26 mai : don de force

Aujourd’hui, nous avons entendu dans la 1° lecture, et nous aurons la suite demain, le si beau discours d’adieu de Paul aux anciens de l’Eglise d’Ephèse adressé depuis la ville de Milet. Je me rappelle très bien, dans le pèlerinage que j’accompagnais sur les pas de St Paul, ce moment où, dans l’amphithéâtre de Milet, remarquablement conservé, je lisais ce texte pour les pèlerins. C’est un texte qui peut servir de point d’appui dans la réflexion qui doit être menée dans les Foyers sur le sens de la paternité. Dans ce discours, Paul fait un peu le bilan de son ministère et il explique comment il a essayé d’accomplir ce ministère pastoral qui lui a été confié. Bien sûr, c’est un texte important pour nous les prêtres, pour nous aider à faire un bel examen de conscience, mais c’est aussi un texte qui peut alimenter votre prière pour demander au Seigneur que soient donnés aux Foyers et à celui de Chanteauneuf en particulier un père animé par ce souffle pastoral.

Venons-en au don de force. Voilà un don qui nous est bien nécessaire ! Pour définir ce qu’est un chrétien, souvent on utilise le mot de témoin, un chrétien c’est un témoin. Et vous connaissez cette déclaration du pape Paul VI : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont aussi des témoins. » C’est vrai que ceux qui ont des beaux discours mais qui posent des actes contraires font beaucoup de mal. Si le témoignage construit l’Eglise, le contre-témoignage la détruit ; si le témoignage suscite la foi, le contre-témoignage la tue.

C’est pour cela que le pape François insiste tant sur la qualité du témoignage et invite à prendre des risques. Je vous cite un extrait d’Evangelii Gaudium mais il y en aurait tellement d’autres. 49. Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6, 37).

Etre chrétien, c’est donc être un témoin crédible. Seulement voilà, dire cela, ça va nous entrainer très loin parce que vous savez qu’en grec, témoin se dit « martyr ». C’est-à-dire qu’être chrétien, c’est accepter d’aller jusqu’au bout : « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » disait Thérèse de Lisieux. Oui, c’est bien beau, mais qui d’entre nous peut dire qu’il le vit en permanence ? Devant cette exigence, certains seraient tentés de dire : je fais ce que je peux et c’est déjà pas mal ! Oui, mais attention, parce que certains jours, je peux peu !!! Je vous ai déjà donné cette image du saut à la perche pour parler du Saint Esprit. Elle est très parlante parce que les paroles de Jésus, les exigences d’une vie chrétienne authentique mettent la barre à une hauteur infranchissable : aimez vos ennemis par exemple (Mt 5,43), vraiment pas simple ! Aimer nos amis, nos frères et sœurs en communauté, ce n’est déjà pas simple, alors aimer ses ennemis comme le demande Jésus, c’est impossible ! 

Et il y a encore cette parole de l’épitre aux Romains qui dit : « soyez vainqueurs du mal par le bien », la barre est bien trop haute ! Mais l’Esprit-Saint, par le don de force, nous offre la perche qui nous permettra de passer toutes ces barres trop hautes pour nous. Sans cette perche, nous risquons soit de nous décourager et de renoncer, soit de nous satisfaire d’une certaine médiocrité en répétant sans cesse : Dieu m’aime comme je suis ! Oui, c’est vrai, mais il ne veut pas te laisser comme tu es !

C’est donc là, dans la prise de conscience de notre pauvreté radicale, de notre incapacité à mettre en œuvre ce que nous demande Jésus qu’intervient le don de force. Finalement, la grande question de la vie chrétienne, c’est celle-là : est-ce que tu comptes sur toi pour vivre tout ce qu’il t’est demandé de vivre ou est-ce que tu comptes sur la force que te donne le Saint-Esprit ? Si tu comptes sur toi, tu risques, à certains moments de ne pas donner un beau témoignage, si tu comptes sur le Saint Esprit, alors dans ta faiblesse, il peut réaliser des merveilles.

C’est vraiment étonnant de voir que Jésus n’a pas choisi des héros comme disciples … c’est le moins qu’on puisse dire ! C’est vrai de tous les apôtres qui ont montré leurs limites, au moment de l’arrestation, il est dit dans l’évangile de Marc : et ils s’enfuirent tous ! Mc 14,50. TOUS, même Jean qui sera à la croix a eu tellement peur qu’il est parti pour préserver sa vie. Il s’est repris assez vite mais TOUS, ils l’ont abandonné dit Marc. Mais c’est encore plus vrai pour ceux que l’on nomme les deux colonnes de l’Église, Pierre et Paul dont l’Ecriture ne nous cachera aucune faiblesse. Pierre qui a renié Jésus, Paul qui a du sang sur les mains en ayant conduit à la mort des chrétiens quand il était persécuteur de l’Eglise. Oui, Jésus a choisi des pauvres pour qu’il soit bien manifeste que tout le bien qui se fait par eux ne trouve pas source en d’eux. « Ce trésor, dura Paul, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. » 2 Co 4,7

C’est encore vrai pour les martyrs, qui n’étaient pas, par nature des héros, mais, dans ces situations extrêmes, ils n’avaient d’autre issue que de compter sur la force donnée par le Saint Esprit pour rester fidèles jusqu’au bout. Comment expliquer qu’il est possible de continuer à chanter quand on est en train d’être broyé par les dents des lions ? Il ne peut y avoir d’autre explication que le don de force !

Comme je le disais ces derniers jours, nous n’aurons peut-être pas à donner notre vie dans le martyr de sang, mais nous avons à la donner dans le martyr de l’amour, ou, comme le disait Ste Thérèse, nous ne vivrons sans doute pas le martyr du corps, mais nous sommes appelés au martyr du cœur dans lequel, goute d’amour après goutte d’amour, nous nous donnons totalement. Mais avec un peu de lucidité, nous savons bien que nous n’en sommes pas capables, ce que nous donnons un jour, il nous arrive de le reprendre le lendemain et parfois même sans attendre le lendemain ! 

Seuls ceux qui comptent sur le don de force offert par le St Esprit pourront donc devenir ces témoins crédibles. Et quand nous avons l’impression que nous n’y arriverons pas, pensons à l’image du saut à la perche : le St Esprit est la perche que Dieu nous donne pour arriver à franchir ce qui nous semble infranchissable et, par le don de force, il nous donne l’énergie nécessaire pour ne jamais renoncer devant une barre qui nous semble trop haute. Certaines fois, nous aurions envie de dire : telle manière de réagir, c’est plus fort que moi, dans ces moments-là, il est bon de se rappeler que le Saint Esprit, par le don de force devient plus fort que ce qui est plus fort que moi !

Viens St Esprit, viens et emplis-nous de ce don de force !

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