Si Marthe avait encore été physiquement présente parmi nous et qu’une délégation d’élèves soit allée l’interroger pour qu’elle nous délivre un message pour cette messe d’entrée, je pense qu’elle n’aurait pas hésité et qu’avec sa petite voix si particulière, si jeune et si enthousiaste, elle aurait repris le slogan de cette année et se serait exclamée : « Ce que j’ai à vous dire, c’est simple : Vive la Vie ! Dites-leur de ma part que j’aimerais qu’ils puissent dire le plus souvent possible : Vive la Vie ! » Si nous avions pu interviewer St François d’Assise que nous fêtons aujourd’hui, il nous aurait transmis le même message : « Vive la Vie ! » Pas étonnant qu’ils disent la même chose, Marthe était tertiaire de St François !
Vive la Vie ! Oui, bien sûr, quand tout baigne, c’est facile de dire : Vive la Vie ! Heureusement, parmi vous, il y en a qui n’ont pas de mal à le dire parce qu’ils réussissent bien, parce que leur famille est solide, parce qu’ils vont bien. Ceci dit, ce n’est pas parce que tout va bien qu’on pense forcément à dire : Vive la Vie, à le chanter comme un cri de remerciement adressé à Celui qui nous a fait le cadeau de la vie. Il peut y avoir souvent une forme d’ingratitude ; quand tout va bien, nous ne savons pas toujours mesurer la chance que nous avons.
Mais je sais aussi pour avoir déjà rencontré personnellement un certain nombre d’entre vous qu’il y en a qui vivent des situations compliquées dans leurs familles, dans leur scolarité, dans leur santé, dans leur foi. Et pour eux, peut-être que cette invitation à crier : Vive la Vie, c’est une invitation qui leur semble complètement déplacée, peut-être même tellement décalée qu’elle en devient indécente et je n’ai pas de peine à comprendre leur hésitation à croire que ce slogan puisse être pour eux, je n’ai pas de peine à comprendre qu’ils se fassent un peu de souci à l’idée d’entendre toute l’année Vive la Vie, alors que la Vie, pour eux ressemble terriblement à un parcours dans lequel les obstacles succèdent eux obstacles et qu’on n’a pas fini d’un franchir un qu’un autre se dresse en paraissant encore plus compliqué à passer. Et dans le monde, il y a tant et tant de personnes qui vivent des problèmes insurmontables qu’on se demande comment un tel slogan pourrait leur parler.
Mais pensez-vous que Marthe aurait crié : Vive la Vie, parce que tout baignait pour elle ? Vous le savez, elle avait l’âge des plus grands parmi vous quand la maladie a commencé à contrarier tous ces projets. Et année après année, la progression de cette terrible maladie va lui faire prendre conscience qu’elle doit renoncer à tous ces projets qu’elle faisait comme tous les jeunes de son âge, elle comprend peu à peu que son seul horizon sera sa chambre. Alors, comment crier Vive la Vie, dans ces conditions ? Est-ce qu’il ne faut pas être un peu maso ? Vous savez les masos, le mot en entier, c’est masochiste, ce sont ceux qui sont perturbés psychologiquement et qui aiment, qui recherchent la souffrance. Marthe n’était pas maso, elle aurait évidemment préféré que les choses se passent autrement pour elle que de se retrouver paralysée dans son lit avec tant de souffrances à supporter.
Je disais que François d’Assise que nous célébrons, aujourd’hui, aurait lui aussi crié : Vive la Vie. Et c’est très intéressant de connaître ce qu’était sa vie au moment où il l’a crié, avec ses mots à lui, composant le fameux cantique des créatures dans lequel il loue le Seigneur pour la beauté de la vie, de la création. En effet, François, à ce moment de sa vie, était devenu aveugle et il ne pouvait plus rien voir de la beauté qu’il chantait. Et vous savez, je pourrais continuer à vous citer une quantité impressionnante de chrétiens qui ont crié : Vive la vie, dans les situations les plus improbables. Je pense particulièrement à Jacques Lebreton qui est mort il y a quelques années et que j’avais souvent fait venir pour témoigner auprès des jeunes. Jaques était impressionnant à voir, il était aveugle et n’avait plus de main, à la guerre, une grenade lui avait explosé dans les mains lui laissant la vie sauve mais le privant de ses yeux et de ses mains. Je pourrais encore citer Nick Vujicic, lui, il est encore vivant et vous pouvez trouver quantité de vidéos de lui sur Youtube, il est né sans bras et sans jambe et il parcourt le monde en criant aux jeunes : Vive la Vie !
Quand on entend tout cela, on se demande presque si les chrétiens, du moins ces chrétiens-là, ne seraient pas des extra-terrestres ! Comment peut-on vivre de telles galères et crier encore : Vive la Vie ? Non, ce ne sont pas des extra-terrestres, ce sont tout simplement des chrétiens, mais de vrais chrétiens ! C’est-à-dire qu’ils croient que ce que dit Jésus, ce ne sont pas des belles paroles ; quand Jésus fait une promesse, ce n’est pas du vent ! Ils ont entendu la même promesse que nous avons entendue dans l’Evangile et eux, ils y ont cru. Je vous la rappelle cette promesse : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » Tous ceux dont j’ai parlé, ils portaient un fardeau trop lourd pour eux, les épreuves qu’ils traversaient les épuisaient, ils n’en pouvaient plus. Alors, ils ont entendu Jésus qui leur disait : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » Ils ont entendu cette promesse et ils y ont cru ! Ils sont venus à Jésus et ils lui ont dit, chacun à sa manière : si tu ne fais pas quelque chose pour nous, on lâche tout ! Et Jésus, les a tellement soulagés, leur a donné une paix si grande qu’ils sont devenus des témoins exceptionnels qui aimaient crier : Vive la Vie !
Mais attention, ne nous y trompons pas, ils n’ont pas été débarrassés de leurs problèmes. Marthe est restée paralysée dans la souffrance, François d’Assise est resté aveugle, Jacques Lebreton sans yeux et sans main, Nick Vujicic sans bras et sans jambe. Il arrive parfois que le Seigneur fasse des miracles en supprimant la maladie ou le handicap, mais ça n’a pas été le cas pour eux. Pourtant Jésus a quand même agi avec puissance en leur faveur. Et pour comprendre comment Jésus a agi, il faut lire la suite de la promesse de Jésus, il ne se contente pas de dire : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. »
Il rajoute : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. » Je ne sais pas si vous savez ce qu’est un joug. C’est une pièce de bois qui permettait, quand il n’y avait pas encore de tracteurs, d’atteler deux bœufs ensemble pour qu’ils puissent labourer, tirer une charrette très lourde. Un seul bœuf se serait épuisé, mais à deux, c’était possible et pour tirer à deux, il fallait ce joug qui les reliait l’un à l’autre. Eh bien, tous ces grands témoins que j’ai cités, ils ont compris que s’ils ne prenaient pas Jésus à leurs côtés, ils n’y arriveraient pas, l’épreuve serait trop lourde. Ils ont cru à la promesse de Jésus de leur procurer, même dans leur situation impossible, la joie de vivre. Alors ils se sont liés à lui pour toujours et c’est ainsi qu’ils ont pu devenir ces témoins lumineux.
Mes amis, si nous faisons comme eux, si nous nous lions à Jésus, si nous le prenons comme compagnon de nos vies, il nous aidera, quand nous connaitrons des épreuves, à porter ce qui est trop lourd pour nous. Et alors, nous pourrons, nous aussi, dans toutes les circonstances de notre existence crier : Vive la vie ! Je termine en vous faisant une confidence : moi aussi, à un moment où j’ai connu de grosses difficultés, j’ai pris au sérieux cette promesse de Jésus, je l’ai accueilli à mes côtés et j’ai re-choisi d’être son disciple, eh bien ça marche … depuis, la paix et la joie ne m’ont plus jamais quitté.