personnes, je suis, sans arrêt, confronté à ce besoin de libération. St Paul l’avait magnifiquement exprimé dans l’épitre aux Romains : « le bien que je voudrais faire, je ne le fais pas assez souvent et le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais trop souvent. ». Rm 7,19 Il y a quelque chose de coincé en nous que la chanteuse populaire, Annie Cordy, avait si bien résumé : « j’voudrais bien, mais j’peux point ! » Alors, on peut dire, de manière générale que c’est la conséquence du péché originel, c’est vrai, notre volonté, notre liberté sont blessées et donc, ce que je voudrais, je n’arrive pas à le mettre en œuvre aussi souvent et aussi bien que j’aimerais et qu’il le faudrait. Oui, c’est vrai, mais parfois, ça prend des proportions inquiétantes parce que ça plonge des personnes dans des addictions déstructurantes ou dans des comportements répétitifs déprimants les entrainant dans la colère, la médisance. Souvent un travail psychologique sera nécessaire et bienfaisant, mais on constate que, la plupart du temps, il ne suffit pas. Il doit être complété, je ne dis pas remplacé, mais complété par cette délivrance dont parlait la prophétie. C’est elle qui va permettre à ces personnes de sortir de captivité et de reconquérir peu à peu leur liberté intérieure. 

Il y a là, me semble-t-il une dimension essentielle et tellement actuelle de la mission de l’Eglise. Sans doute est-ce là l’une des dimensions de cette audace évangélique qu’il nous faut oser mettre en œuvre aujourd’hui. Et ça deviendra évangélisateur. Regardez, la samaritaine, dès qu’elle est délivrée, elle va chercher tout son village et elle amène tout le monde à Jésus ! Ceux qui ont été libérés deviendront sans se forcer des évangélisateurs enthousiastes.

Comme nous sommes dans la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, je termine en soulignant que s’engager dans cette mission, ça peut devenir ferment d’unité. Les Eglises évangéliques y sont déjà particulièrement attentives à leur manière. Oui, c’est dans l’exercice d’une mission commune que nous progresserons vers l’unité. Pour que cette mission soit vraiment commune, nous ne pouvons la recevoir que de Jésus lui-même. Eh bien la voilà cette mission commune est clairement définie dans la prophétie d’Isaïe accomplie par Jésus. 

Et, puisque, dans chacune de nos Eglises, nous croyons en un seul baptême, ça signifie que nous reconnaissons que tous les chrétiens, quelle que soit leur confession, ont reçu la même onction du Saint-Esprit. C’est donc lui qui nous envoie et nous équipe pour que nous puissions porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.

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