11 septembre : samedi 23° semaine. Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui !

J’aime ces paroles de Paul que nous avons entendues et qui sont, pour moi, comme la marque de l’authenticité chrétienne : « moi, je suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience, pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui. » Vous imaginez un dirigeant politique commencer un discours en disant : Vous avez bien fait de m’élire car je ne vaux pas mieux que vous ! Il n’y a que dans l’Eglise qu’on entend de telles paroles. Vous savez d’ailleurs que, lorsqu’un évêque prend la prière eucharitique n°1, c’est lui qui lira le passage où on prie pour le pape et l’évêque, il ne cite pas son nom mais il dit : et pour moi-même ton indigne serviteur ! C’est sûr, il n’y a que dans l’Eglise qu’on entend le responsable parler de lui devant ceux dont il a la responsabilité en ces termes. Oui, c’est vraiment la marque de l’authenticité, de la différence chrétienne.

Comme je l’évoquais déjà hier, Paul ne sera jamais le dernier à reconnaître sa faiblesse, à oser rappeler son passé si peu glorieux. Il ne le fait pas par esprit de mortification, il le fait pour se rappeler de l’immense amour miséricordieux du Seigneur à son égard. « Moi, je suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde. » Et finalement, Paul n’aura rien de plus important à dire que cela : nous sommes tous pécheurs, mais il nous a été fait miséricorde, nous sommes tous des pécheurs, mais des pécheurs pardonnés par pure grâce. C’est ce qu’il appellera, à plusieurs reprises, son Evangile alors qu’il n’a pas écrit d’Evangile, mais il utilise le mot au sens étymologique, évangile voulant dire Bonne Nouvelle. Nous sommes tous des pécheurs endurcis mais la bonne nouvelle, c’est que Dieu nous a fait et nous fait sans cesse miséricorde. A cause de notre endurcissement dans le péché, nous ne méritions que la condamnation, mais Christ nous a libérés de la malédiction du péché, le péché qui aura le dernier mot, mais la miséricorde. Et tout cela nous est donné par pure grâce, c’est-à-dire gratuitement, sans que nous ne le méritions.

C’est donc en rappelant ce cœur de la foi que Paul veut commencer sa lettre à Timothée : « Bien aimé, voici une parole digne de foi, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. » Quand Paul aura découvert de manière expérimentale la puissance de cet amour sur le chemin de Damas, il n’hésite pas un seul instant, il répond favorablement à l’appel du Seigneur qui lui demande de devenir missionnaire de la miséricorde. C’est exactement l’itinéraire de Charles de Foucauld qui, jeune, faisait cette prière sans trop y croire : « Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous connaisse ! » Et voilà qu’un jour, entrant dans un confessionnal, il va expérimenter la miséricorde de Dieu et vous connaissez sans doute les belles paroles avec lesquelles il en rend compte : « Quel jour béni ! Et depuis ce jour toute ma vie n’a été qu’un enchaînement de Bénédictions ! Je demandais des leçons de religion : il me fit mettre à genoux et me fit me confesser, et m’envoya communier séance tenante … Je ne puis m’empêcher de pleurer en y pensant, et ne veux pas empêcher ces larmes de couler, elles sont trop justes, mon Dieu ! Quels ruisseaux de larmes devraient couler de mes yeux au souvenir de telles Miséricordes ! Que Vous avez été bon ! Que je suis heureux ! Qu’ai-je fait pour cela ? Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi : Dieu est si grand ! Il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n’est pas Lui ! »

C’est aussi ce qu’a vécu le pape François qui raconte que sa vocation date également de cette expérience de la miséricorde qu’il fit en entrant dans un confessionnal et c’est ce qui expliquera le choix de sa devise épiscopale : « miserando atque eligendo » choisi, appelé parce que miséricordié. Et nous avons tous en mémoire ces images du pape qui avant d’aller exercer le ministère de la confession à la basilique St Pierre va se mettre à genoux devant un prêtre dans un confessionnal pour confesser ses péchés et recevoir l’absolution. Oui, c’est vraiment la marque de l’authenticité et de la différence chrétienne. Seule la découverte de la puissance de l’amour miséricordieux du Seigneur peut justifier qu’on lui donne notre vie. Et c’est pour que d’autres puissent faire cette même expérience que nous sommes heureux d’avoir donné notre vie et de la redonner chaque jour en vivant cette mission d’accueil dans les Foyers de Charité.

Quant à l’Evangile, il nous permet d’entendre la suite de la formation que Jésus dispense à ses disciples en développant deux points. Dans le 1° point, il va donner des repères pour aider ses disciples à poser un discernement le plus juste possible sur les situations et les personnes, dans le 2° point, il va donner un point de grande vigilance pour ceux qui veulent mener une vie de disciple.

Regardons d’abord le 1° point : on reconnait un arbre à ses fruits. C’était un élément de discernement largement invoqué jusqu’à ces dernières années, mais la révélation de tant de scandales dans l’Eglise nous a montré que les choses étaient sans doute plus complexes que ne le laissait supposer la formule simple utilisée par Jésus. Evidemment, on ne peut pas dire que Jésus s’est trompé, ça serait quand même un peu fort que, celui qui est la vérité, se soit trompé ! Mais c’est vrai qu’il faut se pencher avec attention sur la formule utilisée par Jésus : « un bon arbre ne donne pas de fruit pourri et jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. » Cette formule nous invite sans doute à distinguer plus que nous ne l’avions fait l’œuvre et le fondateur. Pour ne prendre qu’un exemple, on parlait trop vite de l’Arche de Jean Vanier. Jean Vanier était le fondateur de l’Arche, mais l’Arche ne se résume pas à Jean Vanier, du coup nous comprenons que l’Arche soit une œuvre qui porte de si beaux fruits alors même que son fondateur s’est avéré être beaucoup moins saint qu’on ne l’avait imaginé. L’œuvre fondée de manière charismatique, c’est-à-dire par une forte impulsion du Saint-Esprit, le Seigneur ne l’abandonnera pas même si son fondateur ou/et ses collaborateurs et successeurs ont dérapé. Et c’est ainsi que de ces scandales à répétition, nous pouvons aussi tirer du bien en arrêtant de personnaliser les œuvres en les confondant avec leurs fondateurs. L’Arche est d’abord l’Arche du Seigneur, comme les Foyers de Charité d’ailleurs et toutes les autres fondations.

Le 2° point dans l’enseignement de Jésus nous donne un point de vigilance très important pour qui veut mener une vie de disciple digne de ce nom. Et d’ailleurs les fondateurs qui ont dérapé auraient été bien inspirés de se référer continuellement à ce point de l’enseignement de Jésus. En parlant des fondations, de l’importance des fondations qui assureront la solidité de la construction en cas de tempête, Jésus nous invite à accorder de l’importance à ce qui ne se voit pas. Une maison, quand vous la regardez, vous pouvez être séduit par sa beauté, tout semble harmonieux, bien pensé, bien proportionné. Mais cette maison aussi belle soit elle, si elle n’a pas des fondations solides, elle disparaitra au premier séïsme. C’est ce qui arrive à ceux qui ne sont soucieux que de leur apparence, de l’image qu’ils donnent à voir, à la première tempête, ils s’écroulent ! Les fondations, dans une maison, c’est ce qui ne se voit pas. En insistant sur l’importance des fondations, Jésus nous invite donc à donner plus d’importance à ce qui ne se voit pas. Quand vous changez de vêtement, tout le monde s’en rend compte, quand vous passez une heure en adoration personne ne le sait, ni ne le voit, sauf si vous aimez prier comme les pharisiens ! Dans une vie de disciple, ce qui est le plus important, le plus déterminant, ce qu’il faut le plus soigner, ce sont les fondations. Et c’est vrai que de ce point de vue, nous ne sommes pas très aidés par la société qui valorise tellement le paraître, l’extérieur. Méfions-nous en Eglise de ne pas nous laisser gagner par ce qui est un véritable cancer. Parce que nous aussi, en Eglise, nous risquons d’être attirés par les initiatives qui semblent bien marcher, ce qui est attirant. Rappelons-nous toujours ce proverbe qu’aimait citer Benoit XVI : le succès n’est pas un nom de Dieu ! Le succès peut nous faire perdre la tête et il a fait perdre la tête à certains fondateurs. Ce qui est le plus important, ce sont les fondations, ce que personne ne verra jamais mais qui assurera une vraie solidité à notre vie de disciple.

Comme Jésus nous y invitait dans cet Evangile, c’est sur le cœur qu’il faut concentrer toute son attention. Si mon cœur est mauvais, s’il n’est pas habité profondément par l’amour du Seigneur, il va falloir que je produise des efforts démesurés pour paraitre quelqu’un de bien et tôt ou tard, la vérité de ce que je suis profondément finira par éclater. Par contre si mon cœur est débordant de l’amour du Seigneur, sans effort, ça s’entendra dans mes paroles, ça se verra dans mes regards, ça se se reconnaîtra dans mes gestes. « L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais. » Nous voilà prévenus !

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