28 août 2022 : 22° dimanche temps ordinaire Quand Jésus se préoccupe de nous indiquer la bonne place pour nous, pour les autres et pour Dieu !

Comme souvent, je vais surtout m’attacher à commenter l’Evangile. De toutes façons, la 1° lecture est tellement claire qu’elle ne demande aucun commentaire, il suffit de la lire et de la relire en demandant l’esprit d’humilité sans lequel même nos plus belles réalisations, même nos plus nobles engagements, même nos actions les plus altruistes peuvent être gâtées. En ce qui concerne l’Evangile, je voudrais commencer par deux petites remarques introductives avant de chercher à comprendre le cœur du message que Jésus veut nous transmettre, du moins tel que moi, je l’ai perçu en méditant ce texte.

Tout d’abord, il est bon de noter que Jésus mangeait chez un pharisien et ce n’est pas la première fois que ça arrive ! Luc, dans son Evangile, rapportera au moins 3 repas chez un pharisien. Nous sommes plus souvent habitués à entendre parler des repas que Jésus prenait avec les publicains, c’est le cas chez Matthieu, chez Zachée, mais il ne faudrait pas oublier ces repas chez les pharisiens, signe que Jésus n’exclut personne. Certes, il ferraille souvent avec les pharisiens, mais il n’est pas dans une hostilité frontale. En plus, il ne faut pas mettre tous les pharisiens dans le même sac ! Rappelons-nous la belle démarche de Nicodème et puis, quelques versets avant cette scène du repas, il est dit que des pharisiens étaient venus trouver Jésus pour le prévenir qu’Hérode le cherchait pour l’arrêter. Je souligne ce point parce que nous souvent, dans nos relations, nous avons un fonctionnement un peu binaire : j’aime ou je n’aime pas. Si j’aime, je fréquente, si je n’aime pas, je m’éloigne ! Jésus ne fonctionnait pas ainsi. Il n’a jamais exclu personne de sa carte de relations ! C’est vrai qu’avec les pharisiens, ça sera souvent compliqué, d’ailleurs le texte commençait en expliquant que les pharisiens l’observaient, c’est un peu comme s’ils l’avaient invité pour le piéger. Mais ils l’ont invité quand même, alors Jésus répond à leur invitation en acceptant par avance que ce ne soit pas simple. Puisque, dans chaque messe, nous invitons Jésus dans notre cœur, nous pourrions lui demander cette grâce de nous faire sortir de ce fonctionnement binaire : j’aime donc je fréquente, j’aime pas donc je m’éloigne !

2° remarque introductive. Elle concerne la délicatesse de Jésus dans ce climat un peu tendu. Les pharisiens l’observent pour essayer de le coincer et ils le coinceront, mais l’Evangile que nous avons entendu a sauté quelques versets concernant la controverse à propos de la guérison de cet homme hydropique en plein repas de sabbat. Jésus est observé, mais lui non plus n’a pas ses yeux dans sa poche et il voit ce qui se passe : tous ces gens qui jouent des coudes pour conquérir les meilleures places à table. Puisqu’il venait d’être attaqué, Jésus aurait pu prendre sa revanche en assénant quelques bonnes vérités, bien humiliantes. Mais il ne le fera pas, il ne le fera jamais. Jésus ne cherche jamais à humilier, il veut conduire à la conversion. Et c’est pour cela qu’il aime tant les paraboles. Para-balô, en grec, c’est ce qui est jeté le long de, c’est donc le contraire d’une vérité jetée en pleine face de l’autre pour l’humilier. Quand j’humilie, ce que je dis peut être vrai, mais je le dis plus pour me soulager que pour faire avancer l’autre. En balançant la vérité en pleine face, j’utilise l’artillerie lourde sans me préoccuper des dégâts qu’elle ne manquera pas de faire. Jésus ne balancera jamais la vérité en pleine face, tout en ne cachant rien de la vérité, il ne se dégonflera jamais. Mais pour que la vérité puisse faire son chemin dans le cœur de l’autre, il préfère la dire sous forme de parabole. Parce que, nous le savons par expérience : lorsqu’on nous balance des remarques comme on peut balancer des obus, même si ces remarques sont justes, nous nous fermons comme une huitre pour nous protéger. Cette vérité ne pourra donc pas faire son chemin en nous et porter des fruits de conversion. Puisque, dans chaque messe, nous invitons Jésus dans notre cœur, nous pourrions lui demander qu’il nous fasse également cette grâce d’apprendre comment dire la vérité pour aider les autres à grandir.

Maintenant, venons-en au cœur du message de Jésus. Il y a, dans cet Evangile, comme deux parties, l’une qui est justement la parabole sur le choix des places et l’autre qui est comme un conseil de Jésus sur le choix des invités. Choix des places et choix des invités, je vous propose que nous puissions regarder successivement ces deux aspects. 

Pour la parabole sur le choix des places, il me semble que, pour la comprendre, il est essentiel de bien se redire que c’est un jour de sabbat que Jésus a prononcé cette parabole. Parce que, autrement, on risque de transformer cette parabole en guide du savoir-vivre selon l’Evangile et ça serait une manière de dénaturer l’Evangile. Si Mme de Rothschild a édité un guide des bonnes manières pour ceux qui vivent dans la haute société, Jésus, lui, n’a pas voulu éditer un guide des bonnes manières pour ceux qui veulent vivre selon l’Evangile. Sa Parole vise tout à fait autre chose. D’ailleurs, ce qu’il demande est impossible : nous ne pouvons pas choisir la dernière place, puisque cette place est occupée. Jésus se l’est attribuée et il ne l’a jamais libérée ! Toute sa vie, Charles de Foucauld va gémir parce qu’il a compris que, la dernière place, qui était son objectif, était occupée.

C’est donc un jour de sabbat que Jésus raconte cette parabole. Or, nous le savons, le sabbat, chez les juifs, c’est ce jour très particulier où l’on ne fait rien, non pas pour penser à soi, ni même d’abord pour se reposer parce qu’on l’a bien mérité. Non ! Le jour du sabbat est consacré à Dieu, on ne fait rien pour laisser à Dieu toute la place dans notre vie, ce jour est pour Lui, ce jour, il est à la première place dans notre vie. Le sabbat, c’est donc ce jour dans lequel, on essaie de remettre tout à sa vraie place dans notre vie. Tout au long de la semaine, on s’agite comme si l’avenir du monde, de l’Eglise dépendait totalement de nous ; le jour du sabbat, on s’arrête pour se rappeler que le monde, l’Eglise, notre vie, tout sort de la main de Dieu et tout reste dans aa main. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus voyait les gens se battre pour avoir la première place, alors vous comprenez que ça le chagrine vraiment. Le sabbat doit permettre de redonner à Dieu la première place et eux, les défenseurs de la radicalité de la Loi, ils jouent des coudes pour occuper cette première place ! Dans cette parabole, Jésus veut donc remettre chacun à sa juste place et ainsi redonner à Dieu la place qu’il mérite, c’est à dire la première. C’est exactement ce qui est dit dans le Magnificat : il renverse les puissants de leurs trônes, ça signifie que, sur le trône, il ne peut y en avoir qu’un, Dieu, et quand les hommes prennent la place de Dieu, on peut craindre le pire. Du coup, la suite du Magnificat, explique qu’il élève les humbles, et s’il les élève, ce n’est pas pour les mettre à la place de ceux qu’il vient de déloger, mais pour leur donner une vraie place. Aujourd’hui, c’est le jour du Seigneur, le dimanche, c’est le sabbat des chrétiens, bonne occasion pour nous poser cette question : la première place dans ma vie, elle est pour qui ou pour quoi ? Et attention, de ne pas faire une réponse de catéchisme !

Enfin concernant les conseils que Jésus donne sur le choix des invités, j’ai découvert quelque chose de très important. La liste que Jésus fait des personnes qu’il serait bon d’inviter n’est pas une liste au hasard : en plus des pauvres qui recouvrent une catégorie très englobante, il est fait mention des estropiés, des boiteux, des aveugles. Eh bien, ces 3 groupes étaient exclus de la liturgie. Au livre du Lévitique, nous lisons ces versets terribles : « Car aucun homme atteint d’une infirmité ne s’approchera, qu’il soit aveugle, boiteux, défiguré ou difforme, qu’il soit un homme au pied ou au bras fracturé, un bossu ou un rachitique, quelqu’un qui a une tache dans l’œil, qui est affecté de gale ou de dartres purulentes. » Lv 21,18-20 Quand Jésus demande d’inviter en priorité ces personnes, il veut donc tourner nos regards vers les exclus, les exclus de notre société, mais aussi les exclus de notre Eglise. Que ces personnes soient véritablement exclues ou qu’elles se sentent exclues, peu importe. C’est un peu comme si Jésus nous disait : la première place, dans ta vie sera pour Dieu, et la manière de vérifier s’il occupe vraiment cette première place, ça sera de regarder la place qu’occupent les exclus dans ta vie. C’est pour cela que Jésus n’hésitera jamais à opérer un miracle en faveur d’une personne exclue un jour de sabbat parce que, pour lui, la cause de Dieu et la cause des pauvres est intimement liée, ce qui lui fera d’ailleurs dire : tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait !

Jésus, puisque, dans cette messe, nous t’invitons dans notre cœur, fais-nous la grâce de te remettre, Toi, Ton Père et l’Esprit d’amour qui vous unit à la place qui vous revient, c’est-à-dire la première et puisque nous aurons chassé toutes nos encombrantes idoles, donne-nous de réserver la place libérée à tous ceux qui ne trouvent nulle part leur place.

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