Nous arrivons à la fin du temps pascal, plus que deux jours après cette journée et ça sera la fête de Pentecôte, clôture en apogée de ce temps liturgique. Plus que deux jours et il reste encore quelques chapitres dans le livre des Actes qui nous aura accompagné tout au long de ce temps. Alors, à l’image des profs qui accélèrent en fin d’année pour finir le programme, notre lecture s’accélère et nous fait sauter des chapitres ! Hier nous étions dans le chapitre 20, je vous rappelle que le livre des Actes comporte 28 chapitres, aujourd’hui, nous passons au chapitre 22 et même une partie du 23. Manifestement, il faut accélérer et jouer à saute-moutons avec les derniers chapitres !
Aujourd’hui, nous sentons la fin arriver puisque Paul a été arrêté. Dans le discours aux anciens d’Ephèse, cette fin était annoncée puisqu’il leur avait dit qu’ils ne reverraient plus son visage ce qui avait déclenché une grande séquence émotion. Eh bien, voilà, c’est donc fait, il est arrêté, premier acte d’une série d’événements qui le conduiront à Rome puisqu’il fera valoir sa qualité de citoyen romain et, donc, son droit à être jugé par l’empereur.
Mais puisque nous avons joué à saute-moutons, nous n’avons pas entendu le récit de l’arrestation de Paul, j’en dis quelques mots. Paul est revenu à Jérusalem au terme de ce 3° voyage missionnaire. Il y est accueilli avec des réserves, les judaïsants de la communauté chrétienne trouvent qu’il en fait un peu trop pour les païens. On lui propose un deal assez étonnant pour que toute ambiguïté soit levée, vous irez lire le texte qui raconte cette histoire de vœux, de tête qu’il faut raser et la demande faite à Paul de prendre à sa charge les frais de coiffeur ! Au niveau des judaïsants de la communauté chrétienne, l’affaire est réglée, mais les juifs, non-chrétiens, lui en veulent de plus en plus de détourner tant de personnes de la pureté de la foi juive en enseignant que c’est la foi en Christ qui sauve et non la stricte observance de la Loi. Ils vont donc profiter d’un de ses passages au Temple pour monter la foule contre lui qui, une nouvelle fois, cherchera à le faire mourir. Il s’en sortira grâce au commandant de la garde du Temple qui le fera arrêter et lui évitera ce lynchage.
Ce qui est étonnant, ce sont les reproches qui lui sont faits par cette foule excitée et par ceux qui la manipulent. Je résume, on l’accuse d’avoir profané le Temple en faisant entrer, avec lui, un païen, Trophime, ce qui est faux. Mais c’est le Temple qui est au cœur de l’accusation. C’était déjà le Temple qui était au cœur de l’accusation lancée contre Etienne, je cite : Ils produisirent de faux témoins, qui disaient : « Cet individu ne cesse de proférer des paroles contre le Lieu saint et contre la Loi. Nous l’avons entendu affirmer que ce Jésus, le Nazaréen, détruirait le Lieu saint et changerait les coutumes que Moïse nous a transmises. Et, comme le rappelaient ces paroles, ce sont aussi ses paroles sur le Temple qui seront retenues contre Jésus dans son procès chez le Grand-Prêtre. Est-ce une coïncidence ? Evidemment, non !
Avec le Temple, nous sommes au cœur du débat entre juifs et chrétiens, bien sûr, il ne faudra pas oublier l’autre question déterminante qui concerne le rapport à la Loi pour le Salut. Puisqu’ici, c’est la signification du Temple qui est en cause, essayons de comprendre où est le problème. Pour les juifs, le Temple, c’est le lieu de la présence de Dieu, une présence qu’on pourrait qualifier de quasi-réelle. Pour les chrétiens, ce n’est plus un bâtiment qui manifestera cette présence, mais une personne, Jésus. Paul osera cette formule tellement étonnante : En lui habite corporellement la plénitude de la divinité. Col 2,9 Ce n’est donc pas un débat sur un bâtiment, mais sur la présence de Dieu et la manière dont on il se donne à rencontrer pour les croyants.
Après ces précisions, nous arrivons à la lecture d’aujourd’hui que j’aime beaucoup parce qu’elle montre que, jusqu’au bout, Paul va être un fin stratège, maitrisant parfaitement les joutes oratoires. Le commandant du Temple ne comprenant rien au débat qui a provoqué une telle agitation, réunit les responsables juifs pour les interroger. Comme il se doit, il donne la parole à l’accusé en 1° pour qu’il puisse se justifier. Or Paul sait très bien que ce « conseil suprême » est composé à la fois de pharisiens et de saduccéens et qu’ils sont loin d’être d’accord entre eux, notamment sur la question de la résurrection, les pharisiens y croient, pas les saduccéens. Il décide donc d’aborder immédiatement le sujet. Ce qui devait arriver arriva ! Ils se sont écharpés entre eux, oubliant Paul !
Le commandant de la garde du Temple, va retirer Paul parce qu’il sent bien que les débats ne sont pas près de se calmer et qu’ils risquent même de s’envenimer. Paul s’en sort bien car si ses adversaires s’étaient unis, il aurait sans doute été condamnés sur le champ. Il pourra donc, selon son désir aller à Rome et faire valoir ses droits auprès de l’empereur comme l’y autorise son statut de citoyen romain car il avait la double nationalité juive et romaine.
Je vous avoue que j’aime beaucoup ce côté rusé de Paul. L’Esprit-Saint ne nous rend pas benêts, naïfs au contraire et nous le voyons bien avec Paul. Jésus avait dit à ses disciples : « Soyez rusés comme des serpents et purs comme des colombes. » Mt 10,16 On se demande souvent comment il est possible d’allier ces deux qualités qui nous semblent si opposées eh bien, dans ce texte, Paul nous montre que c’est possible et que c’est l’action du Saint-Esprit en nous qui nous permettra, nous aussi, de devenir rusés comme des serpents et purs comme des colombes.
Je nous laisse le soin de méditer l’Evangile, ce passage de la prière sacerdotale dans laquelle Jésus prie pour l’unité des chrétiens, une unité qu’il considère comme indispensable pour la fécondité de l’Evangélisation : Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Cette unité, elle est un des fruits de l’Esprit-Saint que nous demandons avec plus de ferveur en cette neuvaine.